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JUSTICE - Fernand Meyssonnier, le dernier « bras vengeur » français Héritier du docteur Guillotin(photo)

Le dernier bourreau français, Fernand Meyssonnier, se rappelle dans le moindre détail la première fois où il a vu mourir un homme sous la guillotine. «J’avais 16 ans, et mon père m’a demandé si je voulais regarder, il m’a mis de côté pour ne pas gêner et lorsqu’il a entendu l’appel à la prière de la mosquée voisine, il a seulement dit : “c’est le moment” », raconte à l’AFP ce retraité de 72 ans, aujourd’hui installé dans le petit village provençal de Fontaine-de-Vaucluse (sud de la France). « Le type est arrivé encadré par deux gardiens. Ils l’ont poussé sur la planche. J’ai vu la tête entre les deux montants et puis, comme ça, en un dixième de seconde elle était coupée. J’ai juste poussé un petit cri, c’était vraiment fort », se souvient le bourreau, évoquant pour la première fois de façon publique les vingt et une années où il fut le « bras vengeur » de la justice dans l’Algérie française. Son père Maurice Meyssonnier – un patron de bar communiste d’Alger – était le bourreau en chef et a tout naturellement embauché son fils comme apprenti en 1947. En 1958, Fernand avait déjà participé à plus de 200 exécutions et, avec le début de la guerre d’indépendance, le rythme a vite atteint une demi-douzaine par mois. Dans son bar, le père de Fernand recevait un coup de téléphone du procureur. Avant l’aube, avec son fils, il prenait la camionnette où la guillotine était chargée dans des caisses. Arrivés à la prison, ils montaient la machine dans la cour – les exécutions publiques ont été interdites en 1939 – et attendaient le lever du soleil. Un pouvoir exorbitant À la fin de sa « carrière », Fernand Meyssonnier remplaçait parfois son père pour actionner le mortel levier. Mais d’habitude, il était seulement le premier assistant, un travail consistant à tenir la tête du condamné dans la « demi-lunette » au moment de la chute de la lame. « Il ne faut jamais lui laisser le temps de réfléchir, parce que s’il reste trop longtemps, il peut mettre la tête de côté et c’est comme ça qu’on a des bavures. Il peut se faire arracher la mâchoire et on doit finir le boulot au couteau de boucher », raconte-t-il. « C’est un pouvoir exorbitant de tuer son prochain. C’est comme un film qui passe à toute vitesse. Le premier arrive et puis le second et vingt secondes plus tard, on a deux décapités. Et je sors de la prison avec l’approbation de l’Algérie française », poursuit-il. Fernand Meyssonnier a quitté l’Algérie à l’indépendance en 1962 et est parti faire fortune à Tahiti, au milieu de l’océan Pacifique, en tenant un bar. Il est revenu en France en 1992 et a ouvert à Fontaine-de-Vaucluse un « Musée de la justice et des châtiments ». Le musée n’a pas marché et les pièces exposées – une guillotine grandeur nature, des instruments de torture médiévaux, une tête empaillée... – sont désormais stockées dans le sous-sol de sa maison. Dans la salle de séjour, à l’étage, d’où il dispose d’une vue spectaculaire sur le Rhône, Fernand Meyssonnier a conservé la guillotine miniature qu’il a construite à quinze ans pour l’offrir à son père et, dans le petit panier-cercueil, une paire de lunettes ayant appartenu à une des victimes. Dans un coin, un couple de perroquets auxquels il a appris à siffler la Marseillaise et à crier : « Tout condamné aura la tête tranchée, vive Meyssonnier ! » « J’aime bien déconner », explique l’ancien bourreau. Costaud, le poitrail grisonnant, Fernand Meyssonnier a gardé l’accent pied-noir de son enfance et de sa jeunesse. Aujourd’hui, il dit vouloir « mettre un terme à l’image du bourreau moyen-âgeux sanguinaire. J’étais le bras de la justice, c’est tout. » Les temps ont changé et la peine de mort a été abolie en France en 1981. Meyssonnier l’accepte avec logique : « On est tous devenus plus sensibles maintenant, mais, rappelez-vous, la pitié est quelque chose de récent... »
Le dernier bourreau français, Fernand Meyssonnier, se rappelle dans le moindre détail la première fois où il a vu mourir un homme sous la guillotine. «J’avais 16 ans, et mon père m’a demandé si je voulais regarder, il m’a mis de côté pour ne pas gêner et lorsqu’il a entendu l’appel à la prière de la mosquée voisine, il a seulement dit : “c’est le moment” », raconte...