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ARCHÉOLOGIE - À partir de 2004 et pour une période de cinq ans Tyr, star de la dernière campagne internationale de l’Unesco (photos)

Pour les cinq années à venir, Tyr, cette ville chargée d’histoire, portera haut le nom du Liban dans le monde. Classée par l’Unesco sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité, elle sera «la star» de la dernière campagne internationale de l’Unesco pour la préservation et la sauvegarde des sites archéologiques et historiques. Une équipe d’experts s’est rendue au Liban pour suivre de près les études et dresser le plan d’action. M. Azedine Beshaouch, conseiller scientifique à l’Unesco et directeur de la campagne internationale de Tyr, a expliqué à «L’Orient-Le Jour» les différentes démarches prévues, les enjeux politiques et économiques, et le rôle que doit jouer le Liban.

L’Unesco a suspendu depuis quelques années les campagnes internationales qu’elle avait l’habitude de mener pour les sites menacés ou souffrant d’un manque de fonds. Tyr est toutefois une exception. «Le comité international de l’Unesco a décidé de lancer en 2004 sa dernière campagne internationale et elle sera dédiée à la ville de Tyr et sera exceptionnelle, explique M. Azedine Beschaouch. Le projet existe depuis les années 80, mais la guerre l’avait entravé. Aujourd’hui, il n’y a plus de raison de l’ajourner, poursuit-il. La campagne est d’une durée de 5 ans. C’est un appel lancé à la communauté internationale pour aider la ville de Tyr. Un fonds spécial sera créé, certains pays peuvent y déposer de l’argent alors que d’autres peuvent participer en finançant le voyage de spécialistes ou l’envoi du matériel nécessaire», assure-t-il.
Dans l’objectif de remettre le projet sur les rails, une délégation d’experts de l’Unesco a visité le Liban il y a quelques jours. Constituée du directeur de la campagne, de deux architectes-aménageurs et de deux archéologues spécialistes en recherches et conservations, ce comité scientifique – désigné par l’Unesco en accord avec le ministère libanais de la Culture – avait pour mission de suivre les études d’aménagement et d’intégration des sites archéologiques et de la ville historique. Les experts de l’Unesco ont, à ce titre, rencontré les architectes, ingénieurs, archéologues… qui les ont tenus au courant des différentes démarches suivies et prévues pour la réhabilitation des sites archéologiques et historiques dans l’ensemble urbain de Tyr. Ces études ont été financées en grande partie par le prêt de la Banque mondiale pour la restauration et la modernisation de cinq cités historiques (Tyr, Saïda, Tripoli, Baalbeck, Jbeil).
«Les études sont menées sérieusement, avec une grande vigueur scientifique et dans d’excellentes conditions techniques, affirme M. Beshaouch. Mais le plus extraordinaire est la coordination existant entre les différents ministères et administrations. La collaboration entre les Directions générales des antiquités et de l’urbanisme avec les ministères et la municipalité va garantir la réussite des projets de réhabilitation et de mise en valeur des sites archéologiques et de la ville historique. Tyr sera alors aménagée pour recevoir et capter des milliers de touristes», poursuit-il.
Théoriquement, la ville de Tyr sera une merveille dans quelques années, mais elle est sujette à de terribles enjeux politiques et religieux. Les défis que doivent relever les différentes administrations sont difficiles, surtout que la loi sur les antiquités est souvent bafouée.

Les sites menacés par
une déformation paysagère
Les deux sites archéologiques de Tyr souffrent d’une déformation paysagère majeure. Des immeubles, hauts de plus de cinq étages, encerclent l’hippodrome romain et la nécropole byzantine. Les constructions illégitimes déforment la baie et bloquent l’horizon du site de la mer. Certes, ces édifices construits et habités durant la guerre constituent actuellement la ville nouvelle de Tyr, il est par conséquent impossible de les raser. Ce sont les profondes séquelles de la guerre que la ville historique doit endosser. Les architectes et les archéologues travaillent actuellement à l’intégration des sites archéologiques dans le complexe urbain et à l’aménagement paysager de l’ensemble de la ville. Leurs efforts risquent toutefois de tomber à l’eau si les habitants de la ville se remettent à construire dans les périmètres de protection des sites. Ainsi, l’année passée, une maison, élevée durant la guerre dans les alentours de l’hippodrome romain, s’est dotée d’un troisième étage! Quelques mois plus tard, c’est une instance chiite qui décide d’édifier une école religieuse de plus de 2000 m2, à une dizaine de mètres du site de la mer, dans le périmètre de protection fixé par l’Unesco… Le plus triste demeure cependant l’impuissance totale du pouvoir législatif dans cette affaire. Les forces de l’ordre ne sont pas intervenues pour arrêter les travaux. Les lettres de protestation envoyées par la Direction générale des antiquités et le ministère de la Culture ont disparu sans être lues. Celles de l’Unesco ont connu malheureusement le même sort.
«La protection du site de Tyr, de la ville jusqu’aux monuments, n’est plus l’affaire de l’Unesco et du Liban uniquement, mais celle de la communauté internationale, explique M. Beshaouch, outré par ce dont il a été témoin à Tyr. Ce site est classé sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité. Il n’appartient plus seulement à son pays. C’est à prendre sérieusement en considération, sinon à quoi sert le classement? Les multiples lettres envoyées disant que le site est “maltraité” n’ont pas été prises en considération, et la construction du bâtiment a continué», déplore-t-il.
M. Beshaouch comprend parfaitement les enjeux politiques cachés derrière le paravent religieux, mais à la différence des Libanais, il refuse d’accepter cet état de fait. «Nous avons demandé la démolition de cette école, poursuit-il. Cela n’aura certainement pas lieu, mais nous exigerons alors l’arrêt immédiat des travaux et la mise en place d’une étude paysagère visant à “diluer” cet énorme édifice dans l’environnement. Il est important de rappeler que si les habitants de la ville ne se rendent pas compte de l’unicité de leur cité et continuent à bafouer les lois, ils seront en train de mettre leur ville en péril. La communauté internationale peut classer Tyr patrimoine mondial menacé. Ce sera alors la fin d’un bon début. Car la sauvegarde de l’identité et de l’authenticité de cette ville signifie son développement économique. Le patrimoine rapporte, il faut bien le comprendre», explique M. Beshaouch.
Dans ce XXIe siècle où le tourisme est considéré comme un pilier de l’économie mondiale, il est indispensable de promouvoir le Liban à l’échelle internationale, par des campagnes de publicité, la distribution de brochures et la publication de livres. «Le pays du Cèdre a plus à offrir que le shopping, indique M. Beshaouch. Ses sites archéologiques et historiques sont d’une beauté exceptionnelle. Ses cités côtières présentent des intérêts culturel et patrimonial uniques. Un aménagement créatif, simple et discret de l’entourage direct du site de la mer, un café-trottoir, une échoppe de souvenirs assurent aux habitants du quartier un certain revenu mensuel. Le touriste est là pour dépenser, et les Libanais sont d’excellents hommes d’affaires», dit-il.
Une évidence: pour un développement économique décentralisé et équilibré du pays, la sauvegarde et la préservation des sites archéologiques ne sont pas un luxe mais un must.

Joanne FARCHAKH
Pour les cinq années à venir, Tyr, cette ville chargée d’histoire, portera haut le nom du Liban dans le monde. Classée par l’Unesco sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité, elle sera «la star» de la dernière campagne internationale de l’Unesco pour la préservation et la sauvegarde des sites archéologiques et historiques. Une équipe d’experts s’est rendue au Liban...