Algérie Une folle rumeur sur des rapts d'enfants sème la psychose à Alger

Une folle rumeur sur des rapts d’enfants destinés à leur prélever les reins sème, depuis plusieurs jours, la psychose à Alger et dans des villes avoisinantes. La rumeur, qui a fait le tour d’Alger par le bouche à oreille, a été reprise dans certains journaux, amplifiant la crainte de la population. De nombreuses personnes interrogées ont avoué avoir seulement entendu parler de ces enlèvements, mais n’ont jamais approché un enfant victime d’un rapt ou un de ses proches. Jusqu’à présent, aucun enfant qui aurait subi cette ablation n’a été identifié. «J’ai entendu parler de cela, et je n’y ai pas cru. Mais maintenant que des journaux en parlent, ça m’inquiète. Depuis, j’accompagne ma petite-fille chaque matin à l’école et je l’attends à la sortie», explique Cheikh Seghir, un grand-père de 70 ans. Les récits sont presque toujours les mêmes: les enfants seraient enlevés par des ravisseurs circulant dans des fourgons, en général à la sortie de l’école. Âgés de 6 à 10 ans, ces enfants sont incapables de se défendre et faciles à tromper, selon des habitants qui ne savent plus s’ils doivent s’y fier. Sur le marché, des mères de famille en discutent, sans trop y croire. Mais elles pensent qu’il vaut mieux être prudent. «Ma fillette de huit ans refuse désormais de faire des courses en me répondant chaque fois “Tu veux qu’on m’enlève pour me prendre mon rein?”, et je ne trouve rien à opposer à cette argumentation», raconte en riant une mère de famille. De son côté, un chauffeur de taxi affirme que deux enfants ont été enlevés à Baïnem (20 km à l’ouest d’Alger). Des cas similaires sont rapportés par des habitants des Eucalyptus (banlieue sud-est d’Alger). Dans le quartier populaire d’Hussein-Dey, où plusieurs enlèvements auraient eu lieu, des écoliers donnent des détails très précis. Ils affirment que les enfants sont enlevés selon un même scénario : un fourgon de marque Mercedes vert ou bleu tourne dans les quartiers et enlève des enfants seuls. Après avoir subi l’ablation d’un rein, ils sont relâchés avec de l’argent en poche. Dans son édition du 11 mai, le journal l’Authentique a rapporté que deux écoliers avaient été enlevés le 7 mai à El-Harrach (banlieue-est) et Aïn Naadja (banlieue-sud). Cinq jours plus tôt, deux sœurs avaient été enlevées à la sortie de l’école à Bourouba (banlieue-sud), et quinze autres enfants à Blida (50 km au sud d’Alger), selon ce journal. Tous ces enfants auraient subi l’ablation d’un rein, puis relâchés non loin de leur domicile avec, en poche, entre 10 000 à 50 000 dinars (1 000 à 5 000 FF environ), selon L’Authentique, qui précise que cette situation a semé «la panique chez les parents qui ne savent plus à quel saint se vouer». Le rein est vendu en Algérie et à l’étranger, selon ce journal, qui estime que «les ravisseurs font vraisemblablement partie d’une bande qui s’est spécialisée dernièrement dans le vol d’organes humains». Le même jour, le quotidien gouvernemental El Moudjahid a dénoncé une «intox». «Après moult investigations, il s’est avéré qu’aucun danger ne menace l’enfant», a affirmé ce journal. «Qui profite de cette rumeur et pourquoi à ce moment précis où la population reprend espoir? Qui tire les ficelles?» s’est-il interrogé, faisant allusion à une amélioration relative de la sécurité en Algérie.