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Actualités - CHRONOLOGIE

Patrimoine - Entre Canaéens et Hébreux, plus d'une analogie Les phéniciens, du panthéon au dieu unique (photos)

Inventeurs et propagateurs de l’alphabet, habiles marchands et audacieux navigateurs, fiers adversaires des Romains dans les guerres puniques pour la domination de la Méditerranée, portant leur offensive jusqu’au pied des murailles de Rome, les Phéniciens sont un peuple relativement proche du peuple hébreu. Leurs langues respectives appartiennent à un groupe linguistique unique, celui appelé «cananéen», des «langues sémitiques occidentales» : le phénicien est plus voisin de l’hébraïque que ne le fut l’araméen parlé par Jésus. Il est souvent facile de reconnaître l’hébraïque dans le terme phénicien correspondant. Étant donné ce grand rapprochement, la religion des Phéniciens peut-elle donc nous aider à comprendre la religion des Hébreux, ce monothéisme qui a fini par s’imposer au monde ? L’impression qui s’en dégage, basée sur une connaissance sommaire de la religion phénicienne, du reste mal connue des spécialistes eux-mêmes, fait ressortir clairement quelques points de contact, ou des analogies. Le culte monothéiste de El chez les Phéniciens, et de El-Yahvé chez les Hébreux, apparaît comme le fruit d’une «révélation» faite à Moïse chez ces derniers, alors que pour les Cananéens, elle est le fruit d’un développement naturel de conceptions religieuses antérieures et environnantes : au moins dans le sens qui est conçu, voulu et imposé par des personnalités particulières, ou des groupes restreints de tradition sédentaire parfois en contradiction avec le penchant commun du peuple. Alors que la religion de Yahvé a des caractéristiques réalistes, concrètes et terrestres qui appartiennent au fond de la religiosité sémitique nomade dont faisaient partie les Hébreux. Le terme qui exprime ce que nous appelons «religion», par exemple, fait défaut dans la langue hébraïque comme dans la phénicienne, ce qui revient à dire en définitive qu’il manquait, chez les deux peuples, une vraie distinction entre le phénomène religieux et les autres aspects de l’expérience humaine. D’autres analogies nous frappent, comme l’étroite connexion qui s’établit de diverses façons entre la divinité et la royauté ou l’absence du demi-dieu phénicien Melqart dans les sanctuaires ou de toute représentation divine dans le temple de Jérusalem ; on peut également citer le caractère écrit, et non oral, de la mythologie phénicienne, conservée dans les archives des temples et utilisée pour le culte ; la non-distinction, et donc à plus forte raison l’inséparabilité entre «l’âme» et «le corps» ; ou disons-le, la résurrection des corps, l’absence probable d’un culte des morts et des spéculations sur la vie d’outre-tombe, le rôle important de la divination, des oracles, des conjurations contres les puissances des ténèbres qui menacent la vie des hommes. Par contre, la fluidité des êtres du panthéon phénicien, ou plutôt des panthéons de différentes Cités-États phéniciennes, s’éloigne notamment de la forte consistance et de la définition précise de l’unique Dieu des Hébreux, qui se révèle à son peuple et se lie à lui dans un pacte d’alliance. Les dieux, pour ainsi dire, vivent dans l’histoire une vie de plusieurs millénaires, se transformant continuellement. Leurs noms communs deviennent des noms propres. (Baal, «seigneur», nom adjectif d’un dieu, est par la suite le titre d’une personnalité distinguée, surhumaine : les Baal, dont l’obscure Baal Zebul, «Baal le Prince», qui devient dans les Évangiles Beelzebul le prince des démons, et même, par mépris, Baal Zebub, «Prince des Mouches»). Êtres célestes et divinités astrales, qui à l’origine étaient peut-être des souverains divinisés, assument le rôle d’inventeurs ou de protecteurs de diverses activités humaines. Quelquefois les noms persistent, tandis que les fonctions et les significations changent profondément avec le changement des circonstances ; d’autres fois, ce sont les noms qui changent, et les fonctions et les significations qui demeurent. Des divinités sont élevées, des dieux émigrent et des dieux sont importés. Le jeu des identifications est continu. La Baalat de Byblos est la Isis-Hathor égyptienne, El est le Râ égyptien, Baal est Zeus, Melqart est Héraclès, Eshmoun est Asclépios, Reshef est Apollon. (Le monothéisme s’est mué en polythéisme). Plus qu’un panthéon, ce sont des labyrinthes où il semble qu’on touche le grouillement chaotique d’un fond initial, où naissaient les dieux et leurs noms, en même temps que les objets et leurs noms, où les dieux étaient la réalité, les objets eux-mêmes. Enfin, une présence importante et inquiétante dans la vie religieuse phénicienne est celle des divinités qui meurent et retournent ensuite à la vie : Melqart, Eshmoun, et le plus célèbre de tous, Adonis le jeune chasseur d’une beauté remarquable, tué par un sanglier et pleuré chaque année dans des rituels de deuil, au cours desquels il retournait à la vie et restait immortel. Les morts et résurrections divines chez les Phéniciens ne semblent pas reproduire seulement, comme d’autres analogies, le modèle cyclique des renaissances saisonnières de la végétation, mais semblent plutôt liées à la divinisation des ancêtres défunts. Ce retour à la vie des divinités mortes régi, en partie au moins, par la succession fatale des rythmes cosmiques, nous apparaît ainsi moins lointain de la mort et de la résurrection de Jésus, l’homme-Dieu, en qui la foi est justement née parmi les cousins hébreux, dans la terre voisine hébraïque.
Inventeurs et propagateurs de l’alphabet, habiles marchands et audacieux navigateurs, fiers adversaires des Romains dans les guerres puniques pour la domination de la Méditerranée, portant leur offensive jusqu’au pied des murailles de Rome, les Phéniciens sont un peuple relativement proche du peuple hébreu. Leurs langues respectives appartiennent à un groupe linguistique unique, celui...