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Actualités - CHRONOLOGIE

EX-YOUGOSLAVIE - Quatre ans après la guerre, la poursuite des violences et l’absence de dialogue entre les communautés serbe et albanaise bloquent tout développement de la « province autonome » Intenable statu quo au Kosovo Loin de s’être estompé, le désir indépendantiste semble au contraire s’être

Pristina (Kosovo),
de Isabelle Lasserre

De tels incidents étaient devenus si rares que la Mission des Nations unies au Kosovo (Minuk) avait conclu, statistiques à l’appui, à la quasi-disparition des « meurtres ethniques » dans la province. Mais plusieurs assassinats, perpétrés cet été contre des civils serbes, sont venus rappeler que, quatre ans après la guerre, la situation est loin d’être stabilisée.
Dans l’enclave serbe de Gorazdevac, où deux jeunes Serbes ont été tués le mois dernier alors qu’ils se baignaient dans une rivière, la tension est à ce point palpable que les troupes de l’Otan basées au Kosovo (Kfor) ont déconseillé, jusqu’à nouvel ordre, l’accès à la poche. « La situation ne cesse de se dégrader depuis le début de l’été. Comme chaque fois, les tensions ethniques sont liées au contexte politique », explique Angela Joseph, porte-parole de la police des Nations unies.
Quatre ans après le gel provisoire du statut du Kosovo, des négociations doivent en effet s’ouvrir à l’automne entre Belgrade et Pristina. La perspective de ce dialogue, pourtant limité à des questions « techniques », n’enthousiasme guère les extrémistes des deux bords. Mais la Serbie entre aussi en période électorale. « Le Kosovo étant le seul sujet qui fasse consensus en Serbie, les candidats l’utilisent à des fins de politique intérieure et pour masquer leurs divisions. Depuis l’assassinat de Djindjic, Belgrade met constamment de l’huile sur le feu », commente un responsable de la Minuk.
Les récentes violences qui ont secoué le Kosovo sont cependant l’expression d’une crise plus profonde. Quatre ans après l’intervention des troupes de l’Otan et le départ des forces serbes, le malaise est général. En dissuadant les investisseurs, le flou qui continue d’entourer le statut final du Kosovo empêche l’économie de se développer. Politiquement, la faiblesse des institutions locales et le conflit quasi permanent entre le gouvernement provisoire albanais et l’administration Onusienne favorisent le statu quo. Le dialogue entre Serbes et Albanais demeure un vœu pieux. « Les deux communautés dépensent toute leur énergie à vouloir imposer sur le terrain leur vision politique du Kosovo. Pour créer un fait accompli irréversible », regrette l’International Crisis Group dans son dernier rapport.
Tout se passe en fait comme si les relations entre la communauté internationale et les Kosovars étaient fondées, depuis 1999, sur un malentendu. « Les capitales occidentales pensaient que, avec le temps, les Albanais oublieraient leurs idées d’indépendance. Cette croyance était d’une grande naïveté », résume Enver Hasani, professeur de droit international à l’Université de Pristina.
Loin de s’être estompé, le désir indépendantiste semble au contraire s’être renforcé. « Les gens ont découvert la liberté. Il sera très difficile de redevenir l’esclave de Belgrade », explique un journaliste indépendant. Il l’avoue volontiers aujourd’hui : « En fait, en 1999, on ne luttait pas seulement contre Milosevic et un système politique. On luttait contre les Serbes. Et, comme l’a récemment dit Hasim Thaci (ancien chef de la guérilla, devenu chef de parti), même si Belgrade devenait la seule oasis de paix dans le monde, le Kosovo refuserait de vivre sous sa coupe. »
Mais les désirs indépendantistes des Albanais du Kosovo se heurtent toujours aux réticences de la communauté internationale. Officiellement, celle-ci reste fidèle à la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations unies, qui fait du Kosovo une province autonome au sein de la Yougoslavie. Soucieuses de ne pas heurter Belgrade et sa difficile transition politique, les capitales étrangères craignent qu’une modification des frontières entraîne un effet domino dans les Balkans.
« C’est également une question de maturité. Nous ne sommes pas sûrs que le Kosovo soit prêt pour l’indépendance. Ce conflit entre les attentes des Kosovars et la réalité est un phénomène naturel. Mais les hommes politiques doivent d’abord faire leurs preuves. » C’est-à-dire respecter les « standards européens » avant d’aborder la question du statut final. Et, selon la Minuk, il reste beaucoup à faire. Notamment en ce qui concerne la minorité serbe, son retour et sa sécurité dans une province majoritairement albanaise.
Ce quiproquo sur la question de l’indépendance alimente depuis quatre ans les frustrations albanaises. À Pristina, les Kosovars dénoncent l’« impérialisme » et les « lenteurs » de l’administration onusienne. « On a l’impression que les institutions internationales sont ici pour préserver l’intégrité territoriale de la Yougoslavie au Kosovo et au Monténégro », regrette Enver Hasani. Le nationalisme a le vent en poupe. Une nouvelle guérilla, l’AKSH, revendique la création d’une Grande Albanie dans les Balkans. « Nous avons perdu notre cohésion interne, qui était définie par l’extérieur. Milosevic nous avait unis, soudés. Nous n’avons pas réussi à transformer cela en énergie positive », regrette l’ancien leader étudiant Albin Kurti.
Dans les campagnes, certains Kosovars se disent prêts à reprendre les armes, s’il le faut, pour arracher l’indépendance du Kosovo. Le Premier ministre Bajram Rexhepi est inquiet : « Sans progrès rapide vers l’indépendance, les extrémistes vont se renforcer. Le Kosovo n’a pas le temps d’attendre de vraies transformations démocratiques à Belgrade. » Et, pour Blerim Shala, le directeur du quotidien Zeri, « l’indépendance est le seul moyen de fermer définitivement la question nationale albanaise ».
Mais le développement des sentiments panalbanais n’inquiète pas – encore – les responsables de l’Onu à Pristina. « Le processus d’intégration européenne des Balkans est inévitable. L’Europe, qui a beaucoup investi dans la région, ne peut pas se permettre d’échouer. Les Balkans seront stabilisés. De gré ou de force », affirme avec vigueur l’un d’eux.
Pour l’International Crisis Group, il est cependant urgent d’entamer des discussions sur le statut final de la province. « Beaucoup, dans les deux communautés, perdent patience. Il serait dangereux d’ignorer plus longtemps la question du statut. Si la communauté internationale ne réussit pas à résoudre ce problème, la paix régionale sera menacée. »
Pristina (Kosovo),de Isabelle LasserreDe tels incidents étaient devenus si rares que la Mission des Nations unies au Kosovo (Minuk) avait conclu, statistiques à l’appui, à la quasi-disparition des « meurtres ethniques » dans la province. Mais plusieurs assassinats, perpétrés cet été contre des civils serbes, sont venus rappeler que, quatre ans après la guerre, la situation est loin d’être stabilisée. Dans l’enclave serbe de Gorazdevac, où deux jeunes Serbes ont été tués le mois dernier alors qu’ils se baignaient dans une rivière, la tension est à ce point palpable que les troupes de l’Otan basées au Kosovo (Kfor) ont déconseillé, jusqu’à nouvel ordre, l’accès à la poche. « La situation ne cesse de se dégrader depuis le début de l’été. Comme chaque fois, les tensions ethniques sont liées au...