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Spécial - le figaro Poutine ne fait pas mystère de sa volonté géopolitique de redistribuer les cartes du pétrole La Russie veut supplanter l’Arabie saoudite

Moscou, de Frédéric de Monicault Longtemps reléguée, en dépit de ses formidables réserves, au second plan de la scène pétrolière mondiale, la Russie veut rattraper le temps perdu. Cette nouvelle attitude se traduit par des chiffres : l’année dernière, la Russie a produit 7,6 millions de barils par jour (mbj), soit autant que l’Arabie saoudite, ce qui représente une progression de 1,5 mbj chaque année depuis 1999. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) prévoit une production de 8,6 mbj à l’horizon de 2010 et de 9,5 mbj en 2030. À condition, bien sûr, que les investissements soient à la hauteur. Toujours selon l’AIE, Moscou prévoit de consacrer à terme 5 % de son PIB au développement du secteur énergétique, alors que l’effort est de 1 % en moyenne dans les autres pays.
Au-delà de l’essor de sa production, la Russie ne fait pas mystère de sa volonté géopolitique de redistribuer les cartes de l’or noir. Dernier exemple en date : soutenue par d’autres pays producteurs comme le Mexique et la Norvège, la fédération a demandé à l’Opep d’augmenter ses quotas de production car elle juge le prix du baril abusivement élevé. À dire vrai, ce n’est pas la première fois que la Russie s’oppose au cartel. Mais la situation est actuellement particulièrement favorable. Les États-Unis sont enlisés en Irak et cherchent à moins dépendre de l’Arabie saoudite, son fournisseur traditionnel. La Russie veut se positionner comme un possible remplaçant du royaume.
Juste avant l’été, c’est-à-dire quelques semaines avant son incarcération, Mikhaïl Khodorkovsky, alors patron du géant pétrolier russe IoukosSibneft, ne disait pas autre chose dans une interview à Business Week. « En termes de priorité, les États-Unis sont les plus importants, ensuite je mets au même niveau l’Europe et la Chine. » Aujourd’hui, Vladimir Poutine fait la même analyse. Il sait que le pétrole est le principal atout de la Russie et il veut le contrôler. Il veut gérer les affaires pétrolières de son pays en direct, s’affranchir de la tutelle des oligarques. Un observateur averti du marché explique : « Au-delà des rivalités politiciennes, Poutine a bien compris que, si lui ou ses relais ne conduisaient pas la politique pétrolière, il perdrait un élément de reconnaissance considérable, tant nationale qu’internationale. »
Reste à savoir comment les différents acteurs de l’univers pétrolier, « Majors » en tête, vont prendre la brutale reprise en main à laquelle on assiste. Car même si l’influence de la Russie va grandissant, il lui reste énormément de chemin à parcourir avant d’être considérée comme un partenaire parfaitement fiable. Pour preuve, en dépit de sa volonté affichée de collaborer étroitement avec les États-Unis, la quantité de brut exportée outre-Atlantique par la Russie stagne au niveau insignifiant de 0,2 % du marché américain, à comparer avec les 20 % de l’Arabie saoudite et les 14 % du Venezuela.
Par ailleurs, si toutes les compagnies occidentales manifestent leur intérêt de se développer en Russie, très peu de projets débouchent effectivement sur des accords officiels. Ce représentant d’une « Major » en témoigne : « Il est très compliqué de travailler avec les Russes. Outre le nombre d’intermédiaires, il faut compter aussi avec le poids des pouvoirs locaux qui empêchent souvent d’avoir une bonne visibilité sur les projets. »
L’exemple de IoukosSibneft, qui vient de défrayer la chronique, est à cet égard particulièrement édifiant. Avant l’arrestation de Mikhaïl Khodorkovsky, ExxonMobil songeait à prendre une participation dans la première compagnie russe, participation qui, selon les souhaits de son ex-patron, aurait pu monter jusqu’à 40, voire 50 % du capital. Désormais, le nouveau président de la société, l’Américain d’origine russe Simon Kukes, manifeste une grande prudence, ce qui fait dire à un analyste du secteur : « Si toutes les velléités de partenariat, industriel ou financier, sont stoppées, alors ce sera un échec personnel pour Poutine. Il ne suffit pas de faire le ménage, encore faut-il inspirer confiance aux investisseurs étrangers. »
En attendant, les ambitions pétrolières russes se cristallisent également sur l’Irak, et Moscou n’oublie pas de rappeler que Bagdad a contracté auprès d’elle une dette de 10 milliards de dollars. Dès le printemps, les représentants russes ont fait part de leurs exigences, à savoir l’implantation en Irak, dans les meilleures conditions, de leurs deux principales compagnies, IoukosSibneft et Loukoïl. Sur ce terrain aussi, Vladimir Poutine va devoir jouer serré.
Moscou, de Frédéric de Monicault Longtemps reléguée, en dépit de ses formidables réserves, au second plan de la scène pétrolière mondiale, la Russie veut rattraper le temps perdu. Cette nouvelle attitude se traduit par des chiffres : l’année dernière, la Russie a produit 7,6 millions de barils par jour (mbj), soit autant que l’Arabie saoudite, ce qui représente une progression de 1,5 mbj chaque année depuis 1999. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) prévoit une production de 8,6 mbj à l’horizon de 2010 et de 9,5 mbj en 2030. À condition, bien sûr, que les investissements soient à la hauteur. Toujours selon l’AIE, Moscou prévoit de consacrer à terme 5 % de son PIB au développement du secteur énergétique, alors que l’effort est de 1 % en moyenne dans les autres pays. Au-delà de l’essor de sa...