Rechercher
Rechercher

Actualités - ANALYSE

Enseignement supérieur - L’affaire du décret Beydoun continue de susciter des remous UL : Le précédent Cabinet Hariri avait bloqué l’admission des Syriens

L’affaire de l’admission d’étudiants syriens, sans concours et sans examen de passage, dans les facultés de sciences appliquées de l’Université libanaise continue de faire couler beaucoup d’encre et suscite un tollé dans différents milieux locaux. Cette question a connu un nouveau rebondissement à la faveur des propos tenus par le patriarche maronite, le cardinal Nasrallah Sfeir, à l’ouverture des travaux de l’Assemblée des patriarches et évêques catholiques, à Bkerké. Dans son discours prononcé lors de la séance inaugurale, le patriarche maronite avait vivement critiqué la décision du précédent ministre de l’Enseignement supérieur, M. Mohammed Youssef Beydoun, d’admettre à l’Université libanaise un certain nombre d’étudiants syriens, «sans qu’ils soient soumis aux traditionnels concours d’entrée, ce qui menace le niveau culturel de notre seule institution universitaire nationale». La prise de position du cardinal Sfeir sur cette affaire a amené M. Beydoun et le nouveau ministre de l’Enseignement supérieur, M. Abdel Rahim Mrad, à préciser, chacun de son côté, que «cette décision n’est en rien irrégulière car elle n’est en fait qu’une application d’un accord de coopération entre le Liban et la Syrie en matière d’enseignement supérieur». L’opinion publique avait été alertée par la presse, qui s’était saisie de la question bien avant qu’elle ne soit soulevée par le patriarche maronite. Certaines informations avaient fait état ces derniers jours d’«un malaise au sein de certaines facultés de l’UL» et même de «l’insubordination» de plusieurs directeurs, notamment ceux des facultés de médecine et des sciences médicales, qui s’étaient opposés à l’inscription des étudiants syriens n’ayant pas réussi aux concours d’entrée à ces facultés, comme le stipule les règlements libanais en vigueur. Demande syrienne Cette affaire a commencé lorsque le ministre syrien de l’Enseignement supérieur, M. Hassan Richa, a adressé le 19 septembre dernier une lettre au président du Conseil supérieur libano-syrien, M. Nasri Khoury, lui demandant, «conformément à l’article 1 de l’accord exécutif conclu entre le Liban et la Syrie et stipulant un échange de dix bourses dans le domaine de l’enseignement supérieur, de porter à la connaissance de la partie libanaise la liste des étudiants proposée par les instances syriennes». La 11 octobre dernier, M. Nasri Khoury a adressé au ministre de l’Enseignement supérieur de l’époque, M. Mohammed Youssef Beydoun, une lettre, accompagnée d’une liste de 80 noms, répartis sur quatre feuilles avec le titre des candidats, les études supérieures qu’ils comptent poursuivre au Liban, ainsi que leurs moyennes obtenues dans les écoles secondaires en Syrie. L’Orient-Le Jour a obtenu une copie de la lettre et de la liste transmises par M. Khoury aux autorités libanaises. Plusieurs observations peuvent être faites au sujet de la teneur de ces deux documents. Ainsi, M. Khoury ne mentionne pas dans sa lettre adressée à M. Beydoun que le choix du Liban doit porter uniquement sur dix candidats, comme le stipule l’accord conclu entre les deux pays et rappelé par le ministre syrien lui-même. Par ailleurs, plusieurs des candidats syriens proposés par les autorités de Damas n’avaient pas obtenu la moyenne requise, au niveau des études secondaires, pour poursuivre des études universitaires dans le domaine des sciences appliquées. Certains des candidats n’avaient ainsi qu’une moyenne générale de 45 sur 100 … Ainsi, avec la liste de 80 noms soumise par M. Khoury, on est loin des 10 places réclamées par le ministère syrien de l’Enseignement supérieur et prévues par l’accord bilatéral évoqué par M. Beydoun pour justifier sa décision. Réactions La position critique du patriarche maronite dans cette affaire fait suite à celle de l’ensemble du corps enseignant de l’UL, notamment au sein des facultés de médecine, des sciences médicales et d’ingénierie. La contestation apparue sur ce plan remonte au temps des anciens gouvernements Hariri. À cette époque déjà, le ministère syrien de la Santé et l’Ordre des médecins syriens avaient tenté de faire plier la partie libanaise, en entreprenant de leur faire admettre le principe d’un traitement de faveur pour les étudiants choisis et sélectionnés par l’administration syrienne. Mais en vain. C’est dans ce contexte que le ministre Mohammed Youssef Beydoun a donné son feu vert à la démarche syrienne quelques jours seulement avant la démission du gouvernement de M. Sélim Hoss, au début du mandat de la nouvelle Chambre. Le 11 octobre dernier, M. Beydoun a en effet présenté au Conseil des ministres un projet de décret visant à «exempter les étudiants syriens, boursiers, des obligations des concours d’entrée et des moyennes d’admission requises à ces concours, en vigueur à l’Université libanaise». Le Conseil des ministres a adressé au rectorat de l’UL une lettre en ce sens le 17 octobre, soit le jour même où le Cabinet Hoss était considéré comme démissionnaire, conformément à la Constitution. Depuis que cette affaire a éclaté au grand jour, les remous n’ont pas cessé, non seulement au sein de l’UL mais dans l’ensemble du pays, comme le démontre le discours du patriarche Sfeir devant l’Assemblée des patriarches et évêques catholiques. Mardi dernier, M. Beydoun a précisé que «le décret adopté sur sa recommandation par le Conseil des ministres est le résultat du travail d’un comité d’experts comprenant le recteur de l’UL, M. Assaad Diab (nommé depuis ministre des Affaires sociales dans le présent Cabinet Hariri), et le président du CNRS», le Dr Georges Tohmé. «Ce comité, toujours selon M. Beydoun, avait été chargé de traduire, dans la pratique, le contenu de l’accord de coopération en matière d’enseignement supérieur, entre le Liban et la Syrie». M. Beydoun a cru bon de souligner, innocemment, que «cet accord permet aux étudiants libanais d’intégrer les universités syriennes pour leur DEA (!), loin des contraintes des concours et des coefficients, et réciproquement». Sans commentaire... Et M. Beydoun d’ajouter, dans une tentative de donner plus de poids à son argumentation, que «l’État syrien a entrepris, pour être conforme avec les termes de cet accord, une vaste réforme de certaines de ses lois, tandis qu’au Liban c’est le recteur Assaad Diab qui s’est chargé de modifier certaines dispositions administratives en vigueur et de préparer le décret du mois dernier qu’il a lui-même transmis au Conseil des ministres». Toujours d’après l’ancien ministre de tutelle de l’UL, le nombre des étudiants syriens et libanais concernés par cet accord est passé à 50, au lieu des 5 prévus initialement, mais ces étudiants ne seront plus boursiers. Pour sa part, l’actuel ministre de l’Enseignement supérieur, M. Abdel Rahim Mrad, s’est contenté d’expliquer que «cet accord a permis à 67 étudiants libanais, au lieu des 50 initialement prévus, de s’inscrire dans les universités syriennes» et que «la partie syrienne a adressé au Liban une liste de 50 étudiants, dont certains désirent intégrer les facultés de médecine et des sciences médicales». M. Mrad n’a pas précisé si son ministère entend ou non donner suite au décret adopté par le Conseil des ministres le 11 octobre dernier. En tout état de cause, si ce décret a tardé à être appliqué, c’est que la contestation prend de l’ampleur. Une dérogation ne peut qu’engendrer des exceptions. Déjà l’UL est en butte à de nombreuses difficultés et si les choses ne sont pas rapidement reprises en main, elles risquent de se multiplier et de se compliquer pour discréditer définitivement une institution qui reste un refuge pour les moins nantis et dont la réputation est déjà suffisamment écornée. Louis HONEÏNÉ
L’affaire de l’admission d’étudiants syriens, sans concours et sans examen de passage, dans les facultés de sciences appliquées de l’Université libanaise continue de faire couler beaucoup d’encre et suscite un tollé dans différents milieux locaux. Cette question a connu un nouveau rebondissement à la faveur des propos tenus par le patriarche maronite, le cardinal Nasrallah Sfeir,...