Washington, de Philippe GÉLIE

Habitué à triompher des flammes de cinéma, Arnold Schwarzenegger a passé son premier Halloween de gouverneur en enfer, au sens propre. Survolant les incendies qui continuent de ravager le sud de la Californie, le nouvel élu a pu mesurer l’ampleur de la catastrophe qui risque de l’obliger à renier ses promesses électorales, à peine entré en fonctions.
Plus d’une semaine après le démarrage des premiers foyers, on compte 300 000 hectares de forêts et de zones résidentielles ravagés sur une dizaine de fronts entre San Diego et Los Angeles. Plus de 3 000 maisons et bâtiments ont brûlé, vingt personnes ont péri, dont un pompier. Hier, un temps plus frais et des vents du Nord ont permis aux 12 600 pompiers mobilisés de reprendre l’offensive contre des feux jusque-là hors de contrôle. Mais 85 000 maisons sont encore potentiellement menacées et les experts estiment qu’il faudra au moins une semaine pour venir à bout des derniers brasiers.
Le montant des dégâts est évalué à plus de 2 milliards de dollars, essentiellement en destructions de propriétés privées, dont le remboursement devrait être couvert par les assurances. Les plus grosses compagnies estiment pouvoir encaisser le choc, mais des faillites locales ne sont pas exclues. Les victimes bénéficieront également de prêts à taux réduit de l’Agence fédérale de gestion des catastrophes (Fema). Pour le Trésor public californien, l’addition devrait s’élever à 100 millions de dollars au moins. « Il y a un réel impact budgétaire, surtout si l’on compte les frais des municipalités pour héberger les réfugiés et payer les heures supplémentaires des fonctionnaires », souligne le trésorier de l’État, Phil Angelides.
Au total, « ces incendies s’annoncent comme la catastrophe naturelle la plus chère que la Californie ait jamais connue », prévient le gouverneur Gray Davis, sur le point de laisser son fauteuil à « Terminator ». La difficulté serait surmontable pour l’État le plus riche de l’Union si son déficit public cumulé n’atteignait déjà 38 milliards de dollars : un trou abyssal à l’origine de la campagne qui a conduit à la destitution de Davis au début du mois. Dès son intronisation officielle, sans doute courant novembre, Arnold Schwarzenegger va devoir résoudre une équation encore plus compliquée que prévu. Alors que le projet de budget pour 2004 affiche un déficit de 8 milliards de dollars, il avait promis que sa « première décision » serait d’annuler l’augmentation de la vignette automobile.
Malgré son triplement, cette taxe reste moins chère en Californie que dans le reste du pays. Elle devait rapporter 4 milliards de dollars par an au budget, précieux ballon d’oxygène destiné en priorité aux dépenses locales de police et de pompiers. Le nouveau gouverneur prendra-t-il prétexte de la catastrophe pour se renier, comme l’avait fait Ronald Reagan en 1986 en augmentant les impôts ? L’intéressé ménage le suspense. Il a profité cette semaine d’une visite à Washington pour réclamer de l’aide. Si George W. Bush compte sur ce républicain pour gagner la Californie en 2004, il fera peut-être un geste.