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Actualités - REPORTAGES

Bourse de Beyrouth : de la léthargie à des ambitions de city

À l’instar de l’activité économique, la Bourse locale est comateuse depuis plusieurs mois déjà. Au banc des accusés, on retrouve les blocages politiques et administratifs, les déficiences du cadre légal et du système financier, les dérives des finances publiques, l’hésitation des investisseurs étrangers, le manque de transparence… Mais contre vents et marées, les autorités boursières luttent pour remettre sur pied une Bourse efficace au potentiel régional prometteur. Seulement il s’agit d’un véritable chantier, et nous n’en sommes qu’au stade des fondations. S’il est question de dénombrer les maux dont souffre le marché boursier libanais, les professionnels s’accordent pour admettre que la liste serait longue. Mais il faut bien commencer quelque part, et Fadi Khalaf, président du comité de la Bourse depuis novembre passé, affirme qu’un des obstacles majeurs entravant le développement de la Bourse de Beyrouth aujourd’hui provient du manque de liquidité. En effet, la liquidité «graisse» les engrenages du marché, permettant idéalement un équilibre continu entre l’offre et la demande, grâce aux ajustements des prix. Le manque de liquidité mine le marché Cette panne de liquidité serait due à certains facteurs d’ordre technique et à d’autres d’ordre plus général, liés à la volonté politique comme à l’environnement économique global du pays. Mais c’est bien sur les deux plans que le nouveau comité de la Bourse s’attelle à promouvoir des améliorations, médecine douce dans certains cas, thérapie de choc dans d’autres. En matière de liquidités, l’amélioration passe nécessairement par l’intervention sur le marché de faiseurs de marchés ou «market makers» qui jouent un rôle prépondérant sur les marchés internationaux. Pour le moment, les principaux intervenants sur le marché se limitent à leur rôle d’intermédiaires financiers, agissant pour le compte de leur clientèle. D’autre part, l’implication d’investisseurs institutionnels favorise beaucoup la liquidité et renforce aussi la confiance sur un marché. Et bien que Fadi Khalaf soit confiant quant à la capacité de Beyrouth à attirer ce type d’investisseurs dans l’avenir, il admet que le climat général requis pour cela n’est pas encore assuré. De grands efforts restent à fournir dans différents domaines (budgétaire, administratif, légal, fiscal, comptable, en matière de transparence, etc.) afin que le Liban réussisse à drainer ce type de capitaux. Cela dit, la technicité contribue elle aussi à améliorer la liquidité sur un marché, et un grand pas en avant a déjà été effectué dans ce sens. Pour remplacer le système de cotation par fixing actuellement adopté, la cotation en continu devrait faire son apparition à la Bourse de Beyrouth dès la mi-2001, après une période intermédiaire où le système de cotation à la criée sera adopté, le temps que soit définitivement mis en place le système informatique monté en collaboration avec la Bourse de Paris. Non seulement la cotation en continu favoriserait-elle la liquidité, mais elle assurerait une plus grande constance aux opérations boursières. Les privatisations, moteur incontesté du développement Après avoir été évoquées, analysées, contestées, promises et enfin votées au Parlement, les privatisations libanaises avaient en quelque sorte été écartées jusqu’à l’explosion récente du conflit entre le ministère des Télécommunications et les deux opérateurs nationaux de téléphonie mobile. Pourtant, à la Bourse, le litige n’est pas vu d’un mauvais œil, et les autorités boursières y trouvent même un facteur pertinent pour déclencher un redémarrage boursier. Selon Fadi Khalaf, l’acceptation par le gouvernement d’accorder des licences opérationnelles à FTML et à LibanCell ouvrirait la voie à la cotation de ces deux entreprises sur le marché local, souhait qui serait entièrement partagé par les compagnies elles-mêmes. D’ailleurs, le comité de la Bourse est actuellement en pourparlers avec les parties concernées afin que la cotation en Bourse soit rendue obligatoire si la solution porte sur la remise de licences. Fadi Khalaf affirme par ailleurs que cette cotation serait dans l’intérêt de toutes les parties, et même dans l’intérêt général du pays. En effet, il existe souvent en matière de Bourse un phénomène de mode ou d’imitation qui fait que la cotation de quelques pionniers déclenche souvent une vague d’introductions en Bourse, générant un nouvel élan et un dynamisme économique bienvenus. D’autre part, maintenant que la loi-cadre a été votée, si le processus de privatisation est véritablement lancé au Liban, les grandes banques d’investissement et les autres investisseurs institutionnels se tourneront incontestablement vers le marché libanais. L’intérêt porté par ces institutions et leur implication auront un effet d’entraînement certain sur les capitaux locaux et étrangers. Pourtant, un léger doute subsiste pour le moment. Le comité de la Bourse estime que la loi-cadre sur la privatisation ne souligne pas suffisamment le rôle prépondérant et incontournable de la Bourse de Beyrouth dans les opérations d’ouverture du capital des entreprises publiques. Il semblerait, par contre, que ce rôle soit ultérieurement défini plus explicitement dans les lois sectorielles, et qu’il n’existerait pas de doute sur la volonté politique de permettre à la Bourse de jouer un rôle de première importance une fois le processus enclenché. Enfin, Fadi Khalaf estime qu’il serait vraiment dommage que soient entreprises les privatisations partielles évoquées (ouverture d’une portion du capital uniquement), qui feraient l’objet de placements privés menés directement par les banques d’investissement sans passage par le marché primaire officiel. De telles opérations n’aideraient pas à réactiver la Bourse locale et à réhabiliter son potentiel, mais elles limiteraient aussi le droit des Libanais à participer au capital des sociétés privatisées. Des liens régionaux renforcés et un réseau arabe Les grandes places boursières internationales se rapprochent aujourd’hui pour amplifier les avantages de la globalisation, renforcer leur potentiel et améliorer leurs performances. Les Bourses arabes ne restent pas en marge de telles tendances, et la place de Beyrouth a été désignée pour devenir une plate-forme financière arabe. Ce regroupement ambitionné par les Bourses arabes a d’ailleurs déjà été initié et devrait bientôt se concrétiser avec la création d’un site Internet reliant toutes ces Bourses, ainsi que les intermédiaires financiers et les sociétés de clearing. Ce grand projet devrait, en outre, être complété par la mise en place, actuellement en cours, d’une société de clearing arabe basée à Beyrouth et dont la Bourse de Beyrouth est un membre principal. Au comité de la Bourse, on estime que ce décloisonnement des Bourses arabes et leur rapprochement dynamiseront d’une manière significative les marchés arabes, et avantagera particulièrement la place de Beyrouth. D’ailleurs, le président de la Bourse affirme que certains opérateurs arabes ont déjà montré une volonté d’être cotés à Beyrouth. La cotation de compagnies étrangères serait une grande preuve de confiance, et sans doute un puissant catalyseur de l’activité. Information et promotion, étapes préliminaires de la réussite Toutefois, les ambitieux projets du comité de la Bourse ne bénéficieront réellement à l’économie nationale que s’il y a une dissémination effective de l’information dans le système, et que si les acteurs du marché sont adéquatement renseignés. La culture financière et boursière est donc une condition sine qua non de la réussite. C’est justement dans cette optique que la Bourse de Beyrouth lancera dans les prochains mois une campagne nationale d’information, qui visera à susciter l’intérêt du grand public pour les investissements en Bourse et à communiquer quelques concepts financiers de base à une foule d’investisseurs potentiels. L’objectif est en quelque sorte de créer un esprit d’effort national pour soutenir le marché local. La campagne, financée par des sponsors et en collaboration avec Saatchi & Saatchi, devrait préparer le terrain pour d’éventuelles privatisations auxquelles les Libanais seront appelés à participer. Cette stratégie de communication vise aussi les entreprises libanaises, traditionnellement petites et familiales, et qui ne devraient plus être déphasées par rapport aux tendances et aux normes internationales en matière de transparence et de recours aux marchés pour le financement. Aussi, la promotion de la transparence, la validation des informations rendues publiques par les entreprises et la surveillance des opérations de marché font l’objet d’un projet très attendu de création d’une commission des opérations de Bourse, institution «vigile» du marché boursier. Il y a donc du pain sur la planche. Mais même si les performances sont pour le moment médiocres, un retournement de la conjoncture et une volonté politique pourraient rapidement permettre de récolter les fruits des efforts fournis en matière de réglementation du marché et de consolidation de ses structures.
À l’instar de l’activité économique, la Bourse locale est comateuse depuis plusieurs mois déjà. Au banc des accusés, on retrouve les blocages politiques et administratifs, les déficiences du cadre légal et du système financier, les dérives des finances publiques, l’hésitation des investisseurs étrangers, le manque de transparence… Mais contre vents et marées, les autorités boursières luttent pour remettre sur pied une Bourse efficace au potentiel régional prometteur. Seulement il s’agit d’un véritable chantier, et nous n’en sommes qu’au stade des fondations. S’il est question de dénombrer les maux dont souffre le marché boursier libanais, les professionnels s’accordent pour admettre que la liste serait longue. Mais il faut bien commencer quelque part, et Fadi Khalaf, président du comité de la...