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Actualités - REPORTAGES

(Supplément) Spécial banques Maintenir le cap, malgré les difficultés

Malgré une ambiance globale dépressive, le secteur bancaire libanais fait toujours preuve d’une certaine vitalité ; il continue d’étendre son réseau d’exploitation, d’agrandir sa gamme de produits et de s’adapter aux évolutions conjoncturelles les plus défavorables. Après un premier semestre en demi-teinte en 1999, ce secteur retrouve une plus grande vigueur au cours du second semestre et réussit à maintenir le cap en 2000. L’augmentation enregistrée pour le bilan consolidé des banques n’était que de 2,8 % pour les six premiers mois de l’exercice 1999, alors qu’elle se situe à plus de 5 % pour la même période de l’année en cours. Les autres agrégats sont eux aussi relativement positifs. Pour certains, ce léger mieux est quelque peu trompeur car le secteur reste fragile et souffre de graves lacunes à l’image de l’ensemble de l’économie libanaise. L’endettement public est à l’origine de cette amélioration bancaire puisque l’État devient, et de loin, le principal client des banques qui lui accordent aujourd’hui plus de la moitié de l’ensemble de leurs avances. Cette concentration de risques sur un seul agent n’est-elle pas en elle-même un signe de faiblesse ? L’évolution des principaux postes du bilan consolidé des banques commerciales depuis 1990 est impressionnante. Ainsi, on constate que le total des actifs bancaires a atteint près de 43 milliards de dollars en juin 2000 contre moins de 8 milliards en décembre 1992 (voir tableau 1). Au cours de cette période, la progression annuelle moyenne cumulée est estimée à 25 %. Cette progression est valable pour tous les postes du bilan. Ainsi, les dépôts du secteur privé ont atteint un total de 35,6 milliards de dollars fin juin 2000, contre 33 milliards six mois plus tôt. On était à près de 6,6 milliards à fin 1992. La progression annuelle moyenne des dépôts frôle la barre des 30 % ; les dépôts en livres libanaises en particulier sont estimés à 13,2 milliards de dollars fin juin dernier et représentent environ 37 % du total des dépôts bancaires privés. La dollarisation actuelle des dépôts se situe à environ 63 % alors qu’elle était de 69% en 1992 et seulement 56 % fin 1996. Caractéristiques des dépôts La quasi-totalité des ressources bancaires au Liban est constituée par les dépôts de la clientèle privée. Couverts par un secret bancaire total, ces dépôts ont connu de fortes perturbations au cours des années 80 en liaison avec la dépréciation de la livre libanaise. Au début de la décennie, les dépôts s’effectuaient principalement en livres libanaises. Fin 1983, les dépôts en livres représentaient, en effet, plus de 70 % de l’ensemble des dépôts contre à peine 10% des ressources globales des banques en 1987. Ces mouvements se sont inversés à partir de fin 1992 avec le retour à la croissance interne et, surtout, avec la stabilisation et même l’amélioration des taux de change de monnaie nationale. Les ressources en livres repassaient la barre des 40 % du total des dépôts bancaires en juin 1995. Deux facteurs majeurs expliquent ce rééquilibrage : la transformation des dépôts en devises, sous l’effet d’une amélioration des taux de change de la livre parallèlement à des taux d’intérêts très élevés servis sur la monnaie nationale ; la très forte création de liquidités générée par les largesses budgétaires, notamment celles relatives au service de la dette et à l’ambitieux programme de reconstruction. La progression des dépôts en livres ne s’est pas faite aux dépens de l’épargne en devises puisque, parallèlement à l’augmentation des dépôts en livres, les dépôts en monnaies étrangères connaissaient une progression elle aussi très soutenue pour atteindre 22,4 milliards de dollars en juin 2000 (voir tableau 2). Malgré le tassement continu des taux d’intérêt servis sur la livre, les déposants estiment que le différentiel d’intérêt, estimé à environ 4 %, reste suffisamment attrayant pour conserver une partie de l’épargne en livres. En plus de cette concentration en devises des dépôts bancaires, on relève une concentration géographique de l’épargne où l’on constate que les branches des banques du Grand-Beyrouth assurent la collecte de plus de 70 % des dépôts. La répartition par personne respecte plus ou moins la répartition spatiale de la population, avec bien sûr une tendance de concentration en faveur de la capitale et de ses environs (voir tableau 3). La générosité des banques Les dépôts bancaires restent toutefois relativement éparpillés, et les différents comptes d’épargne se comptent par centaines de milliers. Cette atomisation ne donne pas pour autant une grande marge de réconfort aux banques libanaises, compte tenu du caractère très court des dépôts et en l’absence d’une épargne à long terme. En plus, les banques «cassent» facilement les dépôts à terme de leurs clients, moyennant pénalité bien sûr. Autre particularité de cet agrégat, les taux d’intérêt élevés servis sur les dépôts aussi bien en livres qu’en devises et qui ne sont pas justifiés par l’écart entre taux créditeurs et débiteurs. En effet, les banques libanaises servent facilement plus de 7% sur les dépôts en dollars de leurs gros déposants qui obtiendraient 1 à 2 % sur ces mêmes dépôts sur les marchés internationaux. Même constat pour les dépôts en livres où les intérêts servis sont presque égaux à ceux des taux de remplois obtenus par les placements en bons du Trésor et à maturité égale. La concurrence interbancaire et surtout la pratique du «mismatching» expliquent en grande partie cette générosité. En effet, et pour améliorer leurs résultats, les banques n’hésitent pas à pratiquer le «mismatching» en souscrivant aux bons du Trésor libanais à long terme alors que leurs dépôts sont essentiellement à court terme. Ces placements ne se limitent pas aux bons de Trésor en livres, mais aussi à ceux émis en devises étrangères. Cette pratique doit être examinée dans le contexte particulier libanais avec une quasi-dollarisation des avances bancaires au secteur privé alors que les dépôts en livres restent très importants. Les entreprises privées peuvent difficilement s’endetter en livres libanaises et la seule opportunité de placement en monnaie nationale est liée aux besoins du secteur public. Cette politique est d’ailleurs menée en étroite collaboration avec la Banque du Liban, qui pourrait soutenir les banques aux premiers signes de retournement de tendance et donc réduire les risques d’un brusque retournement de tendance. Ce constat peut être vrai pour les placements en livres, mais risque d’être dangereux pour les remplois en devises. Bien que peu conforme à une gestion bancaire prudente, ce «mismatching» se traduit favorablement sur les taux d’intérêt débiteurs privés dans la mesure où il permet aux banques de réduire l’écart entre taux débiteurs et créditeurs. En effet, la marge d’exploitation bancaire résulte traditionnellement de l’écart entre ces deux taux. Les contraintes de l’exploitation bancaire – réserves obligatoires importantes, sévères limitations des prêts en devises, risques pays et clients élevés, surpaiement des dépôts en devises… – sont autant de facteurs qui pousseraient les banques à relever leurs taux débiteurs. Les marges dégagées par le «mismatching», permettent de limiter cette hausse des taux débiteurs. Mais les agents privés profitent-ils vraiment de cet avantage, surtout que leur accès au crédit bancaire est de plus en plus difficile ?
Malgré une ambiance globale dépressive, le secteur bancaire libanais fait toujours preuve d’une certaine vitalité ; il continue d’étendre son réseau d’exploitation, d’agrandir sa gamme de produits et de s’adapter aux évolutions conjoncturelles les plus défavorables. Après un premier semestre en demi-teinte en 1999, ce secteur retrouve une plus grande vigueur au cours du second semestre et réussit à maintenir le cap en 2000. L’augmentation enregistrée pour le bilan consolidé des banques n’était que de 2,8 % pour les six premiers mois de l’exercice 1999, alors qu’elle se situe à plus de 5 % pour la même période de l’année en cours. Les autres agrégats sont eux aussi relativement positifs. Pour certains, ce léger mieux est quelque peu trompeur car le secteur reste fragile et souffre de graves lacunes...