Damas a très bien compris que pour gérer le pays, il est essentiel de gérer en même temps les tiraillements entre les pôles de l’Exécutif. Autrement dit, contenter simultanément les présidents Émile Lahoud et Rafic Hariri, et faire en sorte que la bataille du moment, celle du budget, se solde par un match nul. C’est ainsi que les chefs de l’État et du gouvernement ont effectivement remporté chacun une victoire : le président Lahoud a finalement imposé au Premier ministre une réunion du cabinet mercredi soir, tandis que M. Hariri a obtenu l’intégralité des fonds réclamés pour l’exécution des projets du Conseil du développement et de la reconstruction, c’est-à-dire les 110 milliards de LL initialement prévus.
Le président Lahoud ainsi que ses fidèles, Karim Pakradouni et Jean-Louis Cardahi, n’en ont pas moins exigé des responsables du CDR qu’ils justifient en détail l’affectation des crédits aux programmes en cours ou en voie d’exécution.
Est-ce à dire que le litige Lahoud-Hariri est définitivement réglé ? Certes non, dans la mesure où le dossier du CDR serait loin d’être clos. Car si le président de la République s’est contenté cette fois-ci des explications fournies par les dirigeants du Conseil concernant les 110 milliards de LL – histoire d’accélérer l’approbation de la loi de finances –, il a toutefois exigé l’élaboration d’un rapport en bonne et due forme sur les activités du CDR. Et quand le Premier ministre a affirmé que quelques jours suffiraient aux responsables de cet organisme pour la préparation d’un tel rapport, M. Lahoud s’est empressé de préconiser la tenue d’une réunion consacrée à l’examen de ce dossier dans les quinze prochains jours.
Perplexité parlementaire
La balle est donc à présent dans le camp du Parlement, qui doit recevoir le projet de budget au début de la semaine prochaine. La commission des Finances se penchera sur le texte de loi, qu’elle soumettra ensuite à l’Assemblée, assorti de quelques propositions d’amendement. Mais d’ores et déjà, certains députés se posent des questions quant aux crédits alloués à des institutions comme le Conseil du Sud et la Caisse des déplacés, chacune de ces instances ayant obtenu 60 milliards de LL. Ils se demandent en effet s’il ne s’agit pas là d’un choix « politisé » visant à privilégier le développement du Sud et de la Montagne au détriment d’autres régions. Il est facile de prévoir cependant que la Chambre se contentera de jouer une fois de plus son rôle de soupape qui lui a toujours été dévolu dans ce genre de circonstances. Histoire de confirmer que la démocratie survit encore au Liban.
José JAMHOURI