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Spécial LE FIGARO La célébration des deux cents ans du rattachement de la Louisiane aux États-Unis se fera dans un climat apaisé malgré l’absence de George Bush et de Jacques Chirac, brouillés à la suite de la guerre en Irak La Nouvelle-Orléans a oublié sa rancœur contre la France

La Nouvelle-Orléans, de Guillemette Faure

Le bicentenaire de la vente de la Louisiane en 1803 par la France aux États-Unis sera l’occasion ce week-end, pour une poignée de dignitaires des deux pays, de mettre de côté leurs divergences afin de célébrer l’amitié franco-américaine. Ni le président américain, George W. Bush, ni son homologue français, Jacques Chirac, n’ont cependant prévu de participer à cette commémoration : « Ça ne tombait pas bien dans leur emploi du temps », a remarqué diplomatiquement une responsable de l’État. Les festivités s’ouvrent aujourd’hui par une mise en scène durant laquelle des acteurs joueront en costume la signature des documents qui ont permis aux États-Unis de pratiquement doubler leur superficie en achetant près de 2 millions de kilomètres carrés de colonies françaises.

Canons et baïonnettes, acteurs en costumes d’époque, parterre international, tout a été prévu aujourd’hui pour commémorer la signature de l’acte d’acquisition de la Louisiane. Les officiels français étaient là aussi, disposés à célébrer l’anniversaire d’une des pires opérations immobilières de tous les temps, lorsque, le 20 décembre 1803, les États-Unis célébraient leur achat à la France de près de 2 millions de kilomètres carrés de terre, de quoi caser 15 nouveaux États, pour 15 millions de dollars.
Pourtant, contrairement à ce dont la Nouvelle-Orléans rêvait il y a encore un an, ni George Bush ni Jacques Chirac ne sont là pour assister aux cérémonies marquant le bicentenaire de l’achat de la Louisiane. Tout comme Napoléon et Jefferson deux cents ans plus tôt, ils ont préféré se faire représenter, l’un par le président de l’Assemblée nationale, Jean-Louis Debré, l’autre par la secrétaire d’État américaine à l’Intérieur, Gale Norton.
À Lafayette, au bureau du Codofil, une institution pour la défense du français en Louisiane, un article du journal local, le Times Picayune, de 1955 est accroché au mur. Il fait le portrait d’un jeune étudiant français de 22 ans venu étudier l’économie du port de La Nouvelle-Orléans. Son nom: Jacques Chirac. Lui aurait volontiers fait le voyage.
Mais en mars dernier, au plus fort du différend irakien, Bobby Jindal, politicien louisianais en campagne pour le poste de gouverneur, déclare que, si la France ne veut pas avoir sa place aux côtés des États-Unis en Irak, Chirac n’a pas la sienne aux côtés de Bush pour les commémorations. Gaston Crowe, représentant républicain au congrès de Louisiane, propose dans la foulée une résolution « désinvitant » Jacques Chirac des cérémonies. Impossible pourtant de « désinviter » le président français qui n’a pas encore été invité, et qui aurait dû être convié en Louisiane par son homologue américain. Or, à la Maison-Blanche, on explique que Bush, qui reçoit des milliers d’invitations chaque année, n’a pas réussi à faire de la place dans son agenda.
Parmi le demi-million de Louisianais d’ascendants français, on trouve la même fracture face à la guerre en Irak que dans le reste de la population américaine. Au Codofil, David Chéramie dit avoir rencontré parmi les Cajuns « des gens qui voulaient s’ouvrir les veines et se vider de tout leur sang français » comme d’autres qui auraient bien vu Chirac recevoir le prix Nobel de la paix. Pour les politiciens de Louisiane, la France, sujet sensible, est une arme à double tranchant. La tentation était forte au printemps dernier de se laisser aller à un peu de « french-bashing » pour flatter l’électorat conservateur du sud du pays. Mais la France, c’est aussi le fonds de commerce de l’économie touristique de la région. Plus de 75 000 Français visitent la Louisiane chaque année, les étrangers les plus nombreux après les Britanniques. Et l’État mise sur ses racines françaises pour attirer le reste du pays. Comme le prouve ce magasin Vive la France à La Nouvelle-Orléans, tenu par... un Américain.
Pour naviguer entre ces deux courants, des politiciens comme le maire de La Nouvelle-Orléans ont simplement préféré éviter d’aborder le sujet. Le prochain gouverneur, Kathleen Blanco, a renvoyé la balle à la Maison-Blanche, expliquant que les relations avec Jacques Chirac étaient du ressort de George Bush.
Des élans de colère francophobe, il ne reste plus grand-chose. Le candidat gouverneur qui voulait « désinviter » Chirac n’a pas été élu. L’homme qui voulait organiser une pétition pour rebaptiser le quartier français « Freedom Quarter » a admis n’avoir recueilli qu’une poignée de signatures pour ce qui n’était finalement qu’une blague. Il n’y avait plus personne pour tempêter à la réunion du village cajun qui voulait se « déjumeler » d’une ville française. « Les relations commerciales sont redevenues normales. Il n’y a plus de réserves sur l’utilisation du mot France », constate Damien Regnard, le président de la Chambre de commerce franco-américaine qui se prépare à emmener un groupe d’Américains en Normandie en juin pour l’anniversaire du débarquement.
Le soufflé antifrançais est retombé, hélas, les cérémonies avec. Et les Louisianais regrettent cette occasion perdue de mettre leur État sur le devant de la scène. « Du beau gâchis », selon David Chéramie.
La Nouvelle-Orléans, de Guillemette FaureLe bicentenaire de la vente de la Louisiane en 1803 par la France aux États-Unis sera l’occasion ce week-end, pour une poignée de dignitaires des deux pays, de mettre de côté leurs divergences afin de célébrer l’amitié franco-américaine. Ni le président américain, George W. Bush, ni son homologue français, Jacques Chirac, n’ont cependant prévu de participer à cette commémoration : « Ça ne tombait pas bien dans leur emploi du temps », a remarqué diplomatiquement une responsable de l’État. Les festivités s’ouvrent aujourd’hui par une mise en scène durant laquelle des acteurs joueront en costume la signature des documents qui ont permis aux États-Unis de pratiquement doubler leur superficie en achetant près de 2 millions de kilomètres carrés de colonies...