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Société - Ils ont entre 21 et 24 ans et disent leur amertume sans mâcher leurs mots L'impartialité des élections ? Les jeunes n'y croient plus (photo)
Par AZOURI Médéa, le 25 août 2000 à 00h00
Ils ont entre 21 et 24 ans. Lors du dernier scrutin, ils n’étaient pas en âge de voter. S’ils ont aujourd’hui atteint l’âge légal, peu nombreux sont les jeunes qui iront aux urnes. Leur dégoût, leur mépris face à la non-représentativité, ils l’expriment sans mâcher leurs mots, dans une spontanéité bien différente de la langue de bois. «Voter ? Ça ne va pas non ! Je ne vais tout de même pas légitimer ce qui se passe dans le pays, s’exclame Jean, 23 ans. À quoi ça sert ? De toutes les manières, c’est truqué, et à Beyrouth, je ne vois pas qui pourrait nous représenter». Les propos de cet étudiant en droit sont amers, à l’image d’une nouvelle génération d’électeurs qui n’est pas dupe. «Déjà, en 96, ce n’était pas ce qu’il y avait de mieux, mais là, on se moque de nous, et de la belle façon !», lance Nada, âgée de 22 ans. «Il suffit de voir la répartition électorale de certaines régions pour comprendre la manipulation, précise Tarek, 24 ans. Mes parents vont voter, moi pas. Ils vont voter au Nord, pour quelqu’un qui leur a rendu service pour un terrain. Génial ! Et dire que le député a les mêmes prérogatives qu’un moukhtar. Ça ne me dit rien d’aller jusqu’au Nord pour voter. D’ailleurs, je ne sais même pas quand ont lieu les élections». Cette fois, les propos sont acerbes. Les différentes générations n’ont pas toutes les mêmes opinions. Et les jeunes ne se sentent nullement concernés par les vieilles habitudes électorales, parfois familiales. «De toutes les manières, réplique Jihane, qui vient tout juste d’avoir 21 ans, «qui a jamais pensé aux jeunes ? Aucun programme ne tient compte de nous. Ça, c’est s’il y en a un. Pierre Gemayel en a parlé à la télé. Il a parlé des jeunes qui quittaient le pays. Émile Lahoud Jr aussi. Mais qu’est-ce qu’ils en savent, eux, des vrais problèmes qu’on rencontre au quotidien ? Le coût des études, le manque de débouchés, la cherté de vie !». Nassib Lahoud, leur idole Chez les hommes politiques, on préfère s’insulter plutôt que descendre sur le terrain. «Moi, au Metn, et je vais voter Nassib Lahoud, bien évidemment. C’est presque un héros aujourd’hui, car ils n’arrêtent pas de s’en prendre à lui. Ça ne fait qu’augmenter sa popularité, c’est génial. D’ailleurs, je ne vais voter que pour lui», lance Alex, 23 ans. Et ils sont nombreux à penser comme lui, ces jeunes électeurs du Metn, qui affirment à l’unanimité leur appui à Nassib Lahoud. Ils préfèrent ne pas dire où ils étudient, ces jeunes, de peur des «représailles», disent-ils. «Il n’y a pas de liberté dans ce pays, mieux vaut être prudent». Triste constat. Il est vrai que l’heure est à l’amertume et à la déception dans le pays, mais les jeunes l’expriment différemment. «Il y a trois ou quatre ans, nous avons tous manifesté pour la liberté d’expression quand il y a eu l’affaire Aoun à la télévision. Nous étions devant le Parlement, et quand Najah Wakim est arrivé, c’était l’hystérie. Nous avons hurlé comme des fous raconte Chantal, 22 ans. Je ne comprends pas pourquoi il ne se présente pas. J’ai eu beau regarder l’émission de Gisèle Khoury, je n’ai pas compris ses vraies raisons. C’est dommage, moi qui vote à Beyrouth...». L’opposition a gagné donc le cœur de la jeunesse. Ce n’est même plus une question de programme... On n’aime pas le pouvoir, et on le dit. «Le pays n’a jamais été aussi mal que maintenant. J’ai passé dix ans à Londres pendant la guerre et je me demande ce que je fais ici, regrette Ramez, 22 ans. «Mes copains effectuent des stages superbes là-bas, et moi ici, rien... pas l’ombre d’un avenir», ajoute-t-il avec amertume. Deal à 150 dollars «On m’a proposé 150 dollars pour voter à Beyrouth, c’est excellent, raconte Paul, hilare. Et je vais les accepter. Je voterai pour n’importe qui, je m’en fiche. De toutes les manières, c’est truqué, alors avec ou sans moi, c’est pareil. Et puis, ça vaut le coup 150 dollars !». «Moi, je vais voter pour mon père», dit Jad, 23 ans, du Chouf. «C’est logique, non?». «Nous, nous votons au Kesrouan. Maintenant, il y a quatre listes. Renouveau, espoir, changement, disent-ils, alors que ce sont les mêmes vieux croûtons qui se présentent. Comment peuvent-ils nous prendre à ce point, pour des crétins ? C’est révoltant ! Et qu’est-ce qu’ils vont changer d’ailleurs ? Les gens se présentent pour eux-mêmes. Ni pour le peuple et encore moins pour le pays. Ils veulent des privilèges, c’est pour ces raisons-là qu’ils veulent être élus... Il y a un médecin qui rappelle dans son programme sur le fait qu’il était le meilleur en basket à l’école et qu’il marquait toujours des trois points. Il a même précisé que sa femme avait fini sa scolarité avec distinction... Franchement, qu’ils rentrent tous chez eux», ironise Jihad, 24 ans. «On m’a demandé de voter pour Hariri à Beyrouth, je ne pense pas que je le ferai, dit Myriam, 23 ans. Pourquoi le ferai-je ? Et puis, de sa liste, je ne connais personne». «Moi, je vais voter pour le plus laid. Ils sont tellement ridicules sur leurs posters. J’ai un copain français qui est venu passer deux semaines ici. Il était sidéré, raconte Samir, amusé. On a même inventé un jeu, celui du plus laid. On se croirait dans une république bananière... Pire même... À quoi ça sert de mettre sa photo sur un poteau, ça ne donne pas de crédit ni de légitimité, au contraire... ils sont la risée de tout le peuple... ils n’ont pas compris encore ? Et ce n’est pas parce que l’on a trois dollars de plus qu’on doit se présenter... et perdre. La honte. Tous ces gens dont la photo est étalée sur des posters et qui vont rentrer chez eux bredouilles. C’est comme les élections des Miss, où même les plus laides se présentent, et récoltent les plus mauvaises notes. Il ne faut pas s’étonner ensuite d’être dans le collimateur...» Déçue et sarcastique, la jeunesse libanaise. Elle n’ira pas aux urnes dans sa grande majorité. Truquages, magouilles, chantages et autres interventions occultes dégoûtent les jeunes. Le Liban politique, ils l’ont laissé tomber.
Ils ont entre 21 et 24 ans. Lors du dernier scrutin, ils n’étaient pas en âge de voter. S’ils ont aujourd’hui atteint l’âge légal, peu nombreux sont les jeunes qui iront aux urnes. Leur dégoût, leur mépris face à la non-représentativité, ils l’expriment sans mâcher leurs mots, dans une spontanéité bien différente de la langue de bois. «Voter ? Ça ne va pas non ! Je ne...
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