Il est à peine 11h lorsque les premiers arrivants se présentent au siège des Restaurants du cœur de Sin el-Fil. Ils viennent là plus ou moins régulièrement car ils sont sûrs de trouver un repas chaud. Peu à peu, leur nombre augmente dans la salle aménagée en réfectoire. Ils s’installent à table en petits groupes et attendent le repas tout en bavardant de tout et de rien.
Il y a là des hommes et des femmes âgés de 50 à 70 ans. La responsable en charge du local, Mlle Antoinette Kazan – qui est également secrétaire générale de l’association – souligne que ces personnes viennent de différentes régions du pays, notamment de Nabaa, Sin el-Fil, Dora, Basta….
Certains des habitués du lieu tiennent en main un sac contenant une boîte en matière plastique, vide. De quoi rapporter, à la fin du repas, un peu de nourriture à un voisin ou à un parent trop âgé pour se déplacer lui-même.
Au menu, aujourd’hui : blé concassé avec tomates et yaourt nature, salade et fruits. Nous faisons rapidement le tour du local. Il s’agit d’un petit appartement modeste qui appartient à l’amicale des Restaurants du cœur. Ici, tout provient des dons, accordés le plus souvent par des personnes qui tiennent à garder l’anonymat. Ces dons assurent notamment l’équipement en chaises, assiettes, tables, canapés, etc. Il y a même une chaîne hi-fi, également offerte par un bienfaiteur. Mais lorsque la responsable du centre entreprend de mettre un peu de musique pour égayer l’atmosphère, les personnes présentes se plaignent du bruit.
Des liens amicaux
Au stade actuel, entre 300 et 350 repas sont servis quotidiennement au centre de Sin el-Fil, excepté le dimanche. Les menus sont annoncés à l’avance, ce qui laisse le choix à ceux qui n’apprécient pas le repas offert d’aller dans un autre Restaurant du cœur. Cela explique le fait que les responsables de l’association informent régulièrement les habitués de l’emplacement des autres locaux afin qu’ils puissent s’y rendre s’ils le désirent.
Chacun de ces hommes et de ces femmes qui bénéficient du soutien de l’association a sa propre histoire. Certains sont oubliés et négligés par leur famille, tandis que d’autres ne veulent pas demander de l’aide à leur entourage, sans oublier ceux dont la famille fait face à des difficultés financières. La plupart d’entre eux ont un domicile ou bien vivent chez un proche parent. Certains n’ont pas de lieu de résidence fixe et régulier. C’est le cas, à titre d’exemple, de Joe, qui vit dans un hôtel modeste et qui paye 3 000 livres libanaises la nuitée.
Des liens amicaux se sont noués, avec le temps, entre les habitués du centre. Même les volontaires qui offrent une partie de leur temps libre pour prendre en charge et gérer les centres finissent par s’attacher à ces hommes et ces femmes qu’ils côtoient régulièrement et qui souffrent, le plus souvent, de solitude.
L’esprit des Restaurants du cœur c’est surtout cette réalité qui peut paraître pour certains quelque peu amère : les habitués de ces centres s’y rendent, à l’évidence, pour consommer un repas chaud mais aussi, et surtout, pour bénéficier d’un peu de chaleur humaine…
Emanuela VINCENTI
ABOU CHEDID
Une chaîne de solidarité
Les Restaurants du cœur fonctionnent grâce aux dons qui sont faits par des particuliers et des entreprises. La secrétaire générale de l’association, Mlle Antoinette Kazan, souligne que les dons de tout genre sont les bienvenus, qu’il s’agisse d’habits, de denrées alimentaires diverses, de savons, ou encore d’argent. Tout ce qui est reçu est redistribué.
Les responsables de l’association peuvent être contactés aux numéros suivants : 03/266841 ou 01/500709. Les dons peuvent être envoyés à la BNPI, Achrafieh, compte n° 139 521-89 291.
Les Restaurants du cœur ont 20 ans
Les Restaurants du cœur ont été créés en 1983 avec l’arrivée à bord de bus des milliers de réfugiés du Chouf et de Aley qui avaient fui leurs villages à la suite des combats sanglants qui avaient éclaté dans la région. La famille Kazan, notamment Mlle Antoinette Kazan, ancienne assistante sociale, aidée par des amis, organise alors des repas pour ces déplacés démunis. Ce restaurant aura pour nom Ahlan wa sahlan.
Au début, les repas gratuits étaient offerts une fois par semaine dans les locaux d’une ancienne école arménienne située entre Sin el-Fil et Nabaa. Les femmes cuisinaient chez elles et apportaient les repas à l’école. Devant le succès remporté par cette initiative, des bienfaiteurs ont aménagé le préau de l’école. Ainsi, quatre repas par semaine ont pu être servis à plus de 400 personnes âgées.
C’est alors que l’ancien chef de l’État Charles Hélou forme un comité et crée une association afin de poursuivre la mission. Il sera le premier président de ce comité et l’ancien ministre Michel Eddé sera nommé vice-président, tandis que Mlle Antoinette Kazan sera désignée secrétaire générale.
Leur rôle est d’assurer le financement de l’association.
De plus en plus de jeunes
Il existe actuellement 28 Restaurants du cœur répartis dans toutes les régions du Liban, notamment à Zahlé, Beyrouth, Nabaa, Sin el-Fil, le Metn, le Kesrouan et Tripoli. Chaque restaurant reçoit de l’association un montant mensuel en fonction du nombre de convives qu’il accueille. Il doit pouvoir préparer un ou deux repas hebdomadaires. Il arrive que des hôtes de marque viennent prendre leurs repas aux Restaurants du cœur. Il s’agit généralement de ceux qui font partie du comité. Dans ce cas, le menu reste le même. Pas question de le changer. C’est une affaire de principe...
Le nombre de convives varie d’un restaurant à un autre : entre 60 et 350 personnes. En période de fêtes, les convives sont plus nombreux.
Au départ, les Restaurants du cœur étaient réservés aux personnes âgées, mais depuis quelques années, de plus en plus de jeunes participent aux repas. Il s’agit parfois de veuves ayant une famille nombreuse, mais aussi de jeunes ayant des problèmes de santé ou qui sont au chômage.
En plus des repas chauds offerts, un centre de distribution de denrées alimentaires a été ouvert à Nabaa. Deux fois par semaine, des familles qui sont dans le besoin peuvent y aller aux provisions.
Au début, des dames volontaires venant de toutes les régions libanaises cuisinaient et s’occupaient de la vaisselle ou du ménage du local. Au bout d’un certain temps, elles se sont rendu compte qu’il serait préférable d’engager du personnel, notamment une cuisinière et une aide ménagère, des femmes dans le besoin et qui recevraient ainsi un salaire symbolique en échange de leurs services.
Le comité
des Restaurants
du cœur
Le comité des Restaurants du cœur est formé comme suit :
Président : Michel Eddé ; vice-présidentes : Mme Hala Issam Farès et Mme Nadia Désiré Kettaneh ; trésorière : Mme Reine Codsi ; conseiller financier : Mme Mia Ayoub ; secrétaire générale : Mlle Antoinette Kazan.
Les plus commentés
Dans les prisons israéliennes, la torture généralisée des détenus palestiniens
Khalaf al-Habtoor fustige les alliances « contre nature » à Beyrouth
MBS-Erdogan : la tentation d'un grand rapprochement face à Israël