Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGES

Patrimoine - Les paysans élargissent la route de la Vallée sainte Le site du patrimoine mondial de la Qadicha menacé(photos)

Les campagnes électorales, les petits restaurants et le manque de communication ont failli briser l’harmonie de la vallée de la Qadicha, inscrite l’année dernière par l’Unesco sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité. Il y a quelques jours, des agriculteurs originaires de la petite localité de Qannoubine ont tenté d’élargir la route traversant la vallée à l’aide d’un bulldozer fourni par un leader de Bécharré. Le vacarme assourdissant de l’engin a remplacé ainsi le chant des oiseaux et le ruissellement de l’eau dans cette réserve naturelle et culturelle, ce qui a alerté les gardes-champêtres. Dépêchés sur les lieux, ces derniers ont tenté d’arrêter les travaux. Peine perdue, les agriculteurs assuraient avoir obtenu l’autorisation orale du caïmacam pour aménager la route. Ils croyaient avoir l’appui des autorités politiques locales, car les 80 heures de travail sur le bulldozer, nécessaires pour aménager la route, ont été financées par un responsable politique de Bécharré. Face à «l’offensive» des agriculteurs, la Communauté pour la sauvegarde de la Qadisha et les municipalités des villages situés sur le pourtour de la vallée sont très vite intervenus. Des gendarmes ont été dépêchés sur les lieux et, heureusement, les travaux ont été suspendus, ce qui a permis de limiter les dégâts. Car, dans quelques endroits, la route a été élargie jusqu’à 7 mètres ! Riad Keyrouz, secrétaire de la communauté, a déjà adressé une lettre au ministre de l’Environnement, lui demandant d’agir rapidement et d’envoyer une équipe pour établir un rapport des dommages causés. «Les agriculteurs ont violé les lois, souligne M. Kayrouz. La route est un bien public et avant de procéder aux travaux, il fallait demander l’autorisation du ministre des Travaux publics. Ce dernier aurait dépêché des topographes pour délimiter la route et éviter ainsi que soient violées des propriétés privées», poursuit-il. Les «fauteurs de troubles» savent tout cela, mais ils ne se sentent pas concernés par les projets de développement envisagés pour la vallée. «En quoi le classement de la Qadisha peut me servir, moi pauvre agriculteur, ne pouvant accéder à mes terres qu’à dos d’âne ?», s’exclame un quinquagénaire moustachu, tenant une pelle. Et un autre d’affirmer : «De tout temps, nous avons été oubliés, rejetés. Tout le monde fait des projets pour la vallée et nous ne sommes pas concernés, alors que nous sommes les seuls Libanais à avoir le nom de la Vallée sainte inscrit sur nos cartes d’identité». Il est important de souligner que la majorité de ces agriculteurs ont abandonné leurs maisons dans la vallée. Or, étant métayers du patriarcat maronite, ils perdent leurs droits sur leurs terrains dès lors qu’ils abandonnent leurs maisons. Manque d’information Toutefois, même vivant en dehors de la vallée, ils demeurent ceux qui la connaissent le mieux. Enfants, ils l’ont parcourue de long en large. Ils ont travaillé la terre, connaissent toutes ses grottes et ses arbres. Ils n’ont cependant pas conscience de son importance. Pour eux, les chapelles rupestres de la Qadisha sont les terrains de jeu de leur enfance et non des monuments historiques garants de la mémoire du Liban. Certes, la Communauté pour la sauvegarde de la Qadisha a organisé des séries de conférences dans les villages pour sensibiliser les habitants. Mais ces conférences étaient-elles du niveau culturel des habitants ? Force est de relever, en tout état de cause, que la population n’est pas très informée sur l’importance de la vallée. En conséquence, elle risque d’être facilement manipulée. On peut se demander si l’idée d’aménager la route, au début du printemps, a été «soufflée» par une quelconque partie ? Il semblerait que les premiers concernés par le projet sont les propriétaires des deux restaurants, illégaux, situés dans la vallée. Il est important de préciser que la largeur de la route de la Qadisha ne dépassait pas les deux mètres et n’était praticable qu’en 4X4. Mais les restaurateurs sont convaincus que les touristes vont affluer par milliers si la route traverse la vallée. Ce rêve de certains est le cauchemar des membres de la communauté pour la conservation et de toute personne vouée à la conservation du patrimoine. «Il faut protéger la vallée, assurer son développement culturel, souligne M. Alexi Moukarzel, président de la communauté pour la sauvegarde de la vallée. Des études sont élaborées dans ce sens pour développer l’agriculture, traiter les eaux usées des villages qui se déversent dans la Qadisha et amener les habitants à ne plus y jeter leurs ordures ménagères, explique M. Moukarzel. Toutefois, il est très important que l’entente continue à régner entre les villageois et la communauté. Nous devons être dans la même tranchée afin que le travail aboutisse, poursuit-il. «Il faut aménager la vallée pour recevoir des touristes et les pèlerins en visite. Mais cela doit se passer suivant des plans d’aménagement étudiés pour que les lieux conservent leur authenticité et que l’environnement ne soit pas en danger, affirme M Moukarzel. Ainsi, les maisons de la vallée seront transformées en gîtes ruraux. Ce qui assurera aux habitants un certain revenu et permet la continuité de la vie dans la vallée». Les agriculteurs aussi doivent participer activement à certains de ces projets pour un développement durable de la Qadisha. Des projets d’agriculture biologique sont à l’étude. Ces projets semblent attrayants. Mais le développement durable de la vallée doit concerner en premier lieu le facteur humain. La faune et la flore doivent venir dans un second temps. Car c’est l’homme qui modifie l’environnement à sa guise ou le préserve quand il est convaincu de son importance. Et si la vallée appartient désormais au patrimoine de l’humanité, il n’en reste pas moins que des gens y vivent. C’est en les initiant à l’importance de sa sauvegarde pour les générations à venir que l’on assure sa conservation.
Les campagnes électorales, les petits restaurants et le manque de communication ont failli briser l’harmonie de la vallée de la Qadicha, inscrite l’année dernière par l’Unesco sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité. Il y a quelques jours, des agriculteurs originaires de la petite localité de Qannoubine ont tenté d’élargir la route traversant la vallée à l’aide d’un bulldozer fourni par un leader de Bécharré. Le vacarme assourdissant de l’engin a remplacé ainsi le chant des oiseaux et le ruissellement de l’eau dans cette réserve naturelle et culturelle, ce qui a alerté les gardes-champêtres. Dépêchés sur les lieux, ces derniers ont tenté d’arrêter les travaux. Peine perdue, les agriculteurs assuraient avoir obtenu l’autorisation orale du caïmacam pour aménager la route. Ils croyaient...