Actualités - CHRONOLOGIE
Civilisations - La représentation humaine, une caractérisique de l'art phénicien La numismatique, un auxiliaire de l'archéologie, une mine inestimable de renseignements(photos)
Par BOUSTANY Harès, le 24 août 2000 à 00h00
Il faut savoir tout d’abord que la pièce de monnaie, prise comme système d’échange, est relativement récente dans la longue histoire de l’humanité. Elle n’est apparue qu’au premier millénaire av. J-C Le système d’échange suivi avant cette période était le troc. Une seule tentative de conception plus moderne, et moins encombrante que les pièces en métal tout en étant antérieure à celles-ci, fut instituée pour un certain temps à Carthage. Le matériau employé fut le cuir en coupures de différentes valeurs garanties par l’État central. Malheureusement Carthage étant en guerre avec Rome et la Grèce, les commerçants préférèrent traiter avec leurs clients en espèces sonnantes et trébuchantes – cliché éculé mais qui trouve ici toute sa signification – dont la valeur intrinsèque serait toujours sauvegardée puisque les métaux employés étaient l’or et l’argent. Un autre avantage du métal sur le cuir était la possibilité de faire paraître clairement au moyen de la frappe et le nom du souverain qui l’a ordonnée et le nom de la ville d’émission avec la date. La grandeur et la prospérité de la cité d’émission avait son importance car plus cette cité était forte et indépendante, plus elle pouvait imposer une monnaie généralisée à d’autres régions puisque non soumise à la dévaluation, étant garantie par une ville riche et stable. C’est ainsi qu’à l’époque de la grandeur de la ville de Tyr, les contrats d’achat et de vente dans presque tout le bassin méditerranéen et dans l’arrière-pays proche-oriental portaient une clause stipulant que le paiement devrait se faire avec le shekel tyrien. Mais revenons à l’histoire de cette discipline. Il faut noter que le mot monnaie n’a rien à voir avec le terme numismatique. La «monnaie» tire son origine d’un attribut donné par les romains à leur déesse Junon : «Juno Moneta», et c’est d’ailleurs dans les abords du temple de cette déesse que les monnaies étaient frappées. Mais les romains eux-mêmes n’appelaient pas la monnaie «moneta» mais nomisma ou numus, terme d’origine grecque qui désignait spécifiquement le statère ou le diobole en argent de la ville de Tarente. Si l’histoire de la monnaie s’accompagne toujours de connaissances économiques ou ethnographiques, la numismatique, elle, est une science qui s’attache non pas à des phénomènes sociaux, mais à des objets. Par là elle est un auxiliaire de l’archéologie. Mais pour les collectionneurs de pièces de monnaie anciennes, la connaissance de la numismatique doit aller de pair avec des connaissances historiques très poussées pour pouvoir replacer ces pièces dans leur contexte géographique et chronologique. Bien que délimité et défini, le champ de la numismatique reste très vaste. Car la monnaie dans l’antiquité revêt des aspects très variés qui peuvent témoigner des activités des hommes. Elle est une mine de renseignements sur l’histoire, les religions, les mœurs, l’art, les rapports sociaux ou commerciaux, la civilisation, la politique. Il faut noter que toutes les pièces de monnaie ont une valeur intrinsèque de par leur substance même qui est le métal précieux : or, argent, électrum, ou un métal vil comme le bronze. Leur valeur documentaire mise à part, ces pièces auront de plus en plus de valeur grâce à la rareté des métaux dans lesquels elles ont été moulées ou frappées. Les caractères intrinsèques de la monnaie sont donc d’abord la qualité de ce métal qui constitue son corps, puis la qualité de la frappe qui doit veiller à bien centrer les motifs et l’inscription à l’avers et au revers, et enfin l’originalité du sujet ou des motifs végétaux et animaliers, ou encore des scènes allégoriques ou descriptives qui ornent la pièce. Lorsque celle-ci est parfaite et bien conservée on l’appelle «fleur de coin». L’identification des monnaies, le déchiffrement de leurs légendes, leur classement selon l’ordre géographique et chronologique, tout cela a fait l’objet des préoccupations des spécialistes et des collectionneurs. Leur description a abouti à l’établissement de vastes inventaires qui ont aidé à l’élaboration d’ouvrages de base qui sont souvent consultés. La représentation humaine Les représentations humaines bénéficient d’une technique et d’un traitement très soignés ; celles qui sont sculptées sur des stèles fixes ou celles qui sont exécutées spécialement pour être exposées sont de loin mieux traitées que les petites statuettes destinées à l’exportation ou au bas commerce. Mais même avec toutes ces particularités et ces difficultés, les artistes phéniciens ont su donner un faciès particulier à leurs œuvres. Il y a une caractéristique purement phénicienne que nous pouvons déceler dans leurs œuvres tout au long des millénaires, et c’est cet essai de combinaison entre les différents courants et thèmes artistiques qu’ils ont fort bien rendu et cette vie qu’ils ont essayé d’insuffler à leurs objets d’art qu’ils soient inspirés du Nord, du Sud, de l’Est ou de l’Ouest. Nous pouvons nous rendre compte de cette particularité dans certaines représentations humaines ou divines de Ras-Shamra, qui ne sont influencées par aucun art étranger, nous y retrouvons les mêmes caractéristiques que nous avons décelées dans les statuettes du troisième millénaire à Byblos. Il est à préciser que les statuettes de Ras-Shamra dont nous parlons datent du milieu du deuxième millénaire. Une des caractéristiques les plus importantes de la représentation humaine en Phénicie est celle qui a voulu aller contre les influences de l’Égypte et de toute la zone orientale ancienne. Dans cette zone, la sculpture a voulu être, au premier chef, présentative, qui tend à isoler un état, alors que nous sentons dans la sculpture phénicienne un effort pour en faire une sculpture narrative correspondant à l’intention de décrire une action. Nous constatons ensuite que l’art phénicien est humain et ouvert à tous les courants et à toutes les formes, il les accueille avec élan et les entoure d’un halo de gravité qui est loin de la servile platitude qui caractérise l’iconographie des peuples qui ont entouré la Phénicie. D’après les témoignages de plusieurs savants et archéologues, les artistes phéniciens avaient surpassé tous leurs contemporains en réussissant des chefs-d’œuvre incomparables dans tous les domaines : ciselure du bronze, de l’or et de tous les métaux en général, arts mineurs, agencement des thèmes et représentations animalières. Comment se fait-il alors que leurs représentations humaines soient restées à un stade tellement arriéré du point de vue strictement technique ? Cela peut-il être imputé à leur répugnance congénitale de Sémites à ne pas représenter leurs types ou leur race ? C’est une question très importante, car nous avons pu remarquer, en passant en revue leurs représentations humaine, qu’ils n’étaient à l’aise que lorsqu’ils s’inspiraient de thèmes étrangers. Dès qu’ils essayaient de créer ou de se représenter eux-mêmes, ils retombaient dans l’archaïsme et s’inspiraient des représentations néolithiques qui avaient cours avant la sémitisation complète de la contrée. Même leurs dieux ne sont bien modelés que lorsqu’ils s’inspirent des thèmes généraux en vogue dans l’ensemble des pays voisins. Il nous reste à poser le problème sous un autre angle. Les clients des Phéniciens étaient peut-être plus intéressés par les objets usuels ou les petits bijoux de valeur que par des statuettes représentant des hommes en général, des dieux ou même des Phéniciens et dont ils n’avaient que faire. La statuaire humaine ne pouvait intéresser que les habitants de la contrée et nous savons que les artistes de la Phénicie paraient au plus pressé en faisant passer les clients étrangers avant leurs compatriotes. Mais même avec tous ces problèmes, les artistes phéniciens ont su bien garder leur indépendance, en alliant avec goût, sûreté et originalité les courants et les thèmes artistiques qui parcouraient cette partie de l’Asie. Ils ont su insuffler à la matière, ou aux matières, car certaines de leurs statuettes étaient parfois exécutés avec cinq matériaux différents, ils ont su insuffler, disions-nous, un esprit purement phénicien et une vie qui faisait défaut, surtout en ces temps anciens, dans presque tous les arts des contrées environnantes. Car, comme l’a si bien dit Marcel Mauss : «Même lorsque l’esprit de l’individu est entièrement envahi par une représentation ou émotion collective, même alors, nous en convenons, l’individu est source d’action et d’impression particulières». Cette pensée peut, à notre sens, s’appliquer entièrement à l’art phénicien en général et à la représentation humaine en particulier. Car il serait peut-être erroné d’étudier la représentation humaine phénicienne, si l’on veut le faire d’une manière objective, en la plaçant sur une échelle de valeurs qui engloberait l’art de toutes les contrées sans distinction de temps ou d’espace. Il faut retremper cet art dans son contexte initial, la Phénicie en l’occurrence, et essayer de le placer sur une échelle de valeurs propre en tenant compte de toutes les difficultés et conditions particulières qui l’ont entouré, qu’elles soient religieuses, sociologiques ou extérieures.
Il faut savoir tout d’abord que la pièce de monnaie, prise comme système d’échange, est relativement récente dans la longue histoire de l’humanité. Elle n’est apparue qu’au premier millénaire av. J-C Le système d’échange suivi avant cette période était le troc. Une seule tentative de conception plus moderne, et moins encombrante que les pièces en métal tout en étant antérieure à celles-ci, fut instituée pour un certain temps à Carthage. Le matériau employé fut le cuir en coupures de différentes valeurs garanties par l’État central. Malheureusement Carthage étant en guerre avec Rome et la Grèce, les commerçants préférèrent traiter avec leurs clients en espèces sonnantes et trébuchantes – cliché éculé mais qui trouve ici toute sa signification – dont la valeur intrinsèque serait toujours...