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TRIBUNE Plaidoyer pour l’industrie libanaise Par Fady Gemayel, industriel

Le débat qui s’est engagé autour des taxes douanières a occulté plusieurs vérités. Et, dans le fond, la pseudo querelle entre commerçants et industriels n’a pas sa raison d’être. Toute personne qui voudrait pour le Liban une vraie croissance économique à long terme et non seulement une euphorie passagère, ne peut qu’aspirer à une participation dynamique de tous les secteurs de l’économie libanaise. Les services financiers, hospitaliers, touristiques, académiques et médiatiques doivent contribuer, chacun, pleinement à la croissance. Il en va de même pour les secteurs productifs, à l’instar de l’agriculture et de l’industrie. Il faudrait reconnaître aussi le rôle primordial qu’assurent les secteurs de l’agriculture et de l’industrie pour la création de l’emploi, souci principal pour la jeunesse libanaise. Les industriels ne voudraient certainement pas s’imposer aux dépens des autres secteurs, et encore moins chercher à se recroqueviller sur eux-mêmes, à l’abri de barrières douanières disproportionnées. Poser le débat en ces termes est erroné. Les taux douaniers ne constituent qu’un seul volet de la politique économique. Rappelons tout d’abord que les industriels n’ont jamais demandé de relever les taux douaniers sur les produits qui ne sont pas fabriqués au Liban. Mais certains industriels trouvent actuellement dans les taxes douanières une solution, même limitée, à leur survie à cause de l’incapacité de l’État à résoudre le cumul des autres surcharges qui les accablent. Après avoir assuré l’emploi et les revenus à une composante principale de la population libanaise qui est estimée à 150 000 familles, certains industriels ne trouvent plus le moyen de survie. Quelques chiffres expliquent la situation : L’électricité est facturée, en moyenne, à 9 cents alors qu’elle n’est que 3,7 cents en Syrie et 4,5 cents en Égypte. Le prix du fuel-oil s’élève à 195 USD les mille litres et n’est que 38 USD la tonne donc 34,65 USD les mille litres en Syrie et 54 USD pour l’Égypte. Or ces deux charges constituent plus de 30 % des frais de production de plusieurs activités industrielles. À titre indicatif, une tonne de papier recyclé coûterait 20 % de plus au Liban que si elle avait été produite dans les pays voisins non pétroliers et ceci à cause du seul effet du surcoût de l’énergie. Ces surcoûts ne sont pas le résultat des conditions du marché. Les surcharges de l’énergie sont dues à la politique de tarification suivie. L’étude de la structure des coûts montre que les utilisateurs, surtout industriels, subventionnent l’État et non l’inverse. Pour comble de malheur, les frais à l’exportation sont insensés. Est-il admissible que le coût de transport terrestre à l’intérieur du Liban d’un conteneur ainsi que sa mise à bord du navire revienne à quelque 700 USD quand il en coûte moins de 200 USD au titre du fret maritime pour le faire parvenir en Europe ? Au lieu de favoriser l’exportation notre système pénalise les exportations libanaises par des surcoûts inacceptables. Les investissements industriels qui ont dépassé les 700 millions de dollars au cours des dernières années se heurtent à ces surcoûts qui s’accumulent et suffoquent les entreprises. Et les industriels libanais qui, au Liban, succombent les uns après les autres, sont pourtant prospères et dynamiques à l’étranger. L’impact de ces politiques se répercute sur l’ensemble de l’économie libanaise. Au niveau de l’industrie papetière les entreprises libanaises sont très actives à travers le monde. Elles opèrent en Arabie séoudite, en Égypte, en Syrie, en Jordanie, en Iran, au Sénégal, en Côte d’Ivoire et même aux États-Unis. Il ne s’agit donc pas de trouver une solution pour quelques industriels libanais, mais de penser à l’ensemble des familles au Liban qui dépendent de l’industrie libanaise. Est–il besoin de rappeler la corrélation qui lie l’industrie au Liban aux autres activités locales comme les banques, les assurances, les médias, les services de transport etc. ? Un véritable cercle vertueux se met en place dès qu’une entreprise industrielle est lancée. Ne voit-on pas comment les communes en Europe, aux États-Unis et au Canada se plient en quatre pour attirer un investissement industriel vers leur localité ? L’étude de la période «glorieuse» d’avant 1974 devrait par ailleurs nous inciter à revoir certains mythes. Le Liban a connu durant cette période un flux de fonds qui battaient alors des records internationaux. Le taux d’accumulation de richesses financières dépassait toutes les espérances. En fait le taux de monétisation de l’économie (M2/PNB) avait atteint 1,3 pour le Liban et n’était que de 0,97 pour les États–Unis et de 0,7 pour le Japon. Cette abondance de richesse a-t-elle permis, à l’époque, de réaliser une croissance économique réelle ? Les estimations de la croissance la placent pour cette même période, à 5 ou 6 %, des taux très réduits pour l’époque. En fait notre taux de croissance était inférieur à la moyenne des pays en voie de développement. Le Brésil et la Corée, qui étaient certainement moins nantis financièrement, affichaient à l’époque des taux de croissance de 12 et de 16 %. Pourquoi ces richesses n’ont-elles pas permis un réel essor au Liban ? L’économie avait souffert alors d’un phénomène de désintermédiation financière. Ces flots financiers n’avaient pas abouti vers les secteurs productifs. Ces richesses étaient placées en grande partie dans l’immobilier et dans les opérations triangulaires. On ne peut oublier que le prix du mètre carré se négociait à 10 000 $ à Hamra, mais on ne peut confondre ces chiffres avec une réelle croissance économique créatrice de richesse et d’emplois à long terme. Encore une fois les industriels ne veulent pas tirer la couverture à eux aux dépens d’un autre secteur économique , mais ils souhaitent participer à un effort national. Avant 1974, nos exportations étaient estimées à un milliard de dollars. Nous espérons une réduction des surcharges pour réaliser notre potentiel à l’exportation. L’expérience de Chypre n’est qu’un exemple de la synergie de la complémentarité entre les divers secteurs économiques. Perçue comme une économie de services, l’économie de Chypre dépend pourtant à 30 % de l’industrie. Cette contribution a permis que le revenu par habitant s’élève à 17 082 euros, presque le triple de celui du Liban. Nous sommes convaincus que des mesures d’urgence qui trouveraient une solution aux surcharges ne feraient que débloquer un potentiel industriel disponible et briser le marasme économique actuel. Nous sommes confiants dans le plan du ministre de l’Industrie Georges Frem et espérons mettre en marche des mesures sectorielles concrètes. Nous voudrions proposer à nouveau le lancement de l’Advanced Industry Authority qui, sous l’égide du Premier ministre, pourrait lancer des investissements étrangers dans les domaines de la nouvelle économie. Ces activités trouveraient des emplois valorisant à notre jeunesse qui, de plus en plus, trouve le chemin de l’émigration. Ensemble, nous pourrions mettre en marche une vision pour le Liban 2005 à la mesure de nos ambitions !
Le débat qui s’est engagé autour des taxes douanières a occulté plusieurs vérités. Et, dans le fond, la pseudo querelle entre commerçants et industriels n’a pas sa raison d’être. Toute personne qui voudrait pour le Liban une vraie croissance économique à long terme et non seulement une euphorie passagère, ne peut qu’aspirer à une participation dynamique de tous les secteurs de l’économie libanaise. Les services financiers, hospitaliers, touristiques, académiques et médiatiques doivent contribuer, chacun, pleinement à la croissance. Il en va de même pour les secteurs productifs, à l’instar de l’agriculture et de l’industrie. Il faudrait reconnaître aussi le rôle primordial qu’assurent les secteurs de l’agriculture et de l’industrie pour la création de l’emploi, souci principal pour la jeunesse...