Madrid, de Stéphane Bern
L’Espagne juancarliste aurait-elle soudain une poussée de fièvre monarchique ? À peine répandue samedi dernier, la nouvelle des fiançailles de l’infant Felipe, prince des Asturies, avec la journaliste de la télévision et présentatrice vedette du « Journal du soir » sur Tve, Letizia Ortiz, les médias et l’opinion publique se sont passionnés déjà pour « le mariage du XXIe siècle » qui devrait être célébré au début de l’été à Madrid. L’héritier de la couronne lui-même n’a pas pu attendre la cérémonie officielle des fiançailles – la « peticion de la mano » (demande de la main) –, hier, en présence de toute la famille royale devant une meute de photographes et de cameramen, pour présenter publiquement sa fiancée. « Nous voulions remercier les nombreux signes d’affection que nous avons reçus ces deux derniers jours et aussi nous montrer ensemble. Pouvoir manifester notre engagement et l’amour que j’ai pour Letizia me donne beaucoup de joie et me rend très heureux », a notamment déclaré Don Felipe de Bourbon, tenant sa promise par la main, et visiblement ému d’avoir trouvé la maîtresse de maison idéale pour sa résidence flambant neuve où il venait d’accorder sa deuxième audience depuis son installation en juin 2002. « J’aimerais dire avec conviction que Letizia est la femme avec qui je souhaite faire ma vie et fonder une famille. Comme héritier de la couronne, je suis sûr que Letizia réunit toutes les qualités et capacités requises pour assumer les responsabilités et les fonctions de princesse des Asturies et de future reine d’Espagne », avant d’ajouter qu’ils seront tous deux unis « pour servir l’Espagne et les Espagnols ».
« Je ne me sens aucune
obligation de me marier avec une personne
de sang royal »
Au début de l’année, le fils du roi d’Espagne Juan Carlos et de la reine Sophie avait accordé un entretien à la télévision pour son trente-cinquième anniversaire. L’occasion rêvée de brosser le portrait de l’épouse idéale. « Je ne me sens aucune obligation de me marier avec une personne de sang royal. Je veux me sentir amoureux et fonder une famille avec une personne qui partagerait une communauté de valeurs et d’intérêts, et qui pourrait représenter la fonction royale dans la société espagnole contemporaine. » Un profil qui décrit assez bien Letizia Ortiz Racasolano, 31 ans, aussi belle et élégante que brillante journaliste et discrète puisque rien n’a filtré de ses relations avec le prince depuis leur première rencontre chez des amis communs en septembre 2002. « Je comprends la surprise qu’a causée cette décision à beaucoup de monde mais c’est une décision qui est le fruit de mûres réflexions et surtout de l’intensité et de la solidité de l’amour profond que nous éprouvons l’un pour l’autre. C’est un projet commun que nous débutons avec responsabilité, enthousiasme et dévouement au service des Espagnols », a renchéri la future princesse des Asturies qui devrait participer désormais à toutes les activités officielles de la famille royale. Dès lundi soir, après avoir couru les boutiques madrilènes escortée d’un chargé du protocole pour acheter chez le couturier Armani la tenue qu’elle portera aujourd’hui, elle assistait au Théâtre Royal au concert que Mstislav Rostropovich offrait en l’honneur des soixante-cinq ans de la reine Sophie.
La future princesse
des Asturies est une
Espagnole représentative
de son époque
Letizia sera non seulement la première reine d’Espagne à n’être pas de sang royal, mais également la première Espagnole d’une dynastie qui a marié ses monarques à des princesses autrichienne, italienne, anglaise ou française. Qualifiée par la presse ibérique de « parfaite reine moderne du XXIe siècle », la future princesse des Asturies est une Espagnole représentative de son époque : jeune et cultivée, indépendante et ayant eu de brillantes expériences professionnelles, elle partage avec des millions de ses compatriotes l’expérience d’un premier mariage seulement civil achevé au terme d’une année par un divorce... Selon un sondage express réalisé par le quotidien madrilène el Mundo, 70 % des Espagnols ont aussitôt manifesté leur soutien à cette union qui, assure-t-on, « montre que la monarchie espagnole continue d’évoluer avec son temps puisque, réinstaurée en 1975 après la période républicaine puis franquiste, elle doit autant à la tradition historique qu’à sa modernité ».
De fait, l’infant Felipe, né le 30 janvier 1968, a été éduqué dans la mouvance de la « movida » pour devenir un roi constitutionnel, garant des institutions démocratiques. Son premier acte officiel se déroule le 22 novembre 1975 lorsqu’il assiste aux Cortes à l’investiture solennelle de son père Don Juan Carlos de Bourbon comme roi de tous les Espagnols. Le 21 janvier 1977, Felipe devient prince des Asturies et l’un de ses premiers actes publics sera de visiter la province en 1980. Mais son apprentissage de futur roi, il le fera sur le terrain, comme cette nuit du 23 février 1981 lorsque le roi Juan Carlos tient son héritier éveillé dans son bureau pour qu’à douze ans il apprenne à défendre la démocratie alors qu’un coup d’État militaire la menace. Les études du prince font l’objet de longues concertations et il intègre le Lakefield College au Canada avant de commencer à seize ans une longue et complète formation militaire dans chacune des académies militaires des trois armes : terre, mer et air. Prêtant serment devant les Cortes réunies pour sa majorité le 30 janvier 1986, l’héritier du trône achève son instruction militaire à l’automne 1988 et entre à la faculté de droit de Madrid d’où il sort diplômé en printemps 1993 avant d’obtenir un master en relations internationales à l’université de Georgetown aux États-Unis. S’initiant aux rouages de l’État espagnol comme aux institutions européennes par des stages, cet athlète d’1,96 m n’en néglige pas pour autant les disciplines sportives. Il a porté aux JO de Barcelone le drapeau espagnol puisqu’il a été champion de voile, un sport qu’il pratique avec passion l’été à Palma de Majorque, disputant la Copa del Rey contre son père. Il est vrai que le roi Juan Carlos reste son modèle et son exemple sur lequel l’infant Felipe compte bien inscrire ses pas. Même si, pour exercer « son métier de roi dans un climat de stabilité familiale et garantir la continuité dynastique de la monarchie », il a choisi sa princesse selon son cœur. Figure populaire et connue de toute l’Espagne, Letizia régnait déjà jusqu’à ce jour sur le petit écran.
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