Rechercher
Rechercher

Actualités

Archéologie - L’aménagement du site de Nahr el-Kalb par la Fondation nationale du patrimoine et la Direction générale des antiquités Des stèles qui racontent l’histoire du Liban (photos)

Les stèles de Nahr el-Kalb, éparpillées sur la falaise de Dbayé et le long de la route, revêtent aujourd’hui un aspect de fête. Fraîchement nettoyées de la suie et de la pollution, mises à l’abri de la pluie par les auvents et présentées dans leur cadre historique sur les panneaux explicatifs fixés à proximité, ces stèles ont été, pour la première fois de leur histoire, mises en valeur par un projet d’aménagement du site. Projet parrainé par la Fondation nationale du patrimoine et chapeauté par la Direction générale des antiquités, qui ont été hier saluées par les grandes figures politiques de la République venues assister à l’inauguration du site à l’occasion de la fête de l’Indépendance.
Certes, ce haut lieu historique a toujours été accessible au public. La cérémonie d’hier avait cependant pour objectif de mettre à l’honneur les efforts déployés par la Fondation nationale du patrimoine et la Direction générale des antiquités pour la réhabilitation du site. En effet, la fondation a entièrement financé le projet de l’aménagement et de la mise en valeur des stèles historiques gravées sur ce promontoire rocheux depuis des millénaires. Plus de deux cent mille dollars ont été dépensés pour raccommoder les marches des escaliers, placer la nouvelle balustrade, construire un mur pour l’insonorisation du site, nettoyer les stèles, restaurer les auvents placés par-dessus et boiser le site. L’argent utilisé pour ce projet a été puisé des fonds de la fondation qui avait organisé en 2002 le Show House au siège central de la Banque Audi à Achrafieh. Cette exposition avait pour objectif de financer le projet d’aménagement du site de Nahr el-Kalb dont l’idée avait été avancée à la fondation par M. le ministre Michel Eddé.
Mme Rima Schéhadé, membre de la Fondation nationale du patrimoine explique que « la réussite de ce projet tient à la collaboration active et continue entre les différentes parties soutenant la fondation dans sa lutte pour la préservation du site. Ainsi, les propriétaires du terrain – les wakfs maronites – et la municipalité de Dbayé ont déployé des efforts colossaux pour assurer les commodités nécessaires à la réhabilitation de ces lieux », assure-t-elle. Il est toutefois important de souligner que le projet de réhabilitation du site de Nahr el-Kalb ne s’arrête pas à ce niveau. La fondation compte en effet lancer une deuxième phase de ce projet visant à la transformation du tronçon de la route longeant les stèles en un passage piéton. « Visiter le site de Nahr el-Kalb peut-être considéré comme une “activité à risque”, note Mme Schéhadé. La proximité de l’autoroute, la bifurcation de Zikrit et l’inexistence de trottoirs rendent impossible la visite des écoles et mettent en danger la vie de tout visiteur désirant lire les inscriptions. D’ailleurs, lors de notre travail sur les lieux, nous avons été témoins de nombreux accidents de la route. Transformer ce tronçon en un passage piéton est par conséquent une nécessité pour, d’une part assurer la sécurité des visiteurs, et d’autre part activer les visites sur ce site », explique-t-elle.

L’unicité du site de Nahr
el-Kalb
Si la Fondation nationale du patrimoine a pris en charge le financement du projet et le travail sur le terrain, la Direction générale des antiquités a, quant à elle, effectué toute la documentation scientifique nécessaire à la rédaction des panneaux explicatifs et de la brochure. Ce travail colossal a été effectué par Anne-Marie Afeiche, archéologue à la DGA chargée des recherches scientifiques pour Nahr el-Kalb, sous la supervision du directeur de la DGA, M. Frédéric Husseini.
« Si trois promontoires rocheux (Chekka, Nahr el-Kalb et Naqoura) se distinguent le long du littoral libanais, un seul d’entre eux se singularise toutefois par son importance historique, explique-t-elle. Les vingt-deux stèles dispersées sur la falaise de Nahr el-Kalb sont uniques en leur genre localement et mondialement. En fait, tous les grands conquérants qui ont traversé cette montagne ont tenu à immortaliser leur passage – particulièrement difficile – sur ce promontoire. Le premier d’entre eux est le grand pharaon Ramsès II ». Le dessein de Ramsès II était de faire de l’Égypte un empire unifié englobant le pays de Canaan jusqu’à la frontière de l’Euphrate. Ambition qui s’est toutefois heurtée à l’hégémonie hittite. En 1276 av. J-C, Ramsès a entrepris un voyage d’inspection le long de la bande côtière phénicienne. Arrivé à Nahr el-Kalb, il fit ériger sur la falaise une première inscription en son nom. Deux autres stèles lui sont aussi dédiées, Ramsès II réaffirmant ainsi son autorité sur la région. Cette démarche a été imitée par les autres conquérants envahissant cette bande côtière. Assyriens, Babyloniens, Romains, Byzantins, Mamelouks... ont allongé la liste des stèles en marquant leur passage.
« La légendaire difficulté de passage d’une armée sur cette falaise haute de quatre-vingt mètres tombant à pic dans la Méditerranée était probablement le motif poussant ces rois à graver ces inscriptions, affirme l’archéologue Affeiche. D’ailleurs, poursuit-elle, l’importance stratégique de ce lieu a été soulignée au XIIIe siècle par un voyageur qui avait dit que “quelques hommes pourraient empêcher le monde entier de passer par là” ». Les Romains ont toutefois tenté de limiter cette difficulté de passage en creusant une route au bas de la falaise.
À partir du XVIIe siècle, une nouvelle fonction est donnée à Nahr el-Kalb : il est devenu le mémorial des grands événements historiques touchant l’histoire moderne du Liban. Le passage de l’empereur Napoléon III, les accords de Sykes-Picot, l’inauguration du chemin de fer, l’Indépendance de la République libanaise et la libération du Sud du Liban de l’occupation israélienne. Vingt-deux stèles racontent cette histoire tourmentée où se mélangent conflits, guerres et modernisation.
Le visiteur du site de Nahr el-Kalb peut désormais suivre l’évolution de cette histoire en empruntant le circuit aménagé et en lisant les panneaux explicatifs (trilingues) fixés à proximité des stèles et sur le haut du promontoire. La brochure, réalisée aussi dans le cadre de ce projet, est un « outil » indispensable à la réussite de la visite et à toute recherche ultérieure sur l’histoire de ce site. Les textes, les photos, la frise chronologique marqués dessus peuvent même être utilisés dans les cadres des programmes scolaires.
La gestion ultérieure du site reste indéterminée et vacille entre le ministère du Tourisme et la municipalité de Dbayé. Cette dernière pousse le ministère à mettre la main sur le site et à lui assurer gardiens, guichet d’entrée sur horaire et un entretien régulier. Le ministère tarde cependant à donner une réponse officielle à cette demande. Tous les efforts se déploient en fait pour la finalisation de ce projet et la transformation des stèles de Nahr el-Kalb, d’un lieu de visite exclu des circuits touristiques en un site archéologique préservé, aménagé et visitable.

Joanne FARCHAKH
Les stèles de Nahr el-Kalb, éparpillées sur la falaise de Dbayé et le long de la route, revêtent aujourd’hui un aspect de fête. Fraîchement nettoyées de la suie et de la pollution, mises à l’abri de la pluie par les auvents et présentées dans leur cadre historique sur les panneaux explicatifs fixés à proximité, ces stèles ont été, pour la première fois de leur histoire,...