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Actualités - CHRONOLOGIE

Civilisations - le goût ornemental et la stylisation l'emportent sur l'autonomie des oeuvres L'art phénicien dans tous ses états : bijoux , ivoires et masques grimaçants (photos)

De Sidon à Carthage, de l’Espagne à l’Italie, l’histoire et le secret des arts qui reflètent les exigences de la vie quotidienne, des commerces et des rites. Les Phéniciens furent les maîtres de la synthèse et de la réinterprétation. La première constatation qui frappe celui qui se penche sur l’art phénicien d’Orient et d’Occident est que les arts «mineurs» ont la prédominance sur les majeurs ; qu’il y a une forte homogénéité et, à la limite, une reprise des caractères, même dans les écarts notables de temps et d’espace ; que le goût ornemental et la stylisation l’emportent sur l’autonomie des œuvres singulières, souvent difficiles à différencier et à identifier. Ces impressions sont fondamentalement exactes, mais elles demandent autant d’explications : on ne peut pas, en effet, attribuer à une œuvre artistique des caractères différents de ceux qu’elle veut avoir et la juger en conséquence. Il faut, par contre, reconstruire la genèse de telle ou telle œuvre, considérant de quelle façon elle avait voulu être réalisée et comment elle se réalisa par la suite. C’est donc un fait que les Phéniciens, en premier lieu, se sont distingués dans le travail de petits objets de prix, propres au commerce exercé le long des bords méditerranéens. C’est un passage de l’historien Diodore de Sicile qui met bien en évidence comment les anciens avaient compris la nature du phénomène : «Le pays (des Ibères) possède les mines d’argent les plus nombreuses et les plus belles... les indigènes en ignorent l’usage. Mais les Phéniciens, qui s’entendent au commerce, achètent cet argent en échange de quelques pacotilles. Ils portent ensuite l’argent en Grèce, en Asie, et auprès de tous les autres peuples, et réalisent de grands bénéfices. Pratiquant ainsi ce genre de commerces pendant longtemps, ils se sont enrichis et ont fondé plusieurs colonies : les unes en Sicile et dans les îles voisines, les autres en Libye, en Sardaigne et en Ibèrie». Ajoutons que le travail des métaux et des autres matériaux rares, comme les pierres précieuses et l’ivoire, était déjà le propre des Phéniciens en Orient, où l’or et l’ivoire par exemple arrivaient, importés d’Afrique : si bien que l’acquisition de matières premières d’Ibèrie complétait en cours, mais ne l’innovait pas. En outre, cette activité continuait une tradition millénaire qui s’est développée à l’époque phénicienne, mais qui, dans la plus grande partie de ses manifestations, peut se dire héritière de la culture et de la civilisation canaanéennes des IIIe et IIe millénaires avant J-C. Est-il permis de qualifier cette activité d’œuvre d’art, ou bien s’agit-il d’un artisanat modeste et simple ? En réalité, il faut rappeler que la distinction entre artisanat et art se détermine seulement à la Renaissance, si bien qu’il serait arbitraire de la reporter si loin dans le temps. Mais abstraction faite des formules et eu égard à la substance, il n’y a pas de doute que l’artisanat vise à satisfaire les exigences pratiques et qu’il se limite à elles. Quand, au contraire, l’œuvre se spécialise et s’élabore, quand elle entend déterminer le sens du beau et du rare, alors il est permis de parler d’art, et cela arrive sans aucun doute dans quelques produits phéniciens, par exemple les bijoux et les ivoires travaillés. Il s’agit, toutefois, d’un art particulier, orienté d’un côté vers les fonctions du commerce, et donc vers la création d’objets d’ornementation, comme il a été relevé jusque-là, et de l’autre, aux exigences de la religion et des rites, parce qu’une grande partie des œuvres non «mineures» est développée dans ce milieu. En somme, le concept de l’art pour l’art fait défaut, mais ajoutons aussi qu’un tel concept fait défaut également dans le reste du monde antique. Si les créations des Grecs furent exceptionnelles, cela ne signifie pas en fait qu’ils placèrent sur le plan de la théorie un art autonome, comme il arrive seulement dans les temps modernes. Quant à l’homogénéité et à la répétition des caractères, cela dépend de la force prééminente de la tradition et du fait que les artistes (mais là vraiment il voudrait mieux parler d’artisans) ne sentent aucune gêne à imiter les modèles. Que des réalisations autonomes et originales émergent de temps en temps, malgré tout, c’est une autre affaire, mais il reste le fait que plus d’une fois, entre un bijou de l’Orient et un autre de l’Occident, entre une figurine d’époque plus ancienne et une d’époque plus récente, il n’est pas aisé de distinguer. Enfin, dans le circuit des impressions générales, il y a l’ornementation et la stylisation. La réduction des formes au géométrique, et aussi à l’artisanat, dépend du substantiel désintéressement figuratif, de l’absence totale d’une vision de type classique de l’élégance et de la beauté. Il y a parfois, à l’opposé, une volonté de pousser les caractères à l’extrême et à l’exaspération, par exemple dans les figurines de terre cuite et dans les masques grimaçants. Mais pourrions-nous, après l’expérience de l’informel et de l’abstrait, condamner une perspective de ce genre ? Il est un thème particulièrement important, celui des influences étrangères sur cet art : influences déterminantes au point que plus d’une fois l’autonomie a été mise en doute. Cela vaut surtout pour la composante égyptienne qui prévaut partout et s’identifie parfois avec l’œuvre même importée ou imitée de l’Égypte, au point de susciter le doute sur l’une et l’autre exécution. Spécialement dans les objets d’art «mineur», comme les amulettes et les scarabées, la limite entre produits «égyptiens» et «égyptisants» est difficile à déterminer. Il y a, par ailleurs, à l’époque plus tardive, une influence grecque remarquable, spécialement en Occident, et même alors l’importation côtoie l’imitation. Dans aucun cas, cependant, les Phéniciens ne peuvent être considérés privés d’originalité. Ils sont plutôt les maîtres de la synthèse, de l’élaboration, de la réinterprétation. Qui plus est, il est arrivé souvent que d’autres peuples, prenant par exemple les éléments artistiques phéniciens, les élaborent et les adaptent à leur goût. Ainsi est né, particulièrement en Etrurie et en Ibèrie, l’art «orientalisant» : un véhicule de grande vitalité, qui insère les goûts phéniciens dans la tradition artistique occidentale et les porte jusqu’à nous.
De Sidon à Carthage, de l’Espagne à l’Italie, l’histoire et le secret des arts qui reflètent les exigences de la vie quotidienne, des commerces et des rites. Les Phéniciens furent les maîtres de la synthèse et de la réinterprétation. La première constatation qui frappe celui qui se penche sur l’art phénicien d’Orient et d’Occident est que les arts «mineurs» ont la prédominance sur les majeurs ; qu’il y a une forte homogénéité et, à la limite, une reprise des caractères, même dans les écarts notables de temps et d’espace ; que le goût ornemental et la stylisation l’emportent sur l’autonomie des œuvres singulières, souvent difficiles à différencier et à identifier. Ces impressions sont fondamentalement exactes, mais elles demandent autant d’explications : on ne peut pas, en effet, attribuer...