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Rencontre - Un dramaturge français aux "Ecrits nomades" Jean-Yves Picq : le but ultime de l'écriture théâtrale est d'arriver à l'anonymat(photo)
Par SIKIAS Natacha, le 17 mai 2000 à 00h00
Jean-Yves Picq n’a été acteur et metteur en scène qu’«à cause de l’écriture», qui est toujours passée en première place. Aujourd’hui, il s’y consacre entièrement et aborde, dans ses œuvres toujours théâtrales, des questions contemporaines. Auteur d’une vingtaine de textes – dont une douzaine déjà publiés –, il essaye en ce moment de changer de ton, d’aller voir un peu du côté du rire, «lieu de la gravité». Depuis 1993, année où est publié Le cas de Gaspard Meyer, Jean-Yves Picq s’intéresse au champ de l’économie. «À l’époque, c’était très tôt, souligne-t-il. Mais je pressentais que l’économique allait devenir le champ de bataille, presque shakespearien, du monde». Le reste, les rapports passionnels entre les gens, l’intéresse de moins en moins. Ce qu’il cherche, c’est essayer de comprendre «les répercussions de décisions publiques dans l’ordre du privé», dit-il. Pour lui, «dans toute écriture sur du public qui ne fait pas référence aux conséquences dans le privé, il manque quelque chose. Et vice versa». C’est donc sur ce rapport-là qu’il se concentre désormais. Pour Jean-Yves Picq, «sur cette planète, nous souffrons tous, en gros, d’une sorte de sida économique». Reste à savoir comment développer cette idée au théâtre. Après des textes assez violents, comme Le cas de Gaspard Meyer puis Conte de la neige noire ou de la démolition comme art et comme projet, le dramaturge décide de changer sa manière d’écrire. «Quand on apprend qu’on a le sida – qu’il soit économique ou autre –, il y a un moment très compliqué à vivre, une période noire à traverser», explique-t-il. «Mais après avoir ajouté du noir au noir, j’ai voulu essayer de trouver des résolutions burlesques dans l’écriture. Approcher du rire, mais non pas du ricanement, qui me déplaît, précise-t-il. Je crois vraiment que le rire est le lieu de la gravité». En France, en ce moment, plusieurs pièces de Jean-Yves Picq sont créées, où il tente «d’être ailleurs que dans le lyrique». notamment Positivement vôtre et Babel : Ouest, Est et centre. S’immerger comme un hippopotame Les frontières, thématique des Écrits nomades, intéresse beaucoup le dramaturge français. «Je trouve que le Liban est le juste lieu pour cela», dit-il. Il se refuse à tirer des conclusions ou une quelconque explication à ce qu’il découvre. «Pour l’instant, je m’immerge comme un hippopotame, affirme-t-il. Il n’y a plus que les yeux qui dépassent, éventuellement les oreilles». Jean-Yves Picq a collaboré avec de nombreux théâtres, dont le TNP-Villeurbanne, Le Théâtre des ateliers, L’Attroupement, Les Athévains et l’E.C.T.Chantal Morel. De cette riche expérience, il ressort avec la profonde conviction que «le théâtre n’est pas une espèce de messe culturelle ; il a, par vocation, une dimension de proximité». Selon lui, le travail théâtral est à 50 %, celui de l’auteur, du metteur en scène et des acteurs et à 50 % celui du public. «Ce qui est évoqué sur le plateau n’est pas en destination du public mais en collaboration avec le public», insiste-t-il. «Le public est une puissance atomique d’émotion. Là, il y a toujours quelqu’un qui aura été mille fois plus loin que l’auteur, le metteur en scène ou l’acteur, dans la douleur, dans la perte, dans l’amour ou dans la joie, dit-il. Il ne s’agit pas d’être à la hauteur de cela, mais d’en parler le plus justement possible». Jusqu’en 1980, Jean-Yves Picq avait sa compagnie et montait ses propres pièces. Aujourd’hui, il n’intervient plus dans la mise en scène de ses œuvres. «Je respecte beaucoup la liberté de l’autre, même si, de temps en temps, il y a des malentendus ou des contresens, dit-il. C’est la loi du genre». Et il va encore plus loin : pour lui, le but ultime de l’écriture théâtrale serait d’arriver à l’anonymat. «Lorsqu’un texte est repris, cela signifie qu’il correspond à quelque chose de très profond», note-t-il. Et finalement, n’est-ce pas cela l’essentiel ? «Pour moi, la plus belle chanson de la langue française est À la claire fontaine, conclut le dramaturge. Qui a besoin de savoir qui l’a composée ?».
Jean-Yves Picq n’a été acteur et metteur en scène qu’«à cause de l’écriture», qui est toujours passée en première place. Aujourd’hui, il s’y consacre entièrement et aborde, dans ses œuvres toujours théâtrales, des questions contemporaines. Auteur d’une vingtaine de textes – dont une douzaine déjà publiés –, il essaye en ce moment de changer de ton, d’aller voir...
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