La nouvelle étoile brille avec tant d’éclat dans le ciel électoral que les analystes se demandent si ce n’est pas une étoile filante. Une semaine après s’être lancé dans la course à la Maison-Blanche, Wesley Clark caracole en tête des dix prétendants démocrates, avec le soutien de 22 % des électeurs affiliés au parti, selon le dernier sondage CNN/USA Today/Gallup.
Mieux, pour la première fois depuis le début de la campagne, un démocrate semble en mesure de battre George W. Bush : Clark obtient 49 % des intentions de vote, contre 46 % au président sortant, et le sénateur John Kerry fait jeu égal (48 % contre 47 %). Ce résultat correspond à un affaiblissement sans précédent du locataire de la Maison-Blanche, son taux d’approbation dans l’opinion plafonnant à 50 %, le plus bas depuis son élection.
Parti sur les chapeaux de roues, Wesley Clark est-il l’homme providentiel qu’attendait la scène politique pour s’animer ? Ses poursuivants dans la course à l’investiture démocrate sont à la traîne, l’ancien gouverneur du Vermont, Howard Dean, jusque-là le plus menaçant, ne rassemblant que 13 % des électeurs inscrits aux primaires. À peine avait-il annoncé sa candidature que près d’un million de dollars de donations sont venus spontanément grossir son compte en banque. Pourtant, beaucoup doutent que cet ex-général de 58 ans aille jusqu’au bout.
Paradoxalement, l’une des raisons principales de cette méfiance est liée au soutien affiché de la famille Clinton. L’ancien président et sa femme ont, de notoriété publique, encouragé Wesley Clark à se jeter à l’eau, malgré sa totale inexpérience en politique. On retrouve une douzaine de leurs anciens conseillers dans son état-major et ils ne manquent pas une occasion de glisser un commentaire élogieux à son sujet.
Cet appui, dispensé dans l’ombre, a contribué à l’ascension rapide du nouveau candidat, d’emblée pris au sérieux par une grande partie de l’establishment démocrate. Mais nul ne le croit sans arrière-pensée. Bill Clinton estime qu’il y a «deux stars» dans le parti, sa femme et l’ancien général quatre étoiles. Or, quand on lui demande si Hillary, sénatrice de New York, a définitivement exclu d’être candidate en 2004, il esquive.
«C’est vraiment une décision qu’elle doit prendre elle-même», vient-il de déclarer lors d’une réunion publique en Californie. Comme s’il n’avait pas entendu son épouse affirmer sur tous les tons, depuis un an, qu’elle veut aller au bout de son mandat au Sénat, fin 2006, et que rien ne pourra la faire changer d’avis.
La petite phrase de Bill Clinton a relancé les spéculations. Les commentateurs rappellent que le nom de Clark avait d’abord été cité comme partenaire de Hillary dans une course à la Maison-Blanche, mais sur le fauteuil de vice-président. De là à penser qu’il joue le rôle du cheval de Troie, il n’y a qu’un pas, déjà franchi par toute la presse américaine.
Selon les versions, Clark aurait pour première utilité de neutraliser Howard Dean et ses poursuivants en montrant qu’un néophyte peut les surclasser en une semaine. Dans la foulée, il préserverait l’influence des Clinton sur l’appareil du Parti démocrate.
Il présenterait ensuite l’avantage d’être lui-même un candidat fragile : assez pour, soit être battu par George W. Bush dans treize mois, ouvrant la voie à une candidature de Hillary en 2008, soit s’effondrer avant la ligne d’arrivée, amenant les démocrates à appeler au secours le sénateur de New York dès 2004.
Le raisonnement peut paraître tiré par les cheveux, mais les débuts de Wesley Clark n’ont pas contribué à le démentir. L’expert militaire, qui, sur toutes les chaînes, conspuait depuis des mois l’aventure irakienne de Bush, a déclaré dans sa première interview qu’il aurait voté en faveur de la guerre. Il s’est repris le lendemain et a soutenu qu’en «aucun cas» il n’aurait fait une chose pareille. Puis il a expliqué qu’il s’opposerait à la rallonge de 87 milliards de dollars demandée par l’Administration, à moins que des «circonstances» ne l’amènent à se prononcer pour. «Sa première semaine de campagne a été une parade triomphale interrompue seulement par des blessures qu’il s’est lui-même infligées», notait hier le Washington Post.
Cet amateurisme conduit les milieux politiques à s’interroger sur le soutien de professionnels tels que les Clinton. Dans le New York Times, William Safire n’exclut pas «l’altruisme», mais il penche pour le «machiavélisme». Il soupçonne Bill et Hillary de «penser que sa candidature va s’enliser et représente leur billet de retour vers la Maison-Blanche en 2004 ou 2008».
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