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Monastères du Liban - Entouré de cyprès, dans un paysage enchanteur L'évêché maronite de Beiteddine logé dans la résidence familiale de l'émir Bachir (photos)
Par FARCHAKH Joanne, le 28 avril 2000 à 00h00
Dans l’histoire du Liban, le nom de Beiteddine est souvent associé à celui de l’émir Bachir II. Il gouvernait le pays à partir de cette localité. Il y a fait construire de multiples monuments. Nombreux sont les palais qui témoignent encore de sa passion pour l’architecture. Le plus célèbre est son palais principal, celui de son gouvernement, édifié sur la place de Beiteddine. Ce palais a d’ailleurs pris le nom du village. Mais au-dessus de ce magnifique édifice se dresse un autre bâtiment, beaucoup plus modeste : celui de la résidence familiale de l’émir. Bien dissimulé par les cyprès, il a été transformé au siècle dernier en palais épiscopal maronite. «En 1828, l’émir a fait construire cette résidence pour venir s’y reposer en compagnie de sa famille. C’était son havre de paix», explique l’évêque maronite de Saïda, Antonios el-Khoury, qui réside actuellement dans ce bâtiment, devenu siège de l’évêché maronite. «Autoritaire et très méfiant, Bachir II désirait sauvegarder la paix dans sa famille en premier lieu, puis dans le pays. Ainsi, il surveillait de la fenêtre, de sa chambre et de son salon privé, les demeures de ses fils ainsi que les allées et venues dans son propre palais principal», affirme l’évêque qui montre du doigt, à travers l’une des fenêtres du palais, les résidences des trois fils de l’émir. «La caserne actuelle, indique Mgr Khoury, était le palais de son fils Kassem, alors que son deuxième fils Khalil séjournait au siège du caïmacamat et l’émir Amin avait le palais qui a pris son nom et qui a été transformé dans les années soixante en hôtel». Dans son modeste palais, l’émir séjournait avec sa seconde épouse, une Tcherkesse christianisée, et ses deux filles Saada et Sououd. Leurs chambres respectives portent toujours les noms de leurs occupants du siècle dernier. «La petite salle rectangulaire à proximité de l’église est celle de “set” Saada, la fille préférée de l’émir, précise l’évêque maronite. Actuellement, le diacre y séjourne». Quant à la chambre de l’émir, elle est occupée aujourd’hui par l’évêque. En 1863, Mgr Boutros el-Boustany a acheté, à la deuxième épouse de l’émir, la résidence familiale et le palais de son fils Amin. Il les a ainsi transformés en une résidence estivale pour l’évêché maronite de Tyr et de Sidon dont l’évêque était un vicaire patriarcal. Il est important de préciser qu’au siècle dernier le diocèse de Sidon et de Tyr s’étendait jusqu’en Égypte, englobant ainsi les Terres saintes. Mais en 1906, une nouvelle délimitation fut faite. Désormais, l’évêché de Saïda comptait dans son diocèse la ville de Saïda, une grande partie de la Békaa, le Chouf et même un village de Aley. Dans les années soixante, l’évêché a vendu le palais de l’émir Amine au ministère du Tourisme qui l’a transformé en hôtel luxueux. Une architecture à la hauteur de l’émir L’architecture du palais répondait aux goûts de l’émir, réputé pour son amour pour l’eau courante. Ainsi, et sur ordre de l’émir, l’eau a été conduite de Nabeh el-Safa jusqu’au palais de l’émir, sur une distance de 16 kilomètres. Le canal fait le tour du monument de forme rectangulaire et l’on dit même que dans la cour intérieure des mares et des norias créaient un climat enchanteur. Malheureusement, de tout ce décor merveilleux il ne reste plus aujourd’hui que le canal où l’eau continue de couler lentement. L’évêque Boutros el-Boustany a fait démolir toutes ces installations. «Il ne voulait pas séjourner dans ce palais en prince mais en modeste homme du clergé et il aimait répéter qu’il vaut mieux planter des oignons et de l’ail dans cette cour intérieure à la place des mares», raconte Mgr Khoury. Mgr Boustany voulait même détruire le portique qui était, à son goût, trop voyant. Mais heureusement, et pour une raison encore inconnue, ce beau monument de forme baroque a été épargné. Actuellement, il trône encore à l’entrée du siège de l’évêché au-dessus d’une dizaine de marches d’un escalier demi-circulaire. Au début de ce siècle, Mgr Augustin Boustany a été nommé évêque de Sidon et de Tyr. Une nouvelle ère de construction a commencé au niveau de ce monument. Un deuxième étage, couvert de tuiles rouges, a été érigé, modifiant ainsi l’architecture du bâtiment qui était jusqu’à cette époque en terrasse. La chapelle, qui se situait dans une petite chambre au rez-de-chaussée, a été remplacée par une nouvelle. Toutefois, ce changement ne s’est pas seulement effectué au niveau des locaux. Même le saint patron de l’évêché a été changé. «Au XIXe siècle, saint Chalita, qui signifie gouverneur, était le patron de l’évêché. La nouvelle église est dédiée à la Sainte Vierge. C’est celle de Notre-Dame du Salut», explique Mgr Khoury. La nouvelle église mélange dans son architecture plusieurs styles. Les contreforts et les arcs ogivaux soulignent une petite tendance vers l’art gothique. Mais la toiture de l’église est en terrasse et décorée à l’intérieur par des caissons en plâtre ornés de motifs floraux. Elle rappelle la décoration des églises du début du siècle. Quelques colonnes, aux chapiteaux corinthiens, sont encastrées dans les murs. La façade de l’église est décorée de pierres rouges rappelant le granite. Le mur nord de l’église est ombragé par les cèdres du jardin de l’émir qui s’étend sur quelques centaines de mètres. La hauteur des arbres atteint actuellement plus de dix mètres. Ils sont plantés sur des terrasses. Sur chaque terrasse, une espèce particulière est plantée. Leur odeur caractéristique embaume les lieux. Durant la guerre libanaise, le siège de l’évêché a surtout souffert du pillage de la bibliothèque. Tous les manuscrits de Mgr Boustany ont été volés. Certes, c’est une perte pour l’histoire car l’évêque avait maintenu, plusieurs décennies durant, une correspondance avec le Vatican et il expliquait dans ses lettres l’état des lieux dans la montagne libanaise. Aujourd’hui, l’évêché tente de remplacer l’ancienne bibliothèque par une nouvelle, mais le projet en est encore à ses premiers balbutiements. Ce palais épiscopal, classé sur la liste des monuments historiques du Liban, ouvre ses portes aux visiteurs qui demeurent encore peu nombreux. Le retour des déplacés est encore timide. Mais le soleil de l’été et le beau temps de la montagne auront certainement raison des réticences des visiteurs.
Dans l’histoire du Liban, le nom de Beiteddine est souvent associé à celui de l’émir Bachir II. Il gouvernait le pays à partir de cette localité. Il y a fait construire de multiples monuments. Nombreux sont les palais qui témoignent encore de sa passion pour l’architecture. Le plus célèbre est son palais principal, celui de son gouvernement, édifié sur la place de Beiteddine. Ce palais a d’ailleurs pris le nom du village. Mais au-dessus de ce magnifique édifice se dresse un autre bâtiment, beaucoup plus modeste : celui de la résidence familiale de l’émir. Bien dissimulé par les cyprès, il a été transformé au siècle dernier en palais épiscopal maronite. «En 1828, l’émir a fait construire cette résidence pour venir s’y reposer en compagnie de sa famille. C’était son havre de paix», explique...