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Archéologie - Le directeur du British Museum suivra les résultats des fouilles L’histoire de Saïda s’écrit dans ses vestiges déterrés (photos)

Saïda, bastion de la Phénicie et du commerce au cours des siècles passés, dévoile, sous la pioche des archéologues, un peu de son histoire millénaire. Histoire malheureusement inconnue jusqu’à présent, malgré le grand nombre de mythes et de récits tissés tout autour de cette ville, qui occupe une place primordiale dans le patrimoine culturel et archéologique libanais. En effet, le nom de Saïda est souvent associé, d’une part, à la grandeur des Phéniciens et, d’autre part, aux premières implantations de populations sur ce littoral. Ces deux facteurs qui caractérisent Saïda n’ont jamais été illustrés et prouvés jusqu’à présent par des vestiges antiques. La forte densité démographique dans cette région a rendu quasiment impossibles les fouilles archéologiques, ce qui a diminué d’autant l’apport des chercheurs de terrain qui se sont donc rabattus sur les textes historiques. Cette situation a toutefois changé depuis trois ans. Des fouilles, entreprises par l’équipe libano-anglaise du British Museum, réécrivent le passé de cette ville en se basant sur les données archéologiques.
« Ce chantier est particulièrement important car il permet de suivre les progressions et l’évolution continue de l’habitat et de la vie à Saïda tout au long du IIIe millénaire av. JC, période parfaitement inconnue dans l’histoire de cette ville, explique l’archéologue Claude Doumet Serhal, directrice des fouilles. Six niveaux d’habitation datant de cette époque ont été découverts. Ils nous permettent de suivre les différentes formes d’installations domestiques et les traditions funéraires utilisées par ces peuples », note-t-elle.
En fait, les archéologues ont déterré, au cours de ces années, trente-deux sépultures enfouies dans une large couche de sable de mer rapporté spécialement par les habitants de cette ville, comme le prouvent les études au laboratoire. L’absence de sources écrites rend hypothétique toute interprétation de cette initiative, et les archéologues ne s’avancent pas trop sur ce terrain glissant. Toujours est-il que cette matière a permis la préservation d’un important matériel funéraire métallurgique. Des objets en argent et en bronze ont été déterrés dans les différentes tombes des guerriers – reconnaissables à la pointe des flèches déposées à côté du mort – découvertes sur ce site. Cette année, une sépulture particulièrement importante et riche a été exhumée. Le squelette enfoui à même le sol a été enseveli avec un grand nombre de bijoux. Ce qui explique que les archéologues se plaisent à l’appeler « l’homme en argent ». « Le diadème, les bracelets, la hache déposée dans la tombe lui donnent une importance particulière, d’autant que l’argent est rarement trouvé sur ces sites en raison de l’humidité du sol », précise Mme Serhal.
Quant aux autres sépultures découvertes, elles sont de type plutôt régulier. On y trouve les jarres funéraires dans lesquelles « reposent » des enfants, et les tombes d’adultes enterrés avec différents objets en céramique.
En plus des sépultures, les archéologues fouillent les niveaux d’habitation où ils ont mis au jour un énorme édifice, construit en bois, qui a été incendié et dont la fonction reste inconnue.

La plus importante mission de fouille du British Museum
L’importance des fouilles de Saïda ne se voit pas uniquement dans les vestiges archéologiques mais aussi dans les attentions particulières que lui accordent les dirigeants du British Museum. En fait, la première visite sur le terrain du nouveau directeur de ce prestigieux musée a eu lieu à Saïda. Dr Neil MacGregore considère que « les fouilles de Saïda figurent à la tête des plus importantes missions archéologiques menées actuellement par une équipe du British Museum, car elles écrivent l’histoire de cette ville millénaire ». « Les vestiges archéologiques de Saïda connus jusqu’à présent datent des périodes perses et hellénistiques, souligne M. MacGregore. Or cette cité a joué un rôle important dans l’histoire de la Méditerranée à des périodes plus anciennes. Ces fouilles peuvent révéler quelques-uns de ces mystères et éclaircir les types de relations existant entre les peuples de l’antiquité. Car la “globalisation” n’est pas un concept nouveau dans l’archéologie ou l’histoire de l’humanité. D’ailleurs, au cours des vingt dernières années, le cours des recherches scientifiques a changé et les chercheurs n’étudient plus les cultures autochtones mais les relations et les échanges entre les civilisations », indique le directeur du British Museum.
En fait, et toujours dans le cadre de l’échange entre les différents peuples, mais cette fois à une échelle moins historique, M. MacGregore explique que la présence d’une grande communauté libanaise à Londres a joué un rôle important dans le lancement de ces fouilles. « Nous nous sentons responsables vis-à-vis de cette communauté et nous croyons que nous devons parrainer des recherches pouvant l’intéresser, souligne-t-il. Certes, les résultats de ces fouilles seront communiqués à Londres lors d’une conférence donnée par l’archéologue Claude Doumet Serhal, mais nous comptons aussi organiser des colloques scientifiques se rapportant à Sidon, son histoire et les résultats des recherches. Il se peut aussi qu’une exposition temporaire des objets découverts lors de ces fouilles soit mise en place », poursuit-il.
Les fouilles de Saïda se poursuivent jusqu’à la fin du mois de septembre. De nouvelles découvertes peuvent avoir lieu à cette occasion, car ce site n’a jamais « déçu » tous les archéologues qui y travaillent et tous les passionnés d’histoire au pays des Cèdres.
Les projets du British Museum
au Moyen-Orient

Au Moyen-Orient, les projets parrainés par le British Museum ne se limitent pas aux fouilles de Saïda. M. Neil MacGregore, directeur du British Museum, explique en fait « qu’un nouveau protocole de coopération a été signé entre ce grand musée britannique et la Direction générale des antiquités et des musées de Syrie ». « Il s’agit d’une coopération en vue de l’initiation des restaurateurs syriens, rattachés au service des Antiquités, précise-t-il. Cette initiation porte sur les techniques de restauration des objets archéologiques au British Museum. Les employés de ce secteur suivront, pendant quatre ans, des stages de formation au sein des laboratoires du musée londonien. »
Pour l’Irak, de nombreux projets sont aussi prévus. Le British Museum sert de coordonnateur principal entre le musée national irakien à Bagdad et tous les autres musées du monde. Les projets de coopération ou d’échange se font sous « sa tutelle ». C’est en fait le British Museum qui a organisé la grande réunion mondiale des spécialistes de la civilisation assyrienne en juillet dernier. De plus, cet établissement a dépêché à Bagdad une de ses archéologues pour aider dans la remise en place du State Board of Antiquities of Iraq.
En janvier 2004, si la situation sécuritaire le permet, huit conservateurs internationaux se dirigeront vers Bagdad pour contribuer à une campagne trimestrielle de restauration des chefs-d’œuvre du musée national. Le British Museum coordonne actuellement la mise en place de cette mission qui aura lieu sous l’égide de l’Unesco.
Les sponsors de la fouille

Les fouilles menées à Saïda ne dépendent pas d’une université quelconque, d’où la difficulté du financement d’une telle mission. Cette difficulté a toutefois été contournée grâce aux sponsors réguliers : British Museum, British Academy, Consul for British Research in the Levant (CBRL), Fondation Hariri, Byblos Bank et Nokia Liban.
L’emplacement du chantier

Le site fouillé par l’équipe du British Museum se situe à proximité de la savonnerie Audi, à l’intérieur de l’enceinte médiévale de la ville. Sur cette parcelle de terrain s’élevait au siècle dernier l’American College, dont les murs de fondation sont encore apparents. L’immeuble abritant les bureaux de la Direction générale des antiquités se situe à quelques mètres du chantier et sert de point de repère à toute personne désirant se rendre sur les lieux.

Joanne FARCHAKH
Saïda, bastion de la Phénicie et du commerce au cours des siècles passés, dévoile, sous la pioche des archéologues, un peu de son histoire millénaire. Histoire malheureusement inconnue jusqu’à présent, malgré le grand nombre de mythes et de récits tissés tout autour de cette ville, qui occupe une place primordiale dans le patrimoine culturel et archéologique libanais. En effet, le...