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DÉVELOPPEMENT - Prêt de la Banque mondiale pour le patrimoine bâti et culturel au Liban Un espoir pour la préservation des identités des villes historiques (photos)

Au Liban, l’archéologie et le patrimoine ne semblent plus être des domaines oubliés. Bien au contraire. Le nouveau prêt de la Banque mondiale – 62 millions de dollars étalés sur 15 ans – pour la réhabilitation de cinq sites historiques constitue sur ce plan un nouvel espoir. De fait, si les plans et les études prévus sont appliqués dans cinq ans, Tyr, Saïda, Baalbeck, Tripoli et Jbeil seront méconnaissables : les sites archéologiques et les villes historiques seront restaurés et réhabilités. Des circuits piétons seront notamment aménagés et les petits métiers valorisés, tandis que le tissu social sera consolidé. Ces villes seront transformées en un lieu de rêve, aménagé pour accueillir des milliers de touristes et de visiteurs avides de culture. La valeur patrimoniale nationale et internationale de ces hauts lieux historiques sera alors évidente.
Certes, la portée d’un tel projet suscite des jalousies, et les passionnés d’archéologie et d’histoire s’interrogent déjà sur la possibilité d’élargir ce plan de réhabilitation à d’autres sites. Nul n’ignore, en effet, que des dizaines de sites éparpillés aux quatre coins du pays ont besoin d’être restaurés. Pourquoi le choix s’est-il porté sur cinq d’entre eux seulement ? « La Banque mondiale a besoin du soutien de la communauté internationale pour accorder des prêts », explique M. Maged Fattal, coordinateur du projet “développement des patrimoines culturel et urbain” au Conseil du développement et de la reconstruction. « Trois des cinq sites choisis sont inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco : Baalbeck, Tyr et Jbeil ; et les deux autres, Tripoli et Saïda, sont de très importantes médinas historiques, poursuit-il. Si ce projet réussit, il deviendra possible de mettre en place d’autres projets similaires. C’est un effet boule de neige. Il s’agit là de la première étape d’un projet complexe visant le développement économique et socioculturel, et la mise en valeur des patrimoines architectural et culturel de chaque cité. La guerre et les années d’oubli ont eu raison de ces villes et l’état des lieux est pitoyable. »

Naissance du projet
La Banque mondiale a lancé dans les années 90 son programme de prêts pour la protection du patrimoine culturel. En Afrique du Nord, des projets réussis ont été entamés. Au Liban, l’idée d’un prêt est née dans les bureaux du CDR, mais il a fallu attendre jusqu’en 2001 pour que la phase préparatoire de ce projet prenne forme. Les villes ont été choisies. Des concours pour la protection des patrimoines architecturaux et culturels ont été lancés. La sélection des bureaux a été faite. Les études ont progressé. Le projet a pris forme. Deux ans plus tard, le prêt était accordé.
Lancé en septembre 2003, ce projet devrait être réalisé sur une période de cinq ans et demi. « Un dossier global a été établi pour chacune des ces villes historiques, souligne M. Fattal. Des études portant sur le tissu urbain, architectural, économique et sociologique ont été mises au point. Ce projet prévoit, en sus de la réhabilitation des sites archéologiques et des édifices patrimoniaux, la préservation et la mise en relief de l’identité de chaque ville », précise-t-il.
Ce sont en fait les diversités culturelle et artisanale de chaque ville qui constituent les piliers d’un développement économique réussi basé sur le tourisme. Or, l’identité de chacune de ces cités et médinas est menacée par la standardisation de la restauration des monuments antiques et la disparition de certains métiers et traditions centenaires. Ainsi, par exemple, il y a quelques années, la ville de Tripoli était réputée pour la fabrication des « ouds » et le tannage du cuir. « Malheureusement, ces deux métiers ont disparu des souks. Les artisans, porteurs de ce savoir, se sont convertis à d’autres métiers plus lucratifs », déplore M. Fattal, qui assure que le nouveau projet « envisage la réintégration de ces métiers dans la vie quotidienne de ces villes ».
Les études de ce projet prévoient aussi la définition des différents types de menaces pesant sur le patrimoine bâti. L’impact des mouvements sismiques sur les édifices archéologiques est par conséquent à prendre en considération. Les résultats de ces recherches sont terrifiants. Les colonnes du temple de Jupiter à Baalbek, symbole de notre fierté nationale, risquent de s’effondrer. « Ces merveilles de l’époque romaine sont actuellement dépourvues de tout support architectural, explique M. Fattal. Selon les experts, si un tremblement de terre de plus de 2,7 degrés a lieu, certaines colonnes vont connaître le même sort que les trois autres effondrées dans les années 50. Il est par conséquent urgent de les consolider. »
La pollution de l’air est, elle aussi, un facteur non négligeable dans la détérioration de la pierre antique. Le CO2 dégagé des pots d’échappement des véhicules et des pesticides utilisés dans les terrains agricoles autour du complexe de Baalbeck noircissent et rongent la pierre millénaire. La restauration et le traitement des murs de ces édifices sont prévus dans le projet ainsi qu’un nouveau plan de circulation, parallèlement à des campagnes de sensibilisation pour limiter l’utilisation des produits nocifs aux monuments archéologiques.

Projet pluridisciplinaire
Travailler sur la restauration et l’aménagement des sites archéologiques, la réhabilitation et la mise en valeur du patrimoine bâti, et sur la préservation des traditions ancestrales nécessite la coordination de plusieurs administrations étatiques. La Direction générale des antiquités, la Direction générale de l’urbanisme et les municipalités sont les principaux acteurs de ce projet. Leur travail est coordonné par le CDR qui leur assure par ailleurs le soutien technique et l’expertise du personnel durant et après la réalisation du projet. « Les fonctionnaires de ces différentes administrations suivront des sessions de formation pour améliorer et mettre à jour leur mode de travail. Prévenir au lieu d’agir sera la devise appliquée par les directeurs des sites, nommés par ces administrations pour prendre la relève à la fin des travaux », indique M. Fattal.
En fait, ce projet prévoit non seulement la restauration, la réhabilitation et la mise en valeur du patrimoine bâti et culturel, mais aussi la continuité de ce travail dans le futur. Les équipes formées dans les différentes administrations durant ces cinq ans prendront la relève. Tout est en fait prévu pour que ces efforts déployés et ces investissements ne tombent pas à l’eau. Mais dans un pays comme le Liban, les ambitions personnelles des hommes religieux et politiques risquent de faire échouer certains aspects du projet car jusqu’à présent, ils n’ont jamais suivi les schémas directeurs dressés par les différentes administrations étatiques. Quels types de garantie sont alors donnés ? Malheureusement, aucune. On ose toutefois espérer que les habitants des villes – sensibilisés à la préservation de leur héritage et principaux bénéficiaires de la réussite de ce projet – refuseront d’une part la défiguration de leurs cités historiques par le béton ou la mauvaise restauration, et exigeront d’autre part que l’État prenne en charge la protection du patrimoine. En fait, grâce à ce projet, la manipulation et la politisation des monuments historiques et archéologiques peuvent être limitées. Après des années d’absence, l’État libanais prend, enfin, en charge l’histoire du pays.

Joanne FARCHAKH
Au Liban, l’archéologie et le patrimoine ne semblent plus être des domaines oubliés. Bien au contraire. Le nouveau prêt de la Banque mondiale – 62 millions de dollars étalés sur 15 ans – pour la réhabilitation de cinq sites historiques constitue sur ce plan un nouvel espoir. De fait, si les plans et les études prévus sont appliqués dans cinq ans, Tyr, Saïda, Baalbeck, Tripoli et...