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CIGARETTE - Vingt-cinq pour cent des fumeurs développeront une dépendance à la nicotine Trois approches médicales pour un sevrage du tabac garanti
Par MERHI Nada, le 20 janvier 2004 à 00h00
« Tu as fini avec tes leçons de morale ? Si je fume, c’est parce que je l’ai choisi. La cigarette, je peux y renoncer quand je veux. » Que de fois n’a-t-on pas entendu les fumeurs, agacés d’être critiqués pour leur manque de volonté, affirmer qu’ils ne sont pas « esclaves » de la cigarette et que de fois leurs tentatives de s’en débarrasser pour une raison quelconque ont failli ? C’est que ces derniers ignorent, peut-être, le facteur de la dépendance à la nicotine, principalement s’ils consomment plus de dix cigarettes par jour. Seuls, les fumeurs n’arriveront pas à se défaire de cette habitude, malgré toutes leurs bonnes intentions. Une aide professionnelle est donc souhaitable. Cela est devenu possible au Liban, puisque des centres de tabacologie commencent à fleurir. Trois pneumologues, les Drs Mirna Waked, Béatrice Chami et Zeina Abou Bacha, ont fondé dernièrement une polyclinique, toutes les trois s’étant spécialisées dans ce domaine.
La tabacologie, nouvelle spécialisation médicale, permet aux médecins d’acquérir des méthodes visant à aider les fumeurs à se débarrasser de la cigarette tout en contrôlant les problèmes qui accompagnent le sevrage : prise de poids, rechutes, dépression, etc. Pourquoi avoir suivi cette formation ? « Il est très facile à un médecin de dire à un patient qu’il doit arrêter de fumer, constate le Dr Chami. Mais il m’a fallu près de dix ans de travail en tant que pneumologue pour me rendre compte de l’inefficacité de cette phrase. En fait, c’est comme si on se moque du malade. D’ailleurs, je sentais qu’à la limite, j’étais méprisante vis-à-vis des personnes qui n’arrivaient pas à se défaire de cette habitude, alors que leur santé se détériorait. Puis je me suis rendue compte que quelque chose m’échappait, vu que nombre de mes patients étaient conscients de la gravité de leur situation. J’ai surfé alors sur Internet et j’ai découvert qu’il existait une science dont le but était justement d’étudier tous les aspects du tabac, la dépendance qui en découle et surtout les méthodes à adopter pour aider les fumeurs à arrêter. C’est la raison pour laquelle toutes les trois avons décidé de suivre cette spécialisation, car nous étions convaincues que dire à un patient d’arrêter de fumer était une rigolade. Il faut en fait le comprendre et l’étudier. »
Une approche collective
Le concept à partir duquel sont parties les trois pneumologues repose sur la nécessité de réunir les efforts pour adopter une approche visant à trier les patients. « L’état dans lequel plongent les patients diffère d’un fumeur à l’autre, explique le Dr Waked. En général, ils sont dans l’état du “fumeur heureux”, dont l’idée d’arrêter ne l’effleure même pas et qui ne se pose aucune question. Il s’agit donc de pousser ce patient à un stade où il commence à penser à abandonner la cigarette. »
Ce stade atteint, les tabacologues passent à la deuxième étape qui consiste à préparer le tabagique à celui de l’arrêt et empêcher qu’il ne récidive. « Plusieurs fumeurs se rendent dans une clinique de tabacologie, alors qu’ils sont toujours au stade de se poser des questions, note le Dr Waked. Idéalement, il faudrait adopter une approche collective consistant à regrouper ces personnes et à leur exposer le danger du tabac, ses effets sur la santé et surtout les écueils rencontrés lors de l’arrêt, notamment la prise de poids, le suivi, la durée du sevrage, etc. »
Une fois cette étape franchie, les tabacologues passent aux consultations individuelles. Chaque patient est ainsi examiné à part. En premier lieu, son état de santé global est évalué : facteurs de risque, autre genre de dépendance (alcool, cocaïne…), etc. L’étape suivante consiste à dresser un historique du tabagisme chez le patient. Un test, celui de Fagerström, définit la dépendance physique du fumeur à la nicotine. Un deuxième test, effectué à l’aide d’un appareil spécial, aide à mesurer le monoxyde de carbone dans l’air qu’il exhale. « Ce test est un indice de la dépendance physique du patient à la nicotine, précise le Dr Waked. Il nous permet également de contrôler son adhérence au traitement. »
Le visiteur de la polyclinique est également soumis à des tests à caractère psychologique : un premier questionnaire aide à mesurer sa motivation à l’arrêt du tabac. Un autre, appelé « anxiété et dépression », permet de déceler si le patient risquerait une dépression à l’arrêt du tabac.
« Une fois le profil de la dépendance dressé, nous proposons à la personne tabagique trois approches de sevrage, qui peuvent être combinées », souligne le Dr Waked, qui insiste sur le fait que seules les personnes présentant une forte dépendance physique à la nicotine peuvent bénéficier du traitement médicamenteux. Ce dernier consiste à donner au patient une dose de nicotine sous forme de patchs, de chewing-gums, de timbres, de comprimés ou d’inhalateurs. À eux seuls, ces moyens ne provoquent pas la dépendance et ne l’entretiennent pas. Au contraire, ils calment la sensation de manque et aident à perdre l’habitude de fumer.
Ces formes nicotiniques de remplacement ne sont-elles pas toxiques et contre-indiquées aux personnes souffrant de maladies cardiaques ? « Non, répond le Dr Waked. Ces formes de traitement ne présentent aucun risque. Au contraire, il s’agit-là du traitement idéal pour les personnes cardiaques. »
La deuxième approche consiste à administrer au patient le bupropion. « C’est un médicament qui, à la base, a été conçu comme antidépresseur, poursuit le Dr Waked. Il a toutefois la propriété de freiner l’impulsion à la cigarette et de diminuer les effets désagréables du sevrage. Il contribue de même à prévenir la prise de poids résultant du sevrage. Ce médicament doit être pris sous prescription médicale, parce qu’il a des contre-indications et peut avoir des effets indésirables. »
Le troisième traitement est de nature comportementale. Il s’agit d’une psychothérapie visant à chercher les causes cachées du tabagisme (psychologiques, sociales, professionnelles, etc.) et qui rendent la personne dépendante.
« Pour les cas sévères, nous sommes aidées par un psychiatre, insiste le Dr Waked. Nous avons également recours à l’aide d’une diététicienne. »
En ce qui concerne le prix du traitement, il se fixe aux alentours de 400 dollars. « Il ne faut pas être rebuté par le tarif, insiste le Dr Chami. Il faut penser à long terme, car, en fin de compte, dix ans de tabagisme auraient coûté au fumeur près de 5 000 dollars, sans parler des sommes dépensées pour soigner les pathologies qui en découlent. »
Hypermétabolisme au repos
Il faut que le fumeur soit conscient du fait que l’arrêt de la cigarette entraîne une prise de deux à trois kilos en moyenne. «Les personnes qui fument un paquet et plus de cigarettes par jour ont un hypermétabolisme qui leur fait perdre près de 200 kcal par jour au repos, indique le Dr Chami. Elles restent ainsi en deçà de leur poids réel. Lorsqu’elles abandonnent la cigarette, leur métabolisme redevient normal. Elles reprennent ainsi 200 ou 300 kcal par jour. De plus, à l’abandon de la cigarette, elles ont plus d’appétit. Si elles ne surveillent pas leur alimentation, elles vont grossir. Les statistiques ont toutefois montré que 10% des personnes qui arrêtent de fumer ne prennent pas du poids. Certaines même en perdent.» Et d’ajouter: «En général, les fumeurs ont un goût et un odorat moins poussés. Ils sont donc tentés par les plats épicés et gras. Lorsqu’ils arrêtent de fumer, ils retrouvent un goût et un odorat plus fins. Ils peuvent donc adopter une alimentation saine en introduisant plus de légumes et de fruits. Cela les aidera à perdre du poids. »
La durée du traitement médical est d’environ trois mois. Certains prennent toutefois de la nicotine pour une plus longue période : six mois ou même un an. « Cela ne pose pas un problème médical, remarque le Dr Chami. Au contraire, cela permet à de nombreuses personnes de ne plus reprendre la cigarette ou de devenir de petits fumeurs (trois à quatre cigarettes par jour). Il s’agit quand même d’un bénéfice énorme. »
Nada MERHI
Une société passive
quand il s’agit de prendre des décisions
Le processus de sevrage ne risque-t-il pas d’échouer? «Il n’y a pas d’échecs, il y a plutôt des tentatives ratées, répond le Dr Mirna Waked, pneumologue et tabacologue, vice-présidente de la Société libanaise de pneumologie. On ne revient jamais au stade initial. Il ne faut surtout pas désespérer ou avoir peur. Le processus de sevrage ressemble au vol du canard, qui fait un premier saut puis un deuxième avant de décoller.»
«À un an, nous observons un taux de réussite de 30 à 40% dans les centres spécialisés, poursuit-elle. Alors que si l’on veut arrêter, seul le taux de réussite baisse à 1 ou 2%. En ce qui concerne la récidive, elle se passe aux alentours du sixième mois.»
Celle-ci n’est toutefois pas due à la dépendance biologique, mais plutôt à la prise du poids ou à une tentation quelconque (un ami qui propose une cigarette, par exemple).
«La place qu’occupe le tabac dans notre société demeure l’une des principales causes de rechute, constate la tabacologue. Au Liban, fumer est une norme. Et les tentations ne sont que trop nombreuses.» Et d’ajouter: «Le problème est bien plus grand, car le tabagisme est une épidémie si ce n’est une pandémie. C’est aussi une question de mentalité dans la législation, dans les publicités, etc. Aider quelqu’un à arrêter de fumer n’est qu’une partie infime de la solution. Car je demeure convaincue qu’au Liban, il faut changer les mentalités pour arriver au stade où les fumeurs, à l’instar de ceux dans les pays occidentaux, se sentiront gênés de transformer les non-fumeurs en tabagiques passifs. Le chemin est encore long. Pour cela, il faut avoir le courage d’assumer une décision. Mais hélas, nous sommes un peuple passif.»
Dépendance et liberté : deux revers d’une même médaille
Fumer n’est pas une simple habitude. Il s’agit plutôt d’une dépendance. «Les personnes, surtout les adolescents, ignorent que lorsqu’elles commencent à fumer, elles deviennent vite dépendantes, explique le Dr Béatrice Chami, pneumologue et tabacologue. Elles pensent à tort, qu’elles peuvent abandonner la cigarette à tout moment. En effet, 25% des personnes qui se mettent à fumer développeront une dépendance. On est ainsi loin des slogans adoptés par l’industrie de la cigarette qui prêchent la liberté, le phénomène étant totalement inversé. Il faut que les adolescents comprennent cela. Ils fument pour être libres et séduisants. Mais après quelques années, ils deviennent prisonniers et esclaves de la cigarette parce qu’ils n’arrivent plus à arrêter.»
Il existe trois types de dépendance:
– psychologique, caractérisée par le plaisir que procure le tabac, qui détend, relaxe, stimule et, paradoxalement, augmente la concentration de manière temporaire. Presque tous les fumeurs développent cette forme de dépendance ;
– physique, traduite par un besoin irrépressible de fumer. Cette dépendance s’installe après deux années de tabagisme, notamment chez les personnes qui consomment plus de sept cigarettes par jour. Cette dépendance est due à la nicotine qui stimule le système nerveux en moins de dix secondes, procurant ainsi cette sensation de plaisir. Puisqu’elle passe également dans le sang, la nicotine va créer cette sensation de manque lorsque son taux chute ;
– comportementale, caractérisée par l’association de la cigarette à des gestes bien définis : la tasse de café le matin, rentrer dans sa voiture, regarder la télévision, discuter avec les amis… Il est important de savoir que quand il va abandonner la cigarette, le fumeur va se sentir très mal, car il y a des endroits qui la lui rappellent.
«Il faut préciser que les dépendances psychologique et comportementale sont présentes presque chez tous les fumeurs, indique le Dr Chami. Par contre, la dépendance physique n’est pas présente chez tout le monde, notamment chez les petits fumeurs.» Et de préciser que, d’après le test de Fagerström, les deux principaux critères qui permettent de définir la dépendance physique sont ceux de savoir combien de temps, après son réveil, une personne fume sa première cigarette et combien de cigarettes elle consomme par jour : si elle met moins de cinq minutes pour le faire ou si elle en fume plus de trente par jour, c’est qu’elle dépend physiquement de la nicotine.
Quand le rêve aide à guérir
Les rêveurs sont-ils mieux protégés, au point de vue santé, que le commun des mortels? Pour les spécialistes, le rêve intervient sur le moral du sujet et, en conséquence, sur la guérison.
Il reste toutefois à définir dans quelle mesure. S’accrocher toutefois à un rêve représente une intervention sur l’humeur et donc sur le moral. Même si la science actuelle n’est pas en position de mesurer l’étendue précise de cette intervention, il est indéniable qu’un beau rêve agit sur l’humeur. Il arrive même que le songe inspire un projet de vie, les exemples étant multiples dans les livres saints de diverses religions.
Le rêve, en effet, représente une escapade, «un arrêt» permettant de s’évader d’une situation astreignante. Il offre une bouffée d’irréel qui rend possible la foi de l’impossible.
En cas de maladie ou de grande tension morale, il favorise, dans certains cas, la solution miraculeuse.
Au réveil, le songe peut parfois agir en «rééquilibrant» et cela pas seulement pour le malade mais aussi pour ses proches. Surtout lorsqu’il s’agit d’un enfant, auquel il permet une évasion, un moyen de soulager son angoisse, ou un quotidien difficile à vivre pour lui, tel que l’éloignement ou la séparation d’un être qui lui est très cher.
Le rêve, c’est aussi une halte offrant la réalisation d’un «impossible», d’un fait que la logique refuse d’envisager ou d’admettre. Une bouffée d’air dans une période, ou un quotidien, qui étouffe pensée, bonne humeur et imagination, condamne à la tristesse et le pessimisme... D’où la contribution très positive du fantastique chez certains enfants gravement malades.
C.G.
« Tu as fini avec tes leçons de morale ? Si je fume, c’est parce que je l’ai choisi. La cigarette, je peux y renoncer quand je veux. » Que de fois n’a-t-on pas entendu les fumeurs, agacés d’être critiqués pour leur manque de volonté, affirmer qu’ils ne sont pas « esclaves » de la cigarette et que de fois leurs tentatives de s’en débarrasser pour une raison quelconque ont failli ? C’est que ces derniers ignorent, peut-être, le facteur de la dépendance à la nicotine, principalement s’ils consomment plus de dix cigarettes par jour. Seuls, les fumeurs n’arriveront pas à se défaire de cette habitude, malgré toutes leurs bonnes intentions. Une aide professionnelle est donc souhaitable. Cela est devenu possible au Liban, puisque des centres de tabacologie commencent à fleurir. Trois pneumologues, les Drs Mirna...