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Actualités - CHRONOLOGIE

Philippines - Les 21 otages de Jolo se sentent perdus et abandonnés Les ravisseurs réclament une médiation internationale

Les hommes ont le visage mangé par une barbe de trois semaines, les femmes esquissent un sourire mais leurs yeux trahissent l’angoisse : les 21 otages détenus par des rebelles musulmans sur l’île de Jolo (sud) se sentent perdus et abandonnés au milieu de la jungle tropicale. Les rebelles musulmans de leur côté ne réclament pas de rançon mais exigent une médiation internationale pour leur libération, selon un manifeste de ce groupe. Assis en tailleur à deux pas de leurs ravisseurs, ou debout un peu à l’écart près des cocotiers ou des bananiers, les otages de Jolo racontent leur détresse et leur espoir, à l’exception de l’otage allemande Renate Wallert, à bout de forces. Seule, elle reste assise sur les marches de la hutte de bois et de bambou qui lui sert, provisoirement, de prison. Elle ne peut plus marcher, son visage trahit l’épuisement moral et physique. «Elle va beaucoup mieux maintenant», assure pourtant Werner Wallert, son mari, à quelques journalistes parvenus jusqu’à leur lieu de captivité. Marc, son fils, explique avoir demandé, en vain, à plusieurs reprises qu’elle soit libérée et soignée. «Ma mère ne peut pas bouger depuis plus d’une semaine. Il faut la porter. Elle marche dix pas, elle s’évanouit. Elle ne peut pas guérir ici», a-t-il raconté, les yeux au bord des larmes. Il a même tenté de quitter le camp en disant partir chercher du secours un jour de désespoir, a raconté Marie Moarbès, l’otage libanaise. «Mais ils nous ont prévenus, si quelqu’un quitte le camp, ils feront un exemple», selon cette jeune femme aux yeux noirs, qui soigne souvent ses ravisseurs parce qu’elle est secouriste. Plus loin, les deux otages français, Stéphane Loisy et Sonia Wendling, disent surtout leur colère contre leurs ravisseurs. «On n’imagine pas à quel point ces gens peuvent être insensibles», explique très vite Stéphane, dont la rancœur menace d’exploser à chaque phrase. «Ce que nous on peut endurer, ils n’en ont rien à foutre du moment qu’on a le cœur qui bat», lance-t-il écœuré. Sonia, sa compagne, assise à ses côtés, retient le pantalon trop grand qu’elle a pu récupérer pour remplacer la jupe d’été qu’elle portait le soir de son enlèvement. «À chaque fois que j’entends des coups de feu, ça me fait trembler», explique cette grande jeune femme qui raconte les jours de peur lorsque l’armée philippine a lancé à plusieurs reprises des opérations contre les rebelles. Ils ont alors tous marché pendant plus de 48 heures, de nuit comme de jour, avec de rares pauses là où la fatigue les arrêtait. «On marche la plupart du temps pieds nus», précise Marie. L’armée a cessé ses opérations et tous respirent, mais les tirs n’ont pas cessé pour autant. «Certains (des rebelles) jouent avec leurs armes, il y a parfois une balle perdue, ça les fait rire», raconte, désabusé, Stéphane. Quand ils ne marchent pas par des chaleurs de plus de 30 degrés et dans la moiteur de la jungle, ils ne font rien. «On n’a rien à faire de la journée. On se lève à cinq heures et après on attend le soir», explique Stéphane. Ils ne mangent que du riz, parfois une sardine à se partager à plusieurs, et ils boivent de l’eau qu’il leur faut aller chercher. Tous affirment n’avoir pas été maltraités, mais les femmes ont peur. Deux d’entre elles ont été importunées, l’une dans son sommeil et l’autre parce qu’elle se tenait à l’écart. «Ils sont assez gentils, mais leur âge mental ne dépasse pas les 12 ans», affirme Stéphane, très aigri après plus de trois semaines de captivité parmi les 21 otages. «Il y a des armes partout», renchérit Marie. Autour d’elle, des jeunes rebelles philippins, dont certains n’ont guère plus de 18 ans, écoutent étonnés une conversation qu’ils ne comprennent pas, le fusil mitrailleur M-16 en bandoulière. Mais surtout, c’est l’ignorance dans laquelle ils sont tenus qui les mine. «Quand ils décident de bouger, ils ne disent rien. On ne sait pas ce qui se passe, on est en dehors du temps», dit Marie. À ses côtés, Monique Styrdom, Sud-Africaine souriante et incroyablement pleine de vie ajoute : «Nous ne savons même pas ce qu’ils veulent». «Eux ils ont le temps, mais nous, chaque jour c’est un petit peu de mental qui s’en va», résume Marie. Les rebelles musulmans ne veulent pas de rançon mais réclament une médiation internationale pour la libération de leurs otages. Ces rebelles du groupe Abu Sayyaf «demandent aux Nations unies, à l’Organisation de la conférence islamique et à la République des Philippines de reconnaître le droit du peuple Bangalore (ethnie de Golo et des îles avoisinantes) à l’autodétermination et à un État islamique indépendant», selon ce texte. Une fois cette médiation internationale obtenue et reconnue par le groupe Abu Sayyaf, ces rebelles musulmans se disent prêts à libérer leurs 21 otages, qu’ils détiennent depuis le 23 avril, a affirmé à quelques journalistes l’un de leurs chefs, le commandant Nadjmi, dit «Global». Ce dernier et d’autres «commandants» rebelles ont assuré que ce rapt n’était pas motivé par de l’argent mais par des raisons politiques. «L’enlèvement de personnalités importantes est juste une de nos stratégies de guerre. C’est une chose mineure comparée à l’embargo économique et à l’oppression d’État», selon ce manifeste. Les enlèvements sont utilisés «comme un instrument pour affaiblir l’ennemi afin de le forcer à mettre un terme à la guerre par le biais d’un traité de paix», selon ce texte. Ces rebelles musulmans attendent de la communauté internationale une reconnaissance de leur combat pour l’indépendance et pour l’instauration d’un État islamique et attendent des Nations unies et de l’Union européenne qu’elles les aident à faire «triompher leur cause», selon le commandant Nadjmi.
Les hommes ont le visage mangé par une barbe de trois semaines, les femmes esquissent un sourire mais leurs yeux trahissent l’angoisse : les 21 otages détenus par des rebelles musulmans sur l’île de Jolo (sud) se sentent perdus et abandonnés au milieu de la jungle tropicale. Les rebelles musulmans de leur côté ne réclament pas de rançon mais exigent une médiation internationale pour...