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Les femmes battues ne sont pas protégées par la loi libanaise (photo)
Par H. A.M., le 29 mars 2000 à 00h00
Une vie de galère, une vie de chien, une vie de souffrances. Des mots trop pauvres pour traduire le quotidien des femmes battues par leurs époux. C’est plutôt l’enfer qu’a vécu Souad pendant 15 ans, auprès d’un mari militaire qui la battait quotidiennement, depuis les premiers jours de leur mariage. Il la battait si sauvagement, qu’elle a dû être hospitalisée à plusieurs reprises. Et dans la famille de la jeune femme, pas un de ses frères n’a levé le petit doigt pour lui porter secours, alors que ses parents se contentaient de lui prodiguer des conseils et de lui dire de patienter. Mais un jour, en rentrant de l’hôpital, Souad a compris qu’elle n’avait plus le choix, qu’elle devait partir et emmener ses enfants avec elle, qu’elle devait les protéger de leur père, considéré par la loi comme le chef de famille absolu. Un chef de famille qui s’est permis d’abuser de sa fille aînée âgée de 15 ans, durant l’hospitalisation de son épouse, et qui a renouvelé son acte barbare avec sa fille cadette, quelque temps plus tard. Mais seule, démunie, rejetée par sa famille, et ne disposant d’aucune ressource pour nourrir ses 6 enfants, Souad trouvait toutes les portes closes. Errant de tribunal religieux en tribunal militaire, elle n’a jamais pu obtenir le divorce, vu le refus de son mari. Seul le tribunal militaire a sanctionné le père violeur d’un renvoi de l’armée et d’une peine d’emprisonnement de 18 mois seulement, peine au terme de laquelle il a redoublé de violence envers son épouse. Quant au tribunal religieux, il a éloigné le père de ses filles mineures mais n’a nullement protégé l’épouse des foudres et coups de son mari. Ce dernier continuait de la traquer et la battait jusque sur son lieu de travail ou même dans la rue. Un mouvement d’aide aux femmes battues Souad est aujourd’hui séparée de son mari et prise en charge juridiquement par le Mouvement libanais de lutte contre la violence à l’égard de la femme, un mouvement à l’écoute de la femme qui subit la violence de son époux. «Un numéro de téléphone est mis à la disposition de chaque femme qui a besoin d’un conseil, explique Aïda Nehmé Moussawi, une des responsables du mouvement, et qui a besoin de parler de ses problèmes». Encouragée à venir au centre du mouvement situé rue de Damas, la femme expose son cas à des psychologues et à des sociologues lors d’entretiens privés. Et c’est à deux niveaux différents qu’elle recevra aide et conseils gratuits. L’aspect social, traité par une assistante sociale, consiste à aider la femme battue à trouver du travail, à l’encourager à se recycler dans un domaine pour qu’elle devienne financièrement indépendante de son époux, ce qui lui permettra de mieux supporter sa situation. «Le problème de la dépendance de la femme battue vis-à-vis de son mari est très délicat et difficile à traiter, explique Mme Moussawi, mais l’indépendance financière est une étape nécessaire pour permettre à la femme de se libérer du joug de son époux». Quant à l’aspect juridique, il consiste à renseigner la femme battue sur ses droits, en cas de divorce, tout en se gardant de l’influencer. «Nous l’encourageons cependant à porter plainte contre son époux, lorsqu’elle est battue, auprès d’un médecin légiste ou de la police, car elle doit dépasser sa honte et réagir», ajoute Mme Moussawi. Il est vrai qu’elle n’est souvent pas prise au sérieux par des policiers qui la remballent, se moquent d’elle parfois, car ils ne peuvent agir tant qu’elle porte le nom de son époux. Sans oublier le prix élevé de la consultation d’un médecin légiste par rapport à ces femmes majoritairement issues de milieux socio-économiques défavorisés. «Mais ces preuves sont nécessaires en cas de divorce», insiste Aïda Moussawi. La femme battue, qui s’adresse au Mouvement de lutte contre la violence envers la femme, n’a aucun autre recours. D’ailleurs, elle y va généralement en cachette de son époux. Mais elle n’en peut plus de supporter la violence de celui-ci et ne sait pas comment s’en sortir, car elle est totalement dépendante de lui non seulement matériellement, mais aussi moralement. Rongée par le sentiment de culpabilité, elle n’a nullement confiance en elle, habitée par la peur. Peur de la violence de son époux, peur de faire du mal à ses enfants, mais surtout de transgresser les tabous liés à la violence, dans cette société traditionnelle dans laquelle elle vit. Quant à l’époux, sa violence résulte dans 80 % des cas de son éducation. À cela s’ajoutent l’alcool, la drogue parfois, mais aussi les problèmes économiques et le chômage. Le Mouvement libanais de lutte contre la violence à l’égard des femmes a entamé son action en 1997, sous la présidence de Zoya Rouhana. Financé et appuyé par l’ambassade du Canada et par différentes ONG, il a pour but, non seulement d’agir directement auprès de la femme subissant toute forme de violence, mais aussi d’éveiller les consciences collectives sur le phénomène de la violence à l’égard de la femme. Et, par l’intermédiaire de ses multiples actions, il tente d’exercer des pressions sur le gouvernement afin que celui-ci protège la femme battue ou subissant d’autres formes de violence, par des mesures concrètes, des lois en l’occurrence.
Une vie de galère, une vie de chien, une vie de souffrances. Des mots trop pauvres pour traduire le quotidien des femmes battues par leurs époux. C’est plutôt l’enfer qu’a vécu Souad pendant 15 ans, auprès d’un mari militaire qui la battait quotidiennement, depuis les premiers jours de leur mariage. Il la battait si sauvagement, qu’elle a dû être hospitalisée à plusieurs reprises. Et dans la famille de la jeune femme, pas un de ses frères n’a levé le petit doigt pour lui porter secours, alors que ses parents se contentaient de lui prodiguer des conseils et de lui dire de patienter. Mais un jour, en rentrant de l’hôpital, Souad a compris qu’elle n’avait plus le choix, qu’elle devait partir et emmener ses enfants avec elle, qu’elle devait les protéger de leur père, considéré par la loi comme le chef de...