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INSTALLATION - « Atazakkar, fractions de mémoire », de Nada Sehnaoui, jusqu’au 31 juillet – place des Martyrs Premiers pas vers le deuil de 17 ans de guerre ?(photo)

Depuis plus de dix jours, la place des Martyrs, îlot désert coincé entre deux axes principaux de circulation, se refait une santé. En effet, Nada Sehnaoui y prépare une installation ambitieuse en tout point, intitulée « Atazakkar, fractions de mémoire », et interactive au sens propre. Depuis plusieurs mois, l’artiste et Amal Traboulsi, de la galerie Épreuve d’artiste, collectent les souvenirs des Libanais sur le centre-ville, du plus lointain jusqu’au plus récent, ou plutôt jusqu’à la fin de la guerre. Les deux initiatrices du projet exposent à partir d’aujourd’hui, 18h, et jusqu’au 31 juillet, l’ensemble de ces papiers, allant de quelques lignes à plusieurs pages, sur le support que représente l’installation, réalisée à partir de quelque 400 piles de quotidiens locaux et internationaux (L’Orient-Le Jour, an-Nahar, The Daily Star et Herald Tribune), d’une hauteur d’environ 70 cm et réparties sur un espace de 80 par 30 mètres. Chacune d’entre elles portera des souvenirs envoyés par courrier ou des feuilles blanches, qui symbolisent la « mémoire perdue », selon Nada Sehnaoui, mais que celle-ci espère voir se remplir d’autres écrits du même type.

Profonde douleur
« Concrétiser cette installation place des Martyrs est un rêve devenu réalité, confie l’artiste, tout en continuant, aidée de deux de ses étudiants de la NDU, à empiler les quotidiens et à les coller en piles. J’ai pu réaliser un travail accessible au public en transformant un espace urbain en lieu de promenade ».
Amal Traboulsi et Nada Sehnaoui sont encore surprises, et heureuses, de l’impact de leur proposition sur le public. «Spontanément, les gens commençaient par répondre qu’ils ne se souvenaient de rien, racontent-elles. Puis le processus s’enclenchait. Presque tous se sont impliqués en signant de leur nom, si bien que nous n’avons que très peu de textes anonymes ». Selon l’installationniste, « le Liban veut faire table rase de son passé et derrière cela, il y a une profonde douleur, comme en témoignent certains textes, beaux et émouvants. D’une certaine manière, le travail artistique en général, et celui-là plus particulièrement, peuvent créer notre identité ». Pour Amal Traboulsi, « cette installation a déclenché quelque chose qu’il faut poursuivre », et il semblerait que le projet donnera lieu à une publication ultérieure.

Mouvement national
De cette installation, chacun y verra ce qu’il voudra, selon le vœu de Nada Sehnaoui, puisque ce qui importe, ce sont les textes. Les piles de journaux qui leur servent de supports sont agencées d’après « une géométrie minimale et sereine, pour mettre en valeur les souvenirs », précise l’artiste. Une chose est sûre : l’effet de catharsis, de thérapie collective que représente, entre autres, ce travail, sera majeur chez ceux qui soit y participent, soit le visitent. Peut-être que l’art parviendrait ainsi à déclencher le « travail de deuil » de la guerre, après toutes ces années de politique de l’autruche. Quelques piles de journaux, une centaine de souvenirs du centre-ville, entre « mémoire retrouvée » et « mémoire perdue », et la ténacité de deux actrices de la vie beyrouthine seraient, peut-être, les pionniers d’un mouvement national vers le passé, pour mieux envisager l’avenir.

Diala GEMAYEL
Depuis plus de dix jours, la place des Martyrs, îlot désert coincé entre deux axes principaux de circulation, se refait une santé. En effet, Nada Sehnaoui y prépare une installation ambitieuse en tout point, intitulée « Atazakkar, fractions de mémoire », et interactive au sens propre. Depuis plusieurs mois, l’artiste et Amal Traboulsi, de la galerie Épreuve d’artiste, collectent les...