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L’école, un lieu privilégié pour détecter le problème Poser des limites, garde-fous indispensables pour les éducateurs (photo)

Toutes les excuses sont bonnes pour perturber le cours, faire passer une heure ennuyeuse ou embêter un enseignant qui ne sait pas tenir sa classe. On fait tomber un crayon, on s’interpelle, on s’envoie des messages, on chahute. On joue même à qui inventera la blague la plus bête ou donnera au prof le surnom qui lui sied le mieux. Parfois, de véritables monstres, les adolescents se transforment littéralement en petits chérubins, lorsque le cours est intéressant, que la sanction menace ou que le prof est sympa. Des profs qui, malgré les difficultés qu’ils ont à se faire obéir des élèves, sont souvent à leur écoute durant les heures de récréation. Des profs qui sont généralement les premiers à détecter le problème, lorsque celui-ci surgit. Rencontre avec deux responsables d’établissement et de cycle qui donnent un aperçu des problèmes liés à l’adolescence.Directeur académique et éducatif au collège Melkart, riche d’une expérience de 35 ans dans l’éducation, Fawzi Makhoul explique l’adolescence comme une période entre les deux mondes de l’enfance et de l’âge adulte, caractérisée par une maturation pubertaire et qui peut engendrer un conflit intérieur normal. « C’est aux éducateurs et aux parents qu’il appartient de ne pas le transformer en conflit majeur », prévient-il. « À cet âge, explique M. Makhoul, l’adolescent est très vulnérable et a un besoin essentiel d’être reconnu, car il est à la recherche de son identité. » Face à l’énorme masse d’informations qu’ils reçoivent, les élèves adoptent durant les cours des comportements souvent extrémistes. Tantôt abattus, sans réaction, tantôt excités, gaspillant leur énergie, ils manquent totalement d’attention et de motivation. D’ailleurs, constate le directeur, nombreux sont les élèves qui n’ont pas de normalisation : ils posent leur question à n’importe quel moment, interrompent l’éducateur qui parle, ou lui répondent sans avoir la parole. « Canaliser cette énergie vers une activité sportive est essentiel », conseille-t-il, constatant un décalage important entre ce que les élèves reçoivent et ce qu’ils donnent. Changement de comportement, un véritable SOS « De même, l’adolescent a besoin d’une figure intermédiaire, qui pourrait l’aider à adoucir son passage vers l’âge adulte. C’est à l’éducateur de savoir être cette figure », note M. Makhoul. Aussi, doit-il garder l’œil sans trop couver l’élève, être attentif à ses attentes et ses besoins sans exercer trop de pression, mais aussi savoir le rendre actif pour le motiver dans son apprentissage. Être à l’écoute des adolescents implique qu’il faut promouvoir la proximité et non la familiarité, qu’il faut savoir les accompagner dans leurs problèmes, sans pour cela abonder dans leur sens ou au contraire les brimer. « Car s’ils ont besoin d’attention, les adolescents ont surtout besoin de reconnaître les limites à ne pas dépasser, garde-fous indispensables pour leur sécurité. C’est la raison pour laquelle il faut savoir dire non, insiste le directeur, sans toutefois casser la relation qui s’est construite avec eux. » Ces valeurs, parallèlement à l’éducation donnée par les parents, c’est à l’établissement scolaire de les véhiculer tout au long de la journée, observe Fawzi Makhoul. Mais à quel moment peut-on réaliser qu’un adolescent vit un problème ? « Une régression en classe, une chute dans les résultats scolaires, un changement d’attitude, une baisse de l’intérêt, mais aussi l’altération des relations avec les camarades sont autant de messages de détresse que l’adolescent envoie lorsqu’il a besoin d’aide », note le directeur. D’ailleurs, dès qu’un cas pareil est repéré, nous en recherchons immédiatement la cause en discutant avec l’adolescent dans un premier temps, puis en faisant appel aux parents et aux camarades si nous jugeons le problème plus aigu. « Mais, remarque-t-il, les adolescents s’épanchent généralement, comme s’ils n’attendaient qu’une occasion pour le faire. » Et d’insister sur l’importance du rôle des parents dans l’épanouissement et la sérénité de leur enfant. Des parents qui doivent apporter sécurité et affectivité à leur enfant, tout en sachant l’éduquer à l’autonomie et lui instaurer des limites. Des parents qui doivent aussi privilégier la communication avec leur enfant et l’encourager à parler de tout, même de ses besoins sexuels. « Car, conclut-il, la majorité des problèmes vécus par les adolescents sont liés à la sexualité. » Préfet des classes de quatrième et troisième au collège Notre-Dame de Jamhour, également professeur de français en seconde, Christiane Tuéni présente cette période comme étant celle de la construction du narcissisme, de la recherche de soi. « Une période où l’on cherche à braver la loi, où l’on fronde souvent », remarque-t-elle. Déplorant l’ennui profond ressenti durant les cours par les jeunes adolescents de 13-14 ans, si le sujet abordé n’est pas en rapport avec leurs intérêts, elle décrit deux cas de figure extrêmes : les élèves rêveurs ou indisciplinés. « Messages par cellulaires, lettres, bavardage, tout est prétexte à montrer qu’on s’ennuie », explique-t-elle, ajoutant qu’à cet âge, ceux qu’elle appelle la génération du zapping insistent à dire les choses immédiatement, car ils ne savent plus attendre qu’on leur donne la parole. « L’élève a sans cesse besoin de s’éclater, c’est pourquoi il faut constamment solliciter l’enfant bavard, lui donner la parole, l’intéresser d’une manière ou d’une autre, sans toutefois favoriser un aparté avec lui », conseille-t-elle. Une grande pudeur en parlant d’eux-mêmes Par ailleurs, remarque Mme Tuéni, « les adolescents ne connaissent plus leurs limites », ne savent plus jusqu’où ils peuvent aller, car ils n’ont plus de repères tant dans la société qu’au niveau de leur famille. « Il y a tout simplement trop de permissivité », déplore-t-elle, ajoutant que ce n’est pas là un problème d’éducation, mais de manque de valeurs. Certes, si les parents ont un important rôle dans ce comportement, c’est l’école, lieu de socialisation, qui doit assumer l’indispensable tâche de la normalisation. Quant aux problèmes rencontrés par les adolescents, « ils sont nombreux, d’autant plus qu’à cet âge, observe le préfet, la tentation est grande. En effet, ils sont très concernés par des sujets comme la drogue, la cigarette, l’alcool, l’amour, et même par des questions relatives à l’antéchrist, des sujets qui se présentent constamment à eux et dont les interdits qui y sont liés les attirent ». Et de constater que c’est dans le changement du comportement de l’élève que l’on réalise l’émergence d’un problème. S’il dort en classe, c’est qu’il n’a pas dormi la nuit, pour une raison quelconque. « On le sollicite alors et on essaie de déclencher une conversation, car il ne vient jamais de lui-même, ne parle jamais de lui-même. Impudiques et provocateurs dans leur manière de faire, les adolescents restent très pudiques quand ils parlent d’eux-mêmes », remarque-t-elle. Conscients de cette vulnérabilité, les éducateurs tentent d’être à leur écoute afin de les aider. Cela est d’autant plus facile que la figure du maître n’est plus le modèle tout puissant que l’on doit admirer. L’élève réalise pertinemment bien que ce dernier est une personne comme lui, qui a ses défauts et ses problèmes. « Mais il n’est pas donné à tous les éducateurs d’avoir le doigté et le savoir-faire nécessaires pour établir une bonne relation avec un adolescent en période difficile », regrette-t-elle. Une éducation ferme et sécurisante, dans la confiance et le respect de la loi, est aujourd’hui primordiale, conclut Christiane Tuéni à l’intention des parents, « car elle rassure l’adolescent qui déteste l’hésitation. Malheureusement, les parents ont souvent tendance à être trop tyranniques ou, au contraire, trop laxistes. » A.-M.H.
Toutes les excuses sont bonnes pour perturber le cours, faire passer une heure ennuyeuse ou embêter un enseignant qui ne sait pas tenir sa classe. On fait tomber un crayon, on s’interpelle, on s’envoie des messages, on chahute. On joue même à qui inventera la blague la plus bête ou donnera au prof le surnom qui lui sied le mieux. Parfois, de véritables monstres, les adolescents se transforment littéralement en petits chérubins, lorsque le cours est intéressant, que la sanction menace ou que le prof est sympa. Des profs qui, malgré les difficultés qu’ils ont à se faire obéir des élèves, sont souvent à leur écoute durant les heures de récréation. Des profs qui sont généralement les premiers à détecter le problème, lorsque celui-ci surgit. Rencontre avec deux responsables d’établissement et de cycle qui...