Entre-temps, la femme libanaise, une des femmes les plus éduquées et les plus actives dans le monde arabe, se situe bien loin derrière la femme tunisienne, marocaine, jordanienne ou même égyptienne, dans l’obtention de ses droits. Dans sa vie familiale, dans sa religion, dans son travail, en politique ou dans sa vie quotidienne, elle est encore considérée comme l’inférieure de l’homme. À titre d’exemple, elle ne peut exécuter aucune formalité officielle concernant ses propres enfants sans la signature de son époux. Si son mari est étranger, elle ne peut donner la nationalité libanaise à ses enfants qui demeureront des étrangers dans leur propre pays. En cas d’adultère ou de relations sexuelles hors mariage, elle est punie, alors que l’homme jouit d’une liberté absolue. En cas de divorce, elle perd systématiquement la garde de ses enfants, dès qu’ils ont atteint un certain âge. Dans sa vie professionnelle, souvent moins bien payée que ses collègues masculins, elle continue de subir vexations et harcèlement, sans aucun recours.
Quant à sa présence dans la vie politique, elle relève encore de l’exploit. Pour ne citer que quelques inégalités entre elle et l’homme. Et pourtant, faut-il rappeler que le Liban a signé la Convention internationale pour l’élimination de toute forme de discrimination envers la femme ?
Bientôt une loi sanctionnant les crimes d’honneur ?
Certes, il y a deux ou trois ans, les choses ont quelque peu bougé, notamment dans la législation du travail la concernant. Désormais, la discrimination d’un employeur à l’égard d’une employée est punie, et la femme active, considérée aussi responsable que l’homme, peut faire profiter ses enfants des allocations et des services sociaux, alors que son congé de maternité atteint près de deux mois. De plus, dans la fonction publique, 5 femmes ont été nommées directrices générales, alors qu’elles sont 13 à siéger dans les conseils de direction. Pour la députée Nayla Moawad, l’avancée est spectaculaire, mais encore insuffisante.
Du côté des ONG, on se rassemble, on forme des réseaux, mais on ne travaille pas véritablement ensemble. Certaines, comme le Conseil féminin libanais, qui regroupe 132 associations sous la présidence d’Iqbal Doughan, militent actuellement pour obtenir un quota pour les femmes dans les élections municipales, estimant que la fonction publique est un moyen pour la femme d’exercer davantage de pression pour obtenir ses droits. D’autres, réclamant en vain un statut civil unifié, toutes religions confondues, se heurtent aux mentalités rétrogrades et aux tabous religieux.
Certes, les divergences entre les diverses associations féminines freinent l’avancée des choses, d’autant plus que celles-ci se voient reprocher leur manque d’agressivité et de persévérance.
Mais les choses n’en évoluent pas moins, lentement certes. Si aucune loi n’a été votée en 2003 sur les droits de la femme, un projet est actuellement en cours d’étude par le gouvernement, concernant les sanctions pour le crime d’honneur, le viol conjugal et la violence contre la femme. « Cette loi est d’une importance capitale pour la femme libanaise, estime Mme Moawad. Mais encore faudrait-il que les intéressées elles-mêmes ne baissent pas les bras et continuent la lutte. »
Quant à l’enfance au Liban, notamment l’enfance défavorisée, ses droits les plus élémentaires sont quotidiennement bafoués, sans que nul n’y trouve à redire, alors que le Liban a signé en 1990 la Convention internationale des droits de l’enfant et en 2003 un programme de collaboration avec l’Unicef. Selon les estimations, 40 000 enfants âgés de 8 à 18 ans travaillent actuellement au Liban, alors que 45 % des écoliers ne terminent pas leur cycle primaire et 54 % quittent l’école entre les cycles primaire et secondaire. Qu’en est-il des enfants des rues, en danger, mal nourris, poussés à la mendicité et à la violence par diverses mafias et dont le problème n’est toujours pas réglé, malgré l’intervention personnelle de l’épouse du président, Andrée Lahoud ? Qu’en est-il des mineures incarcérées à la prison des femmes ou des adolescents qui iront bientôt grossir le nombre de détenus à Roumieh à cause de la fermeture du centre de réadaptation de l’Upel de Fanar ? Qu’en est-il des enfants malades que les parents n’ont pas les moyens de soigner car ils ne bénéficient d’aucune couverture sociale ?
Des promesses, mais aucun calendrier d’application
Les questions sont nombreuses et demeurent sans réponse. Et pour cause, le gouvernement est dans l’incapacité de faire appliquer les lois qui étaient supposées changer les choses. En effet, en 1998, la loi sur l’enseignement primaire obligatoire, qualifiée de révolutionnaire, a donné une lueur d’espoir à l’ensemble des associations qui œuvrent pour l’enfance libanaise. Mais aujourd’hui, on parle d’étudier une nouvelle loi, comble de l’aberration, alors que le gouvernement n’a jamais établi un calendrier d’application de la loi déjà en vigueur. Par ailleurs, où en est la modernisation de l’enseignement promise en début d’année par le ministre de l’Éducation Samir Jisr, afin d’encourager les enfants en difficulté à ne pas quitter les bancs de l’école ? Cette réforme serait-elle une promesse parmi tant d’autres, reléguée aux oubliettes ?
L’année 2003 n’est certes pas féconde dans l’évolution des droits de l’enfance au Liban. De nombreuses ONG pensent même que ces droits sont en régression depuis le vote de la loi sur l’enfermement des mineurs en conflit avec la justice, en 2001, alors que le dernier centre de réadaptation de l’Upel est en passe de fermer ses portes faute de moyens et que les conditions de détention des adolescents dans les prisons demeurent inchangées. Jugée positive par les uns, mauvaise par les autres, notamment par l’Unicef qui l’a condamnée, cette loi n’en finit pas de faire couler de l’encre. « Aucune loi n’existait pour les mineurs en conflit avec la loi. Il devenait urgent d’en voter une, pour trouver une solution à l’enfance délinquante et la responsabiliser, tout en la protégeant des adultes qui l’utilisent «, estime Nayla Moawad, qui ajoute que certains amendements sont toutefois nécessaires. « Cette loi est catastrophique pour l’enfance libanaise, mais je suis persuadé qu’elle sera très bientôt amendée », disait le représentant de l’Unicef au Liban, Ekrem Birerdinc, avant son départ.
Le fossé est profond entre les deux parties car l’incompréhension règne. Mais le dialogue demeure, même s’il est souvent en dents de scie. Il reste à espérer que la nouvelle année soit meilleure pour l’enfance libanaise.
Anne-Marie EL-HAGE
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