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Beyrouth-UE - A la recherche d'un rôle plus important au Proche-Orient I - Les Quinze attendent la paix et, au Liban, la réforme fiscale(photo)
Par BARAKEH Roger, le 05 avril 2000 à 00h00
Dans le cadre d’une tournée au Proche-Orient, le Commissaire européen aux relations extérieures, Chris Patten, effectuera une visite au Liban le 7 avril. Il aura une série d’entretiens avec le président Émile Lahoud, le Premier ministre et ministre des Affaires étrangères Sélim Hoss, le ministre des Finances Georges Corm, le ministre de l’Économie et de l’Industrie Nasser Saïdi ainsi qu’avec de hauts responsables du palais Bustros. L’ex-gouverneur de Hong Kong sera accompagné de l’Espagnol Tomas Dupla Del Moral, chef de l’unité Mashrek et Israël à la direction générale des relations extérieures de la Commission européenne. La tournée régionale de M. Patten, et plus particulièrement sa visite au Liban, intervient à un moment où les relations entre l’UE et le Liban ainsi que le rôle de l’UE au Moyen-Orient traversent une phase cruciale. Longtemps confinée dans son effort de construction communautaire, l’Union européenne a tardé à exercer un rôle sur le plan des relations extérieures. Dans ce contexte, l’action de l’UE sur la scène proche-orientale reste, pour l’heure, limitée, les États-Unis, première puissance économique et militaire de la planète, se taillant la part du lion dans ce domaine. L’UE est handicapée par sa jeunesse et sa structure. Si le Traité de Paris, qui, en 1951, a lancé la Communauté européenne pour le charbon et l’acier, a posé la première pierre de la construction communautaire européenne, il a fallu attendre 1992 et le Traité de Maastricht pour que l’Union européenne voit le jour. Avec le Traité d’Amsterdam en 1999, l’UE est réellement devenue un vaste ensemble politique et économique partageant des lois, une monnaie, une citoyenneté, une politique étrangère et un marché communs. À cette jeunesse, vient s’ajouter une structure politique réunissant quinze pays, onze langues et des institutions assez complexes pour se conformer au principe de «subsidiarité». Le pouvoir des Quinze est partagé par le Parlement européen, la Commission et le Conseil de l’UE, mieux connu sous le nom de Conseil des ministres. Comparée aux États-Unis, fondés il y a deux siècles et façonnés par une guerre de Sécession et plusieurs conflits mondiaux, l’UE est donc une puissance politique récente, voire en cours de formation, bien que, de par sa puissance économique, elle occupe la deuxième place mondiale. Après la chute du Mur de Berlin et le dégel du glacis soviétique en Europe de l’Est, le désir d’ouverture vers l’extérieur s’est concrétisé. Surtout que, depuis le Traité de Maastricht, l’UE s’est efforcée de repousser les critiques des pays sud de la Méditerranée, lui reprochant de créer une «forteresse» politico-économique fermée au monde extérieur. C’était le point de départ de la conférence et du processus de Barcelone (novembre 1995), qui a conduit l’UE et ses partenaires méditerranéens à signer la Convention de partenariat euro-méditerranéen (voir par ailleurs). Reflétant une politique européenne forte, tournée vers le Sud, la Convention de Barcelone a débouché sur un accord de partenariat renfermant trois volets principaux : économique et financier, politique, sécuritaire et social, culturel et humain. Le partenariat a été doublé d’un instrument financier important qu’est le programme Meda. De l’aveu d’un fonctionnaire européen, le système de partenariat a connu des débuts difficiles : «Des pressions ont été exercées tant de la part des pays membres que des pays partenaires et retardent la mise en place du processus de Barcelone», affirme Martin Dawson de la Commission des relations extérieures. Il faut comprendre que les pays membres n’ont pas tous les mêmes rapports stratégiques avec leurs partenaires méditerranéens. Si la France entretient des rapports historiques et privilégiés avec le Liban par exemple, la Finlande ou le Danemark ont du mal à convaincre leurs contribuables d’investir dans des projets onéreux concernant des pays lointains. Par ailleurs, les pays partenaires, pour leur majorité arabes, ne peuvent pas, pour des raisons diverses, appliquer rapidement les clauses de la Convention de Barcelone. Handicapé par une économie en récession et une période d’instabilité après la guerre civile, le Liban n’a pas signé, jusqu’à présent, l’accord dit d’Association le liant à l’Union européenne, se privant du coup des aides allouées par Meda et non encore débloquées. Par ailleurs, la lenteur du processus de paix israélo-arabe gèle pour l’instant la ratification des accords avec les pays du Levant. Malgré tout cela, les fonds destinés à la région ont triplé entre 1995 et 1999, pour s’élever à 4,7 milliards d’euros, dont 3,4 milliards pour le programme Meda. M. Dawson affirme que, pour ce qui est du programme Meda 1, 100 % des fonds sont déjà alloués et presque le quart (26 %) a été payé seulement. «Pour les 74 % restants, on attend le moment opportun» ajoutait-il. À savoir la mise en place des critères définis par les accords d’Association : levée des barrières douanières, assainissement des finances publiques, etc. Pour le cas du Liban, M. Dawson affirme que les projets ont tardé à être définis. Il a par ailleurs noté que les critères d’allocation des fonds sont définis par les besoins des pays et leurs capacités d’absorption. Force est donc de comprendre que la Commission européenne peine à traiter avec les autorités libanaises sur les questions économiques et sociales et qu’elle préfère attendre la prochaine réforme fiscale et l’aboutissement du processus de paix pour s’engager plus concrètement. La situation actuelle représente en effet un risque important, et le facteur d’instabilité régional ainsi que les perspectives syriennes poussent la commission dans le sens de la modération et de l’attente. Pour ce qui est du programme Meda 2 (2000-2010), M. Dawson explique qu’il n’y a pas encore de chiffres, tant la crise aux Balkans coûte cher à l’UE et alourdit les comptes d’une commission de plus en plus surveillée par le Parlement après le départ presque forcé de l’équipe Santer, dont le commissaire Cresson a été accusé de népotisme. Vers un rôle politique majeur Si les rapports économiques tardent à s’appliquer mais sont d’ores et déjà bien définis, les rapports politiques, eux, sont totalement tributaires du processus de paix, et Bruxelles attend en effet le dénouement de la crise au Proche-Orient pour pouvoir agir sur un terrain qu’elle considère stratégique. Les Quinze préparent sérieusement leurs relations avec la région dans l’avenir et comptent participer à une éventuelle force de maintien de la paix au Liban-Sud par exemple. Ils redoutent que le scénario kosovar se répète au Proche-Orient, à savoir que Washington accapare les pourparlers actuels pour reléguer le financement de l’après-paix aux Européens. L’UE s’est dotée d’un nouvel outil d’intervention sur le plan de la politique extérieure après avoir découvert son incapacité lors de la guerre du Kosovo. Cet outil n’est autre que le nouveau «M. PESC», Xavier Solana, responsable de la toute nouvelle «politique extérieure et de sécurité commune» et responsable des interventions futures dans la région. Une réunion de l’UE est prévue le novembre prochain à Marseille et la commission se prépare déjà à une plus grande implication sur le plan régional. Récemment, lors de la réunion de Stuttgart en avril 1999, les Quinze s’étaient mis d’accord sur l’élaboration d’une charte euro-méditerranéenne et ils attendent la réunion de Marseille pour établir cette charte qui comportera : une coopération sécuritaire et de renseignements politiques entre les pays de l’UE et ses partenaires méditerranéens. Cela sous-entend un échange d’informations au niveau des services de renseignements et de sécurité; une résolution commune des conflits; une coopération dans le domaine de la lutte contre le terrorisme; un système de préalerte pour éviter les conflits armés; des accords de désarmements et des concertations accrues au niveau sécuritaire et politique. Sur le volet économique, la charte euro-méditerranéenne reflétera le désir de l’UE d’instaurer une zone méditerranéenne de libre-échange et de promouvoir une économie plus libérale, indépendante de l’intervention étatique ainsi qu’un cadre légal et judiciaire pour garantir les investissements étrangers. L’avenir paraît donc plus prometteur mais reste tributaire des évolutions de la politique tant sur le plan régional que national. Pour le Liban, l’enjeu est de taille et la consécration du rôle européen dans la région ne pourrait qu’être bénéficiaire pour le pays. L’UE permet en effet de contrebalancer la présence des États-Unis, allié inconditionnel d’Israël, et de réaliser une volonté franche de partenariat économique et politique conçue initialement comme complémentaire et constructive.
Dans le cadre d’une tournée au Proche-Orient, le Commissaire européen aux relations extérieures, Chris Patten, effectuera une visite au Liban le 7 avril. Il aura une série d’entretiens avec le président Émile Lahoud, le Premier ministre et ministre des Affaires étrangères Sélim Hoss, le ministre des Finances Georges Corm, le ministre de l’Économie et de l’Industrie Nasser Saïdi ainsi qu’avec de hauts responsables du palais Bustros. L’ex-gouverneur de Hong Kong sera accompagné de l’Espagnol Tomas Dupla Del Moral, chef de l’unité Mashrek et Israël à la direction générale des relations extérieures de la Commission européenne. La tournée régionale de M. Patten, et plus particulièrement sa visite au Liban, intervient à un moment où les relations entre l’UE et le Liban ainsi que le rôle de l’UE au...