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Casques Bleus, déminage, négociations multilatérales Au Proche-Orient, une politique étrangère parallèle mais efficace
Par N. G., le 13 avril 2000 à 00h00
Lorsque vous dites à un responsable canadien que la politique de son pays au Proche-Orient manque de «punch», que très peu de personnes connaissent avec précision le point de vue d’Ottawa sur le processus de paix, qu’il est rarissime de lire dans la presse une déclaration officielle sur la politique du Canada par rapport à tel ou tel autre aspect du conflit israélo-arabe, il réagit avec vivacité et s’emploie à démontrer que le gouvernement fédéral est activement présent sur la scène régionale. Pour Andrew Robinson, coordinateur spécial pour le processus de paix, les Canadiens s’abstiennent délibérément de traiter de l’aspect politique des négociations pour des raisons d’efficacité. Conscients qu’ils évoluent au milieu d’inextricables contradictions, ils estiment qu’il ne servirait à rien de les alimenter en y ajoutant une nouvelle prise de position dont l’expérience a maintes fois prouvé la stérilité. Ils savent en outre qu’il n’y a pas lieu de piétiner les plates-bandes des États-Unis dans ce domaine et laissent volontiers à Washington le soin de se dépêtrer de l’embrouillamini politique israélo-arabe. «Le Canada est une société plurielle qui abrite plus de 700 000 immigrants originaires du Moyen-Orient, nous entretenons de solides relations économiques avec plusieurs pays de la région, alors vous pensez bien que leurs problèmes nous intéressent», affirme pour sa part Donald Sinclair, directeur de la division Moyen-Orient au ministère des Affaires étrangères. «Notre pays tient par conséquent à élargir son rayon d’action en dehors du continent américain et à jouer un rôle actif sur la scène internationale», ajoute-t-il. Effectivement, c’est en listant la longue série des interventions et contributions canadiennes que l’on réalise au bout du compte le haut degré d’engagement d’Ottawa dans le processus de paix. Un engagement qui pourrait sans doute paraître marginal au regard des tractations traditionnelles et de leur cortège d’espoirs et de déceptions, mais qui se révèle essentiel dans la construction patiente d’une paix durable. La politique étrangère canadienne au Proche-Orient, telle que développée par le chef de la diplomatie Lloyd Axworthy à L’Orient-Le Jour, s’articule autour de quatre thèmes essentiels : 1– Les Casques Bleus de l’Onu. Une pure invention canadienne érigée en doctrine d’État. C’est à la suite de la campagne de Suez, en 1956, que le concept de forces onusiennes de paix a été imaginé par Lester Pearson, à l’époque ministre des Affaires étrangères. Cette idée devait valoir à cet homme épris de paix, qui allait par la suite devenir Premier ministre du Canada, le prix Nobel de la paix un an plus tard. Aujourd’hui les Casques bleus sont devenus une composante essentielle des Nations unies et leur intervention s’effectue dans toutes les zones de conflit, qui font l’objet d’un accord au Conseil de sécurité. Dans tous les cas de figure, le Canada participe à leur mise en place, soit en fournissant le matériel et une partie de leurs effectifs, soit en assurant sa quote-part dans leur financement. 2 – Les mines antipersonnel. Une véritable croisade est menée par le gouvernement d’Ottawa contre ces armes de destruction qui souvent, bien des années après la fin d’un conflit, continuent à faire des victimes parmi la population civile. Initiateur du Traité de non-prolifération des mines antipersonnel, le Canada poursuit une offensive diplomatique sans relâche pour obtenir leur bannissement, en interdisant leur utilisation par les militaires et surtout leur production. Corollaire logique de cette campagne, le gouvernement canadien propose ses compétences en matière de déminage. 3 – Les négociations multilatérales. Bien que conscients que celles-ci ne connaîtront de véritable démarrage qu’après la signature d’un accord global de paix au Proche-Orient, les Canadiens participent activement à leur déroulement. Ils portent un intérêt particulier aux volets suivants : contrôle des armements, environnement, négociations sur le partage de l’eau et sécurité maritime. 4 – L’aide aux réfugiés palestiniens. Celle-ci se fait dans le cadre de l’Unrwa. Le gouvernement d’Ottawa reconnaît qu’elle est insuffisante, mais souligne que la contribution canadienne est substantielle. On a en outre souvent tendance à croire que le Canada calque sa politique étrangère sur celle des États-Unis. En fait, les points de divergences avec le puissant voisin du Sud ne sont pas négligeables : l Les Canadiens ont toujours refusé de vendre des armes à Israël et entendent maintenir cette politique tant que l’État hébreu reste en conflit avec son environnement. l Le gouvernement d’Ottawa est vigoureusement opposé à l’embargo décrété par les États-Unis contre Cuba. Il maintient des relations cordiales avec La Havane et estime que l’embargo fait souffrir la population civile sans pour autant permettre d’obtenir les résultats escomptés de la part du régime de Fidel Castro. l Le Canada et les États-Unis s’opposent enfin sur l’interdiction des mines antipersonnel, Washington refusant de signer le traité sous prétexte de protéger ses troupes déployées à l’étranger, notamment en Corée du Sud. Autant d’arguments qui font dire aux responsables rencontrés que le Canada «n’est pas et ne sera pas le cheval de Troie de la politique étrangère des États-Unis».
Lorsque vous dites à un responsable canadien que la politique de son pays au Proche-Orient manque de «punch», que très peu de personnes connaissent avec précision le point de vue d’Ottawa sur le processus de paix, qu’il est rarissime de lire dans la presse une déclaration officielle sur la politique du Canada par rapport à tel ou tel autre aspect du conflit israélo-arabe, il réagit avec vivacité et s’emploie à démontrer que le gouvernement fédéral est activement présent sur la scène régionale. Pour Andrew Robinson, coordinateur spécial pour le processus de paix, les Canadiens s’abstiennent délibérément de traiter de l’aspect politique des négociations pour des raisons d’efficacité. Conscients qu’ils évoluent au milieu d’inextricables contradictions, ils estiment qu’il ne servirait à rien de les...
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