Actualités - CHRONOLOGIE
Lecture Hanan el-Cheikh et la liberté, par Tahar ben Jelloun (photo)
Par BEN JALLOUN Taher, le 15 mars 2000 à 00h00
Dans la dernière livraison du Monde, Tahar ben Jelloun consacre un article au nouvel ouvrage de Hanan el-Cheikh que nous reproduisons ci-dessous. L’auteur, originaire du Liban-Sud, vit à Londres et écrit en arabe. Le cimetière des rêves est traduit en français (éditions Actes Sud, 220 pages). Le droit de disposer d’elle-même, Hanan el-Cheikh le tient de sa mère, une femme musulmane du Liban-Sud qui, mariée contre son gré à l’âge de quatorze ans, quitte la maison pour rejoindre l’homme qu’elle aimait en cachette. Dans la nouvelle Les plumes des anges, elle décrit cette fugue et surtout ce qui la précédait, une oppression de tous les instants dans un milieu où les traditions sont plus importantes que le droit à la liberté. Enveloppée d’un brouillard épais de paroles et de chuchotements, Chadia ne pense qu’à son homme : «Quand elle le sentait à l’intérieur d’elle, elle le sentait à l’intérieur d’elle, elle comprenait alors qu’elle n’était venue au monde que pour cela, que pour cet homme». «Je sais, dit Hanan el-Cheikh, cette passion a dû être très forte, très violente, car ma mère a eu l’audace de faire ce qu’à l’époque aucune femme arabe de ce milieu, religieux et très conservateur, n’a jamais fait. Elle m’a laissée et je n’avais que cinq ans. Tout le monde a essayé de la culpabiliser. Elle a refait sa vie avec l’homme qu’elle aimait et a eu cinq autres enfants». Hanan parle avec douceur de choses graves. Elle parle comme elle écrit, raconte des faits violents sans élever la voix ni amplifier le style de sa narration. Elle se souvient de cette période où tout le monde montrait du doigt la mère qui a fauté. Cela l’a marquée au point de consacrer à sa mère, outre cette nouvelle, tout un roman. «Elle est fière de moi, dit-elle, mais elle ne sait pas lire, alors que son propre père était maître d’école. Longtemps nous n’avons eu que des relations superficielles, à présent que j’écris sur elle, je me rends compte du courage qu’elle a eu; elle était féministe avant le mouvement des femmes en Europe, une chiite du Liban-Sud !» Hanan el-Cheikh écrit en arabe et vit à Londres depuis une quinzaine d’années. Elle a publié sept romans et deux recueils de nouvelles. En France, quatre de ses livres ont été traduits. On se souvient du remarquable Femmes de sable et de myrthe (1992, Actes Sud) où elle aborde sans détour l’homosexualité dans les sociétés fermées et officiellement pudiques, ainsi que l’éternel malentendu entre l’homme et la femme arabes. Ces thèmes, on les retrouve dans Le Cimetière des rêves où les femmes prennent l’initiative de leur libération : «Ce sont des histoires tristes, sans issue, dit-elle, avec cependant un hommage à la violence de certaines femmes qui osent rompre la monotonie conjugale et qui vivent leur sensualité. L’homme arabe ne reconnaît pas la femme comme un individu, quel que soit son niveau d’éducation». Elle-même a dû affronter son propre milieu au moment où elle a choisi d’épouser un ingénieur libanais mais de rite grec-orthodoxe. «J’écris sur ces problèmes, mais je ne les vis pas. J’ai toujours dialogué avec mon mari. Nous avons la même vision de la condition de la femme arabe. C’est sans doute pour cela que notre couple tient la route». Comment une femme libanaise, écrivant en arabe, vit-elle son exil volontaire ? J’ai recréé un autre pays dans le pays d’exil. Je n’ai pas cependant l’idée de me fixer de manière définitive en Grande-Bretagne. Je m’intéresse à cette société. J’ai pris la nationalité anglaise; je vote, enfin je m’oblige à voter car je ne me sens pas Anglaise, je suis Arabe, sans doute, sans ambiguïté ni déchirure. À la maison nous parlons l’arabe et l’anglais. Mais je sais que l’identité c’est la langue. J’aurais pu m’intégrer facilement si j’écrivais en anglais. C’est une société assez fermée, on y traduit peu. La racisme y est assez subtil. On vous aime bien mais jamais on ne vous considère comme citoyen à part entière. On vous installe dans un cadre exotique et on vous fait savoir qu’il ne faut pas changer de place. Certes, les Anglais s’intéressent aux autres, mais on ne peut pas dire que ce soit exagérément...» Dans Le jour où la vie s’est arrêtée, la nouvelle la plus forte de ces quinze textes écrits dans une langue sensuelle et pudique, Samr, une belle femme de trente-cinq ans, visite Fès avec son mari, un Européen. Le choc émotionnel provoqué par la découverte de cette ville, véritable manuscrit de l’histoire arabe et musulmane, lui rappellera la puissance des racines. Et elle sera prise par la nostalgie des origines, découvrant que son pays natal, le Liban, la hantait et s’infiltrait dans la moindre de ses pensées...
Dans la dernière livraison du Monde, Tahar ben Jelloun consacre un article au nouvel ouvrage de Hanan el-Cheikh que nous reproduisons ci-dessous. L’auteur, originaire du Liban-Sud, vit à Londres et écrit en arabe. Le cimetière des rêves est traduit en français (éditions Actes Sud, 220 pages). Le droit de disposer d’elle-même, Hanan el-Cheikh le tient de sa mère, une femme musulmane du Liban-Sud qui, mariée contre son gré à l’âge de quatorze ans, quitte la maison pour rejoindre l’homme qu’elle aimait en cachette. Dans la nouvelle Les plumes des anges, elle décrit cette fugue et surtout ce qui la précédait, une oppression de tous les instants dans un milieu où les traditions sont plus importantes que le droit à la liberté. Enveloppée d’un brouillard épais de paroles et de chuchotements, Chadia ne pense...
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