Actualités - CHRONOLOGIE
Cannes - Aoyama plonge dans le Japon contemporain "Eureka", "road movie" humaniste
le 20 mai 2000 à 00h00
Présenté en sélection officielle à Cannes, Eureka est un «road movie» humaniste et poétique dans le Japon contemporain. C’est également un parcours initiatique pour trois personnages, un homme et deux adolescents traumatisés, en quête d’une nouvelle vie. «Ce film est une forme de prière pour l’homme moderne qui cherche le courage de vivre», écrit le réalisateur japonais Shinji Aoyama en exergue dans le dossier de presse. En l’espèce, cette prière suit la trame suivante. Un jour, dans la province japonaise du Kyushu (sud-ouest du Japon), un forcené prend les passagers d’un autobus en otage. L’affaire se termine dans le sang et seuls en réchappent Makoto (Koji Yakusho), le chauffeur du bus, Kozue (Aoi Miyazaki), une écolière et son frère aîné Naoki (Masaru Miyazaki). Traumatisé, Makoto disparaît, tandis que les deux enfants s’emmurent dans le silence de la maison familiale qu’ils ne quittent plus. Deux ans plus tard, Makoto réapparaît. Il décide de s’installer dans la maison des enfants qui, entre-temps, ont perdu leur mère (divorcée) et leur père (mort en état d’ébriété dans un accident de voiture). Dans la région, se produisent plusieurs meurtres de jeunes filles. Rejoint par le cousin (Saitoh Yohichiroh) des enfants maintenant adolescents, Makoto emmène tout le monde au gré des routes de l’été nippon. Shinji Aoyama, né en 1964, a été critique pour l’édition japonaise des «Cahiers du Cinéma» avant de réaliser son premier long-métrage –Helpless – en 1995. Comme le cinéaste chinois Jiang Wen, également en compétition avec Devils at the Doorstep, Aoyama a filmé en noir et blanc à l’exception d’une dernière séquence en couleurs. «Je voulais laisser le soin au spectateur d’imaginer quelles couleurs il pourrait placer sur l’image», a expliqué à Reuters Aoyama, dont les très longs cheveux noirs se fondent sur un ensemble pareillement noir. «Le noir et blanc est en outre lié de près au thème et à la nature de l’histoire. Quant à la fin en couleur, ajoute-t-il. Cela s’explique par le fait que le spectateur doit revenir à la réalité, qui est fixe et correspond à l’éveil de Kozue, qui elle-même reprend contact avec la réalité». Mais le noir et blanc a une autre fonction. «C’est l’image de ce qui est arrivé au monde, comme au Japon après la Seconde Guerre mondiale, c’est l’image d’un éloge funèbre, du deuil né de cette période». De même, la fin en couleurs «exprime l’espoir que peut-être on peut passer à une autre ère». «Un raz-de-marée va venir et, j’en suis sûre, tout le monde disparaîtra», prophétise Kozue, au tout début du film. Le titre du film –Eureka – fait expressément référence à cette prophétie, dit encore Aoyama, faisant référence au fait que les «tsunamis» sont monnaie courante dans cette partie du Japon, le Kyushu, région natale du cinéaste. Une voie de sortie «Il était très important d’employer le dialecte local car, à mon sens, certains sentiments, très délicats, ne pouvaient passer que par le filtre de ce dialecte», observe-t-il. Aoyama prend en outre le temps qu’il lui faut pour montrer son histoire, puisque son film dure près de trois heures quarante minutes. En dehors de quelques scènes très brutales, comme la prise d’otages du début du film ou une confrontation ultérieure entre Makato et Naoki, alors que ce dernier s’apprête à commettre un nouveau meurtre, le rythme est donc placide, lent, la caméra embrassant de grandes portions d’un splendide et signifiant paysage ou se rapprochant très près de personnages fort souvent discrets et silencieux. Quant aux difficultés de distribuer un film d’une telle durée, l’acteur Koji Yakusho dit ceci : «Commercialement, il sera bien sûr assez difficile à distribuer mais Aoyama, d’un point de vue artistique, avait vraiment besoin de cette durée; les personnages ont besoin de beaucoup de temps pour surmonter cette expérience». «Je ne voulais pas montrer d’images ou d’événements scandaleux», dit de son côté Aoyama, inspiré indirectement par l’attaque au gaz sarin du métro de Tokyo ou d’autres événements brutaux survenus récemment au Japon. «Je voulais juste montrer le rythme de leur vie (aux personnages), qui est celui de la vie de tout un chacun et de tous les jours». Quant à savoir si Eureka reflète le sentiment que la société japonaise inspire à Aoyama, la réponse de ce dernier est simple : «La première partie du film doit renseigner le spectateur à ce sujet; quant à la deuxième, c’est ma proposition en vue de trouver des moyens de sortir d’une telle société. Il n’est en aucun cas question de méthodologie mais seulement de l’espoir de trouver une voie de sortie».
Présenté en sélection officielle à Cannes, Eureka est un «road movie» humaniste et poétique dans le Japon contemporain. C’est également un parcours initiatique pour trois personnages, un homme et deux adolescents traumatisés, en quête d’une nouvelle vie. «Ce film est une forme de prière pour l’homme moderne qui cherche le courage de vivre», écrit le réalisateur japonais...
Les plus commentés
Après le « coup d’État » Salam, le tandem chiite prêt à aller de l’avant ?
Pourquoi il faut tourner la page Mikati
La surprise Salam : une victoire, mais de nombreux défis