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Monastères du Liban - Saydet el-Balamand, unique abbaye cistercienne du pays Quand l'histoire rime avec prières (photos)
Par FARCHAKH Joanne, le 27 mars 2000 à 00h00
Simple, sobre et infiniment beau ; c’est ainsi que se présente le monastère de Saydet el-Balamand. Unique abbaye cistercienne au Liban, ce couvent est situé sur un haut promontoire rocheux au Liban-Nord, surplombant la route de Tripoli. Les pins parasols l’abritent du regard et, de loin, on ne voit que son clocher blanc et ses tuiles rouges. Ce monument est l’unique vestige du passage des moines cisterciens sur la terre de ce pays et depuis plus de quatre siècles, il est l’un des monastères les plus importants de l’église d’Antioche. Il y a quelques dix siècles, le monastère de Saydet el-Balamand répondait au nom de l’abbaye de Belmont. C’est le premier couvent construit par les croisés en dehors de leurs terres d’origine. Il a été édifié en 1157, après l’échec de la deuxième croisade, prêchée par Bernard de Clariveaux, le fondateur de l’ordre des Cisterciens. En fait, c’est ce dernier qui a envoyé ses moines en terre sainte dans le but de soutenir, par la prière et le travail, les Croisés dans leurs combats. Ainsi, les moines cisterciens ont édifié et occupé ce monastère pendant plus d’un siècle. Aujourd’hui encore, on se ne sait pas les conditions de leur départ ou la date précise, mais il semblerait qu’ils ont abandonné ce lieu saint à la fin du XIIIe siècle. Et, ce n’est que trois siècles plus tard, que des moines grecs-orthodoxes sont venus s’y installer. Qu’est-il devenu du monastère ? A t-il été complètement abandonné ? Nul ne peut trancher, car aucune fouille archéologique n’a été faite et les textes historiques ne suffisent pas. Mais, il semble que pendant cette longue période quelques moines y ont résidé. évidemment le monastère n’avait pas sa gloire d’antan et les moines grecs-orthodoxes précisent dans leurs textes qu’ils devaient le restaurer avant de s’installer définitivement. C’était en 1604. Une architecture qui reflète l’histoire La succession de ces ordres monastiques est très claire dans l’architecture des lieux. En fait, les styles de l’art se superposent. «À l’exception de l’église, atypique par son clocher et son emplacement, l’abbaye ressemble à tous les monastères cisterciens, précise le Dr Souad Slim dans son livre, Balamand Histoire et Patrimoine, c’est le plan carré qui est la clé de toutes les structures de l’édifice cistercien. Car l’abbaye, lieu des transfigurations, doit représenter le carré parfait de la Jérusalem céleste telle que décrite dans l’Apocalypse. Et les constructions de l’abbaye cistercienne sont essentiellement au rez-de-chaussée alors que les nouvelles constructions érigées par les moines orthodoxes sont au premier étage». Les salles du monastère sont disposées selon ce plan carré et ouvrent toutes sur le cloître. En fait, à cet autre élément typique de l’architecture cistercienne, vient s’ajouter le clocher en pierre de l’église. Il semble que ce dernier, daté par le Dr Hassan Salamé Sarkis de la première période de construction du monastère, au XIIe siècle, est l’unique clocher en pierre dans tout le Moyen-Orient. En longeant les galeries, on accède aux deux églises du couvent. Celle dédiée à la Sainte Vierge de Balamand est la plus importante. Elle est d’une beauté à couper le souffle, c’est un chef-d’œuvre d’architecture. «Elle se compose d’une nef unique terminée par une grande abside. Les murs ont près de 2 mètres d’épaisseur, la voûte a dix mètres et demi de développement. Aucun support adossé à l’intérieur, aucun arc doubleau sous la voûte en berceau brisé n’y rompent la nudité des grandes surfaces», c’est ainsi que l’a décrite l’archéologue Camille Enlart dans un article sur le monument paru dans la revue Syria en 1923. En fait, ce qui ajoute à la beauté austère de cet édifice cistercien est l’iconostase datant du XVIIe siècle et ajouté par les moines orthodoxes. Sculpté dans du bois couleur marron, il se détache des murs en pierres blanches. Toutefois, il n’est pas l’unique iconostase de ce monastère. Celui de la deuxième église du couvent, dédiée à Saint-Georges, est fait en marbre blanc et noir. C’est un modèle non répandu dans les églises orthodoxes mais particulièrement beau à voir. En fait, il illumine l’intérieur de l’édifice religieux. Outre la beauté de l’iconostase et l’architecture des églises, le regard du visiteur est vite attiré par les icônes. D’une grande valeur rare et d’une finesse d’exécution remarquable, elles ajoutent à la gloire du monastère. La plus ancienne, celle de la Vierge, date du Xe siècle. Mais la plus grande partie de la collection a été dessinée par Nemet el-Moussawer, et remonte aux XVIIe et XVIIIe siècles. Toutefois, vient s’ajouter à ces objets de valeur une très grande collection de manuscrits enluminés datant des siècles passés. Et il est important de préciser que tous ces objets d’art avaient été volés du monastère durant la guerre, mais, dix ans plus tard, ils lui ont été remis. Le monastère actuellement Actuellement, cet édifice religieux est rattaché l’Institut de théologie, dont le directeur est le supérieur du couvent. Les séminaristes débutants y séjournent ; mais aucune vie monastique n’est développée. Le travail de la terre ne fait plus partie des premiers objectifs de ses moines qui œuvrent davantage sur l’orientation spirituelle des jeunes croyants. «Lors des grandes fêtes, des centaines de laïcs viennent séjourner dans ce monastère. Il est devenu un centre de retraite spirituelle. En été, les étudiants de l’Institut de théologie organisent des séjours pour les personnes désirant approfondir leur culture sur les traditions artistiques religieuses comme l’iconographie ou la musique byzantine», explique M Bassam Nassif, responsable à l’Institut de théologie. Le monastère a été récemment réaménagé pour recevoir des centaines de jeunes. Ainsi, certaines salles ont perdu leur fonction primaire, comme la cuisine de l’époque cistercienne qui est devenue une salle de rencontre. Quant à l’étage supérieur, il est aujourd’hui couvert de tuiles rouges et est transformé en dortoirs. Pour les habitants de la région, en plus de sa fonction de centre spirituel, le monastère est devenu un centre culturel. «Des conférences ont lieu tous les mois dans la grande salle, certaines portent sur des thèmes religieux et d’autres sur des aspects historiques ou sociaux», note M. Nassif. Tout autour du couvent, chargé de dix siècles d’histoire, un immense centre éducatif s’est développé. L’école de Saydet el-Balamand ouvre ses portes le matin à des milliers d’enfants. Et en 1971, le premier et unique séminaire orthodoxe pour toute l’église d’Antioche a été inauguré. Une dizaine d’années plus tard, c’est une université qui a été construite dans les alentours du monastère. Ce qui n’était au siècle passé qu’une école cléricale est devenue aujourd’hui le cœur battant du plus grand centre pédagogique du Liban-Nord.
Simple, sobre et infiniment beau ; c’est ainsi que se présente le monastère de Saydet el-Balamand. Unique abbaye cistercienne au Liban, ce couvent est situé sur un haut promontoire rocheux au Liban-Nord, surplombant la route de Tripoli. Les pins parasols l’abritent du regard et, de loin, on ne voit que son clocher blanc et ses tuiles rouges. Ce monument est l’unique vestige du passage des moines cisterciens sur la terre de ce pays et depuis plus de quatre siècles, il est l’un des monastères les plus importants de l’église d’Antioche. Il y a quelques dix siècles, le monastère de Saydet el-Balamand répondait au nom de l’abbaye de Belmont. C’est le premier couvent construit par les croisés en dehors de leurs terres d’origine. Il a été édifié en 1157, après l’échec de la deuxième croisade, prêchée par...