Actualités - CHRONOLOGIE
Ecrits nomades - Rencontre avec Eric Durnez et Florent Couao-Zotti Dans la peau d'un décalé
Par G. D., le 20 mai 2000 à 00h00
«On est décrété auteur». C’est de cette manière qu’Eric Durnez, d’origine belge, explique le choix de l’écriture théâtrale. Avec une formation de metteur en scène et de comédien, il a écrit des romans jusqu’à ce qu’une commande lui soit passée, en 1996 : «Il semblait, à ceux qui me demandaient d’écrire une pièce, que mon parcours le permettrait sans problème», raconte-t-il. La première création s’appelle Brousailles, et onze autres sont parues depuis. Dans son œuvre, il «essaie de comprendre quelque chose». Il a longtemps côtoyé les handicapés mentaux, les chômeurs et les prisonniers : «J’aime les personnages décalés, un peu naïfs», explique-t-il. «Leurs histoires font réaliser qu’il y a des alternatives aux données de la civilisation établie. Il faut les positiver et accepter leur différence. C’est le début de la tolérance, de la subtilité». Ces personnages lui permettent de travailler sur un langage particulier : «Grâce à leur naïveté, des questions, parfois complexes, sont posées de manière très simple et accessible. Je n’ai pas de message à faire passer. Ce que je veux, c’est trouver une parole forte», affirme-t-il. Eric Durnez a créé une compagnie de théâtre, alors qu’il était encore installé en Belgique, plusieurs de ses pièces ont été montées dans son pays, et une petite saynète, Stef et Lou, a été choisie pour être interprétée par les jeunes étudiants. Il a aussi touché au journalisme. «Il faut être en apprentissage», dit-il. «J’aime essayer tout ce qui ne se ressemble pas». En 1999, il a publié A, l’histoire d’une fille-mère, de son frère et de leurs amis. «Mon point de départ, dans la constitution d’un récit, c’est la famille», dit-il. «J’aimerais écrire toutes les lettres de l’alphabet, créer une espèce de petit monde où la cellule familiale se découvre, se déchire». Faux coins Florent Couao-Zotti, d’origine béninoise, s’intéresse aussi aux laissés-pour-compte de la société : «Dans nos sociétés traditionnelles, explique-t-il, l’enfant est pris en charge par la communauté. Il n’y a pas d’individualité. Avec l’émergence de la société à l’occidentale, une certaine partie des diplômés s’est retrouvée sans travail, loin de leurs familles et de leurs repères. Ces personnes éduquées, mais sans aucune ressource, rejoignent la frange des marginaux et se réfugient dans les “faux coins”, ce qui, dans notre dialecte, désigne les ghettos, les endroits dangereux». Entre 1990 et 1993, Florent Couao-Zotti a fréquenté les marginaux, et les histoires qu’il écrit ressemblent à ce qu’il a vu. «J’aime les histoires fortes, un peu violentes. J’utilise le “fon”, la langue des “faux coins”», explique-t-il. Dans Notre pain de chaque nuit, publié par les Éditions du Serpent à plumes, il raconte l’histoire d’un boxeur amoureux d’une prostituée, qui assassine deux hommes politiques. «Je m’ennuie si l’écriture n’est pas suffisamment efficace», dit-il. Mais la fiction intervient : dans un autre récit, le personnage principal écarte ceux qui veulent lui nuire par une force magique. «Les Béninois, lorsqu’ils me lisent, se retrouvent facilement puisque j’ai pris le parti de nommer les choses directement : les quartiers sont réels». Mais il semble que la réalité rattrape toujours la fiction : «Un de mes amis, un homme politique, m’a demandé si la personne influente d’un de mes livres ne lui ressemblait pas un peu trop…».
«On est décrété auteur». C’est de cette manière qu’Eric Durnez, d’origine belge, explique le choix de l’écriture théâtrale. Avec une formation de metteur en scène et de comédien, il a écrit des romans jusqu’à ce qu’une commande lui soit passée, en 1996 : «Il semblait, à ceux qui me demandaient d’écrire une pièce, que mon parcours le permettrait sans problème», raconte-t-il. La première création s’appelle Brousailles, et onze autres sont parues depuis. Dans son œuvre, il «essaie de comprendre quelque chose». Il a longtemps côtoyé les handicapés mentaux, les chômeurs et les prisonniers : «J’aime les personnages décalés, un peu naïfs», explique-t-il. «Leurs histoires font réaliser qu’il y a des alternatives aux données de la civilisation établie. Il faut les positiver et accepter...