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Archéologie - Des hypogées romains mis au jour au sud de Tyr Un trésor national menacé par les pilleurs(photos)
Par FARCHAKH Joanne, le 07 mars 2000 à 00h00
De toutes les villes côtières libanaises, Tyr est la plus riche en vestiges archéologiques datant de la période romaine et illustrant les traditions funéraires et la vie quotidienne des habitants de la région à cette époque. Les plus beaux sarcophages du Musée national étaient enfouis dans le sol de cette ville. Aujourd’hui encore, les découvertes se succèdent. À quelques kilomètres au sud de Tyr dans la région de Rmeilé, un hypogée a été récemment mis au jour. Il s’agit d’une tombe, probablement familiale, qui a été creusée dans le rocher à l’époque romaine et réutilisée à la période byzantine. Sa découverte est le fruit du pur hasard. L’hypogée se trouve à une centaine de mètres à l’est du camp de réfugiés palestiniens de Bourj el-Chemali. Les Forces de l’ordre travaillaient à bloquer une rue menant au camp et leur bulldozer a déversé une grande quantité de terre sur un espace où se trouvait encore enfouie la tombe. Le toit de l’édifice s’est alors effondré et l’hypogée est apparu aux yeux des travailleurs. avertie, la DGA a immédiatement demandé à l’équipe libano-japonaise, qui effectuait une prospection archéologique dans la région, de procéder au nettoyage du site afin d’examiner les lieux. Mais les fouilleurs clandestins ont précédé les archéologues sur le terrain. Et ils ont brûlé, à l’aide d’un pneu, l’intérieur des deux chambres funéraires de l’hypogée ! L’enduit historique qui couvrait les parois est tombé en plusieurs endroits à cause de la chaleur. Ailleurs, il a tenu bon, mais il est, désormais, teinté de noir. Cependant, les dégâts ne se limitent pas à cet incendie. Car par la perte de son toit, la tombe a changé d’aspect architectural. Elle était creusée dans le rocher, elle est aujourd’hui à ciel ouvert. Et on ne sait plus si les murs étaient entièrement recouverts de peinture, car les pierres ont été dénudées de leur enduit par les Forces de l’ordre qui enlevaient le remblai effondré. Travail de prospection Les archéologues de la mission libano-japonaise ont procédé au nettoyage de l’hypogée. Ce qui a révélé la présence d’une salle rectangulaire centrale dont le sol est tapissé «d’opus sectili», (une mosaïque faite avec du marbre) et de quelques objets datant des périodes romaine et byzantine. La mission libano-japonaise de prospection avait pour objectif de recenser tous les vestiges archéologiques apparents se trouvant dans le secteur sud de Tyr, dans la zone du tracé de la future autoroute Beyrouth-Naqoura. Pour ne pas être pris de court, lors des travaux routiers, prévus dans quelques années, la Direction générale des antiquités libanaises a lancé cette campagne de prospection en coordination avec une équipe japonaise. Le travail de la mission, sous la direction du Dr Kin Matsumoto, a commencé en octobre 99 et se termine à la fin de ce mois. «Dans la région de Rmeilé, un riche héritage d’ordre funéraire a été mis au jour. Plus d’une dizaine d’hypogées sont aujourd’hui localisés sur les cartes de la région et leur entrée a été nettoyée. Chacun de ces hypogées est décrit, numéroté et photographié», explique M. Abbas Hassan Abou Zeid, un archéologue, membre de l’équipe libano-japonaise de prospection. Certes, un certain nombre de ces tombes était bien connu des habitants de la région durant la guerre, mais ce travail n’avait jamais été réalisé auparavant et aucune publication ne relate ce trésor archéologique. «Toutefois, ces hypogées sont actuellement menacés. Menacés par les fouilleurs clandestins, qui opèrent toutes les nuits mais aussi par une usine de céramique. Construite en amont et qui déverse tous les jours une quantité de gypse entre les hypogées», souligne M. Nader Seklawi, archéologue libanais, membre de la mission. Zone d’hypogées De par son emplacement géographique, loin de la ville et adossée à la colline, cette zone était destinée à devenir une zone d’hypogées. Trou béant ou paroi sculptée en forme rectangulaire, recouverts d’herbes folles, les hypogées en aval ont tous des escaliers taillés dans le rocher pour y accéder. Malheureusement, aujourd’hui, on ne peut pas entrer dans un grand nombre de ces tombes, leur intérieur étant rempli de remblais accumulés au fil des siècles. Ces monuments suivent dans leur architecture le plan appliqué aux hypogées de l’époque romaine au Liban. Ils sont formés d’une salle rectangulaire ouvrant, sur les côtés, sur des «loculis» (caveaux funéraires creusés dans le rocher) ou sur des chambres funéraires. Et la grande particularité des monuments funéraires découverts à Tyr, au début du siècle et dans les années 60, était les peintures murales recouvrant les parois. Du sol au toit, le tout était coloré : guirlandes, fleurs, oiseaux et personnages des mythologies grecques et romaines se succédaient. Les parois des hypogées de Rmeilé en étaient-ils recouverts ? Des traces de peinture se voient encore sur les entrées de quelques-unes d’entre elles. Mais le véritable danger provient des fouilleurs clandestins qui, jusqu’à maintenant, n’hésitent pas à y venir la nuit creuser le sol pour y chercher l’or, si jamais il y en a, ou une autre tombe. Bien sûr, ce travail effectué à la hâte ne peut que détruire un grand nombre de vestiges et il semble que les travaux de prospection ont de nouveau attiré l’attention des voleurs. Le nombre de trous béants dans le sol augmente d’ailleurs tous les jours. Il est donc impératif de nommer un gardien des lieux, car qui sait ce que cache encore le sous-sol de cette zone qui a été agressée par les pilleurs durant la guerre. La préservation du site permettra ainsi aux générations futures de recueillir les fruits de fouilles archéologiques exécutées sous contrôle officiel.
De toutes les villes côtières libanaises, Tyr est la plus riche en vestiges archéologiques datant de la période romaine et illustrant les traditions funéraires et la vie quotidienne des habitants de la région à cette époque. Les plus beaux sarcophages du Musée national étaient enfouis dans le sol de cette ville. Aujourd’hui encore, les découvertes se succèdent. À quelques kilomètres au sud de Tyr dans la région de Rmeilé, un hypogée a été récemment mis au jour. Il s’agit d’une tombe, probablement familiale, qui a été creusée dans le rocher à l’époque romaine et réutilisée à la période byzantine. Sa découverte est le fruit du pur hasard. L’hypogée se trouve à une centaine de mètres à l’est du camp de réfugiés palestiniens de Bourj el-Chemali. Les Forces de l’ordre travaillaient à bloquer...