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Dans le monde Entretien avec Ralph Fiennes pour "The End of the Affair"
Par ABI RACHED RAYA, le 25 février 2000 à 00h00
Il est l’un des acteurs les plus respectés et les plus discrets de la profession. Même s’il avait déjà une longue carrière devant lui, ce n’est que depuis «Schindler’s List» de Steven Spielberg que l’ascension de Ralph Fiennes a été fulgurante. «The English Patient», d’Anthony Minghella, «Quiz Show» de Robert Redford, «Oscar and Lucinda», de Gillian Armstrong, «Strange Days» de Kathryn Bigelow : sa filmographie est aussi riche qu’éclectique. Raya Abi-Rached l’a interviewé pour son incarnation de Maurice Bendrix dans «The End of the Affair», un film attendu pour bientôt au Liban. L’Orient-Le Jour : Étiez-vous d’accord depuis le début avec la vision de Neil Jordan que votre personnage dans le film devait ressembler autant à Maurice Bendrix (le personnage du roman) qu’à Graham Greene lui-même ? Ralph Fiennes : On n’arrête pas de me poser cette question, et je n’ai jamais cru que je jouais Graham Greene, dans ma tête c’était toujours Maurice Bendrix (rires). Je crois qu’il y a des éléments de Bendrix qui sont tellement proches de Greene qu’on ne peut jouer, Maurice s’en vouloir en savoir plus sur son auteur. Mais il n’est pas tout à fait similaire à Graham Greene, c’est plutôt son complément. Neil et moi étions d’accord, je devais me documenter sur Greene. O.J. : Pensez-vous que The End of the Affair était très biographique ? R.F. : Comme dans beaucoup d’œuvres de fiction, l’autobiographie fusionne avec l’imagination. Et Greene a particulièrement pris plaisir à taquiner les gens en jouant avec les éléments autobiographiques de son roman et ceux qui ne l’étaient pas. Il aimait se prêter au jeu des révélations et des déguisements. À l’époque, les gens qui le connaissaient et savaient qu’il avait une relation amoureuse ont présumé que le roman reflétait sa propre vie, mais il y a tellement d’éléments imaginés ! Je crois que parfois on perd l’essentiel de l’histoire en essayant de retrouver des éléments de vérité. Pour moi, le roman ne soulève pas seulement la question de l’adultère, c’est plutôt une histoire de foi. O.J. : Quand vous incarnez un personnage célèbre de roman, avez-vous l’habitude de partager votre compréhension du personnage avec votre entourage ou préférez-vous garder une vision personnelle ? R.F. : Avec le réalisateur et peut-être les acteurs, mais c’est tout. O.J. : Vous sentez que Maurice Bendrix est complexe ? R.F. : Je crois qu’il est très compliqué, mais jouer un rôle est très différent d’écrire une dissertation sur ce rôle. Il faut être ouvert, savoir intellectuellement qu’il est très compliqué mais on peut avoir une sorte de thèse sur un rôle ; il faut réagir de manière «innocente» au rôle. Ce que je vous dis en ce moment est innocent, je ne sais pas quels mots vont sortir de ma bouche. Je connais mon script, mais j’essaie de rester dans un état d’esprit où je ne suis pas trop préparé, où je veux être surpris de la manière dont les paroles sortent. Julianne Moore peut me dire quelque chose et je répondrai «oui», je sais que je dois dire «oui» mais à chaque répétition de scène, ce sera différent. La véritable mort de l’interaction spontanée est l’analyse. Au moment de jouer, on devrait littéralement jouer ! O.J. : Qu’est-ce qui est moins aliénant, incarner un personnage déjà connu du public ou créer un personnage à partir d’un scénario original ? R.F. : Dans les adaptations ou même dans les pièces célèbres, tout le monde connaît et possède le personnage, comme Hamlet par exemple ; donc on ne peut jamais bien réussir le rôle. Les gens adorent ce livre, ils le possèdent. J’adore Bendrix, je me projette dans le personnage. Ce qui est génial en lisant un livre, une relation avec l’auteur que personne ne partage. Donc il est difficile d’adapter un film très public, tout le monde veut voir comment j’ai joué Bendrix, comment Neil a dirigé Graham Greene. Malgré le fait que j’ai fait tant d’adaptations, une partie de moi croit que le cinéma pur ne doit pas adapter. Mais on ne peut y résister, le pouvoir des images au cinéma est tellement fort qu’on veut toujours prendre les idées sur la page et les «voir» sur l’écran. O.J. : Comment prédisez-vous le futur du cinéma indépendant européen ? R.F. : Je suis optimiste. Je crois qu’il y a un retour à une approche plus aventurière du cinéma comme dans les années 60 et 70. Le public le demande parce qu’il se sent manipulé par des choses qu’il a vues avant.
Il est l’un des acteurs les plus respectés et les plus discrets de la profession. Même s’il avait déjà une longue carrière devant lui, ce n’est que depuis «Schindler’s List» de Steven Spielberg que l’ascension de Ralph Fiennes a été fulgurante. «The English Patient», d’Anthony Minghella, «Quiz Show» de Robert Redford, «Oscar and Lucinda», de Gillian Armstrong, «Strange Days» de Kathryn Bigelow : sa filmographie est aussi riche qu’éclectique. Raya Abi-Rached l’a interviewé pour son incarnation de Maurice Bendrix dans «The End of the Affair», un film attendu pour bientôt au Liban. L’Orient-Le Jour : Étiez-vous d’accord depuis le début avec la vision de Neil Jordan que votre personnage dans le film devait ressembler autant à Maurice Bendrix (le personnage du roman) qu’à Graham Greene lui-même...