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Spécial LE FIGARO Colin Powell est le maître d’œuvre du revirement stratégique de la Maison-Blanche Bush replace sa diplomatie en première ligne

Washington, de Philippe GÉLIE
olin Powell, une nouvelle fois, joue gros devant l’Onu. Maître d’œuvre du revirement stratégique de la Maison-Blanche, le secrétaire État se doit d’obtenir le soutien international qu’il a fait miroiter à George W. Bush. S’il devait échouer, comme en février dernier avant l’invasion de l’Irak par les forces américano-britanniques, les conséquences pour la diplomatie internationale dépasseraient de beaucoup l’effondrement de son crédit personnel.
Derrière la décision prise mardi par le président américain, confiant au chef de sa diplomatie la négociation d’une nouvelle résolution avec les membres du Conseil de sécurité, c’est l’amorce d’un nouveau rapport de forces qui se dessine à Washington. Donald Rumsfeld, le secrétaire à la Défense, se retrouve provisoirement marginalisé, pour avoir soutenu au-delà de l’évidence que les États-Unis n’avaient besoin de personne en Irak. Pendant que l’effervescence gagne les officines diplomatiques dans la capitale fédérale et au siège des Nations unies à New York, le chef du Pentagone entame à Bagdad une revue des troupes et des pays de la région, la première depuis que le « commandant en chef » Bush a annoncé la fin des combats en mai. Entre-temps, près de 70 soldats sont morts sous les coups d’un ennemi insaisissable, plus qu’il n’en était tombé pendant la guerre elle-même.
Ce bilan, ajouté aux attentats meurtriers qui ont visé aussi bien l’Onu à Bagdad qu’un haut dignitaire chiite à Nadjaf, au coût exponentiel de l’occupation et de la reconstruction du pays, ainsi qu’aux pressions du Congrès et des prétendants démocrates à la Maison-Blanche, a préparé le terrain au changement d’attitude du président. À en croire le Washington Post, Colin Powell, lors d’un entretien mardi dans le bureau ovale, a présenté la démarche onusienne comme «un fait accompli», soulignant l’absence d’alternative sérieuse. Alors que, depuis cinq mois, l’administration américaine écartait l’idée de céder un pouce d’autorité à la communauté internationale, il aurait emporté l’approbation de George W. Bush et de Condoleezza Rice, sa conseillère pour la sécurité nationale, pratiquement sans résistance.
L’explication, selon l’enquête publiée hier par le Washington Post, tient au fait que le renfort des Nations unies était souhaité de longue date par l’état-major militaire américain, contre l’avis des dirigeants civils du Pentagone. Le général Richard Myers, chef d’état-major interarmes, aurait été convaincu de cette nécessité lors d’un tête-à-tête au Qatar avec le général John Abizaid, commandant en chef des troupes en Irak, dès le 27 juillet dernier. Le général Myers s’en serait ouvert à George W. Bush début août lors d’une visite dans son ranch texan de Crawford. Le général Abizaid aurait lui-même des conversations « fréquentes » avec Colin Powell, ce qui n’est guère habituel, même si le secrétaire d’État a dirigé l’US Army.
Les premiers brouillons du projet de résolution américaine seraient ainsi vieux d’un mois. Or, lorsque le sous-secrétaire d’État, Richard Armitage, a lancé l’idée la semaine dernière d’une force multinationale sous mandat de l’Onu et sous commandement américain, « la Maison-Blanche ne s’y attendait pas, assure une source officielle. Il est très rare qu’une idée prenne le président par surprise et soit ensuite adoptée aussi vite ». Analyse de William Kristol, éditeur du Weekly Standard, très influent dans les milieux conservateurs : « Rumsfeld a perdu de sa crédibilité parce qu’il a raté la planification de l’après-guerre. Il a eu le champ libre pendant cinq mois et il a fait fausse route. »
Cela ne signifie pas que Colin Powell ait les mains libres. Peu d’observateurs se hasardent à prétendre que rechercher le soutien des Nations unies est une erreur, mais le camp proguerre met en garde contre l’interprétation de ce revirement et le prix à payer. « Le monde se rappelle Saigon, Mogadiscio et Beyrouth », souligne le Wall Street Journal. Pour Donald Rumsfeld, il s’agit toujours de mener l’Amérique à la victoire : les autres pays peuvent avoir leur mot à dire, « pour autant qu’ils contribuent en troupes et en argent ».
Washington, de Philippe GÉLIEolin Powell, une nouvelle fois, joue gros devant l’Onu. Maître d’œuvre du revirement stratégique de la Maison-Blanche, le secrétaire État se doit d’obtenir le soutien international qu’il a fait miroiter à George W. Bush. S’il devait échouer, comme en février dernier avant l’invasion de l’Irak par les forces américano-britanniques, les conséquences pour la diplomatie internationale dépasseraient de beaucoup l’effondrement de son crédit personnel. Derrière la décision prise mardi par le président américain, confiant au chef de sa diplomatie la négociation d’une nouvelle résolution avec les membres du Conseil de sécurité, c’est l’amorce d’un nouveau rapport de forces qui se dessine à Washington. Donald Rumsfeld, le secrétaire à la Défense, se retrouve...