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Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

Colloque - Le Cedroma, en collaboration avec l'Ima, se penche sur les liens entre le droit et la religion A la recherche des racines communes des diverses spiritualités

«Droit et religion», deux concepts antinomiques, chacun voulant empiéter sur le domaine de l’autre ou, au contraire, complémentaires, la seconde étant généralement la principale source de l’autre ? La religion est-elle l’ennemie du droit fondé sur la laïcité ou, au contraire, peut-elle lui donner une dimension morale, voire spirituelle ? Autant de questions que le colloque organisé par le Cedroma (Centre d’études des droits du monde arabe) en collaboration avec l’Ima (Institut du monde arabe à Paris) se propose de traiter pendant trois jours par le biais de conférenciers prestigieux. Le thème est particulièrement délicat, tant les religions, comme le dit si bien le professeur Antoine Messarra, continuent à être mobilisatrices et à provoquer des passions. Au Liban particulièrement où l’on ne finit pas de vilipender le confessionnalisme tout en augmentant son emprise sur le paysage politique et social. C’est pourquoi le colloque du Cedroma, organisé en collaboration avec l’Ima, ne pouvait qu’être passionnant. D’autant qu’il a permis aux conférenciers, dont certains venus de France, de Tunisie, de Syrie, de Jordanie, d’Égypte et du Canada, de donner un aperçu d’expériences diversifiées, certains pays ayant un droit laïc, d’autres un droit religieux et d’autres, enfin, comme le Liban, ayant un mélange des deux, avec un partage parfois flou des domaines de chacun. C’est le recteur de l’USJ, le père Sélim Abou, qui a prononcé la première allocution, évoquant notamment la notion de droit naturel, qui est un concept philosophique plutôt que juridique. Il s’est ensuite demandé si le droit naturel est la source ultime des droits de l’homme, précisant qu’en principe la religion approfondit et enrichit ces droits en leur donnant une source transcendante. Citant Vaclav Havel (président de la République tchèque), il conclut : » Ce qui peut unir le plus solidement les hommes de cultures différentes, n’est-ce pas la racine commune de leurs spiritualités diverses, chacune n’étant qu’une variation de la manière dont nous appréhendons la même réalité» ? La première séance permet ensuite à M. Dalil Boubakeur, recteur de l’institut musulman de la mosquée de Paris, d’exposer la situation de l’islam en France, devenu la seconde religion du pays et appelé à exister dans un système laïc. « L’islam minoritaire en terre musulmane, dit-il, ne doit pas être vécu comme un exil pour les uns, ni un danger pour les autres». Mais c’est Mme France Drummond, professeur à la faculté de droit de l’USJ, qui dresse un tableau complet du rapport entre le droit et le fait religieux dans un système laïc. Dressant un rapide historique de la laïcité, elle reprend plusieurs arrêts de tribunaux français qui ont tenu compte de pratiques ou de normes religieuses. Dans ces conditions, le droit se soumet à la règle religieuse et perd ainsi sa neutralité. La seconde séance, présidée par le Pr Fayez Hajj-Chahine, directeur du Cedroma, qui s’est beaucoup démené pour la réussite de ce colloque, donne la parole à l’ancien ministre de la Justice Bahige Tabbarah et au Pr Antoine Messarra. M.Tabbarah analyse l’influence de la religion dans la législation libanaise. L’ancien ministre explique comment la physionomie libanaise est devenue un pluralisme législatif (ou même une véritable délégation de la souveraineté libanaise au profit des organes compétents de la communauté religieuse concernée) assorti d’un pluralisme juridictionnel. Il raconte ensuite la tentative avortée de l’ancien président de la République Élias Hraoui de faire adopter une loi instaurant le mariage civil facultatif. Étant à l’époque ministre de la Justice, il connaît tous les détails de cet épisode malheureux, qualifié par les uns d’occasion manquée et par les autres de danger écarté. Il conclut en reprenant une théorie de Philippe Rondot sur l’impossibilité de procéder au Liban à une réforme globale et qu’il vaut mieux agir par petites touches. Le Pr Antoine Messarra estime, lui, qu’entre la religion et le droit se profile un intrus redoutable, la politique qui, en essayant d’utiliser l’une et l’autre à des fins « plus que temporelles», dénature le système et fausse les données. M. Messarra reprend ainsi ce qui a été écrit dans les Évangiles sur le procès du Christ et qui illustre, selon lui, l’affrontement entre le droit et la religion, qui se termine par une mascarade judiciaire, le droit étant sauf. L’exemple est osé et l’auditoire en reste bouche bée. Finalement, pour lui, la fonction du droit est d’organiser la vie sociale, d’empêcher les abus de pouvoir et l’exploitation de la chose publique à des fins privées. Or, là où les dérapages sont les plus dangereux pour l’État de droit, c’est lorsque le politique et le religieux interfèrent. Selon lui, la gestion du pluralisme religieux implique la primauté du droit face à toute domination politique, par le canal des croyances et des clivages religieux. Mais aussi, il faut développer une culture juridique consensuelle. La séance de l’après-midi est consacrée au statut personnel et au droit des successions et dans la soirée ont été attribués le prix de thèse Émile Tyan et des médailles d’honneur à Zalfa el-Hassan, Samer Ghanem, Wadih Cortbawi et Georges Mallat , anciens de l’USJ ayant brillamment passé les examens à l’Institut d’études judiciaires de Beyrouth ou ceux du barreau de Beyrouth. Le colloque se poursuivra aujourd’hui et samedi.
«Droit et religion», deux concepts antinomiques, chacun voulant empiéter sur le domaine de l’autre ou, au contraire, complémentaires, la seconde étant généralement la principale source de l’autre ? La religion est-elle l’ennemie du droit fondé sur la laïcité ou, au contraire, peut-elle lui donner une dimension morale, voire spirituelle ? Autant de questions que le colloque...