Actualités - ANALYSE
SANTÉ PUBLIQUE Des mesures sont nécessaires de toute urgence pour lutter contre la pollution atmosphérique au Liban
Par EL-MOLL Ahmad, le 24 septembre 2002 à 00h00
Pesticides dans l’eau de robinet, dioxines dans l’air et métaux lourds dans l’eau de mer. Toutes ces pollutions ont un dénominateur commun: la présence de très faibles doses de substances potentiellement toxiques. La liste de leurs conséquences éventuelles sur la santé humaine est longue, depuis les problèmes d’allergies jusqu’au développement, à long terme, de cancers. C’est malheureusement au quotidien que notre planète fait face à la pollution, des quantités croissantes de gaz et de particules potentiellement nuisibles étant émises dans l’atmosphère et entraînant des dommages à la santé humaine et à l’environnement. Elles endommagent également, à long terme, les ressources nécessaires au développement durable. La pollution de l’air est un problème qui affecte les pays développés aussi bien que les pays en développement, tel le Liban, et surtout les grandes villes (Beyrouth, Saïda et Tripoli). Ainsi, on a constaté, en juin 2002, qu’au Liban le taux de polluants dans l’air a dépassé le seuil autorisé. Cette situation alarmante nous pousse à faire quelques réflexions sur les principales sources qui contribuent à la pollution de l’air afin de trouver les solutions adéquates pour y remédier. La pollution de l’air causée par le mazout Sans aucun doute, la circulation de plusieurs milliers de véhicules utilisant le mazout de mauvaise qualité comme carburant a été la cause principale de la pollution de l’air au Liban. Ces véhicules émettent des masses gazeuses gigantesques de polluants comme le dioxyde de soufre (SO2), les oxydes d’azote (Nox), les composés volatils (COV), le monoxyde de carbone (CO), les particules en suspension (Ps), poussières de plomb de vanadium. Des matières très nuisibles à la santé. En ce qui concerne l’ozone, qui est un polluant secondaire, il est aussi formé dans l’atmosphère à partir des composés organiques volatils et des oxydes d’azote sous l’effet du rayonnement solaire. Des études récentes ont prouvé que la circulation d’un véhicule au Liban pollue autant que huit voitures circulant en Europe. Ce qui explique l’intolérable pollution du mois de juin dernier. En effet, la pollution atmosphérique au Liban a dépassé et de très loin les seuils acceptables fixés par la plupart des pays européens (10 fois le seuil autorisé), ce qui s’est traduit sur le terrain par une augmentation des maladies respiratoires constatées sur une grande partie de la population. Et selon un rapport rédigé par l’AUH, le nombre de personnes atteintes de cancer a augmenté de 20 % entre 1999 et 2001. La décision du gouvernement libanais d’interdire le mazout comme carburant pour les voitures est donc la bienvenue, à condition que les réglementations écologiques soient strictement respectées. Nous souhaitons également une prise de conscience «environnementale» au niveau de la population et une stricte application des lois sur l’environnement. Pollution par l’industrie Le développement de l’industrie au Liban-Nord (les usines de Chekka, Heri et Selaata) a déclenché de graves problèmes de pollution de l’air, de l’eau potable et de l’eau de mer. Cela peut entraîner des dangers énormes pour la santé. La capitale n’a malheureusement pas échappé à ces problèmes, car le centre thermoélectrique de Zouk consomme quotidiennement 2000 à 3000 tonnes de fuel contenant 6% de soufre. De ses cheminées s’échappent chaque jour 100 à 150 tonnes de gaz oxydes dont du dioxyde de soufre qui s’oxyde et s’hydrate produisant des aérosols d’acide sulfurique. Ces derniers, mêlés aux particules de suie et à des poussières denses de métaux riches en vanadium et en nickel, deviennent nocifs pour la santé. Plus loin encore, la prolifération des zones résidentielles à proximité de ces grandes usines ne fait qu’aggraver les risques de contamination de la population. Face à cette situation, il faut peut-être prendre comme exemple les pays européens, telle la France, où les stations thermoélectriques sont tenues d’utiliser du super fuel ne contenant que 0,3% de soufre, et mettre fin à la prolifération des habitations limitrophes à ces stations. Alerte à la dioxine autour des incinérateurs des déchets ménagers et hospitaliers Le terme dioxines désigne une famille d’hydrocarbures polyaromatiques portant de 1 à 8 atomes de chlore. La dioxine est donc un composé organochloré, formé par oxydation lors de combustion incomplète de divers dérivés aromatiques chlorés, ou encore dans des réactions secondaires qui apparaissent lors de la synthèse de chlorophénols. En d’autres termes, ce produit chimique est cancérogène et classé dans la catégorie des polluants organiques persistants, POPs. Il n’existe pas une dioxine, mais une famille étendue de composés (congénères) de structures chimiques, et par là d’activités biologiques, voisines. Sous l’appellation «dioxines», on regroupe au total 210 substances différentes. Les incinérateurs médicaux sont une importante source de pollution par les dioxines, les furanes et le PCB. Celles-ci constituent un risque pour la santé humaine et causent une dégradation importante de l’environnement. Le scandale du 20 mars 2002 des cendres toxiques émises par l’incinérateur de l’Hôtel-Dieu de France à Achrafieh a dévoilé l’utilisation officielle des incinérateurs polluants dans des zones résidentielles. Cet hôpital est malheureusement loin d’être le seul, cinq autres hôpitaux, dont trois à Beyrouth, un à Tripoli et un au Sud du Liban, ont recours à ce genre d’installations. À cela s’ajoute la pollution des incinérateurs ménagers, et parmi eux le plus célèbre étant celui de la station de Aamroussié qui pollue l’air de Hadeth, de la banlieue-sud de Beyrouth et de Choueifat. Les effets néfastes des dioxines sur la santé humaine Les incinérateurs de déchets ménagers et de déchets hospitaliers produisent des dioxines, celles-ci se fixent sur des particules de poussière, qui se dispersent dans l’environnement. Les dioxines peuvent pénétrer dans le corps humain par la respiration comme par absorption au travers de la peau ou finalement par ingestion. Si elles sont absorbées par les voies respiratoires, elles s’incrustent facilement dans les poumons et peuvent rester dans le corps et provoquer des effets toxiques, comme l’induction de certaines enzymes du foie. Les dioxines, molécules d’autant plus stables qu’elles contiennent du chlore, substances toxiques et cancérigènes émises sous forme de fines particules, s’introduisent également dans les chaînes alimentaires à partir des végétaux verts et se concentrent dans les niveaux trophiques supérieurs. La plus toxique de ces substances paraît cependant être la tétrachloro-p-dibenzodioxine (TCDD), dont on a mis en évidence la toxicité au niveau de l’épiderme, puisqu’elle provoque notamment le chloracné, une maladie de la peau chronique et défigurante. Ces substances sont omniprésentes dans le sol, les sédiments et l’air. Elles sont produites involontairement lors de processus thermiques mettant en présence du chlore et des substances organiques. Elles peuvent aussi être produites par les incendies de forêts, mais les principales sources d’émission susceptibles d’être contrôlées sont les incinérateurs de déchets. Face aux effets néfastes de la dioxine sur la santé publique, les incinérations médicales et ménagères doivent impérativement être soumises à des règles très strictes. Les déchets hospitaliers, qui contiennent des produits pharmaceutiques et toxiques, doivent dorénavant, lorsqu’ils sont incinérés, être traités à des températures supérieures à 800°C. Mieux encore, on pourrait peut-être suivre la méthode du tri sélectif avec enfouissement après traitement à la chaux et ciment des produits toxiques, et incinération simple des reliquats non toxiques. Contrôle du taux de dioxines dans l’air Certaines dioxines sont cancérogènes, d’où l’application de mesures très strictes et de facteurs de sécurité importants pour le taux de dioxines dans l’air. Des normes ont été mises en place pour contrôler et limiter les dioxines dans l’air en particulier causé par les incinérateurs. Ces molécules n’ayant pas les mêmes toxicités, les scientifiques ont donc créé une unité appelée TEQ (pour Equivalent Toxique) qui est une mesure permettant de rapporter la toxicité d’un isomère à une fraction de la 2, 3,7,8, -TCDD tétrachlorodibenzo-p-dioxine. En fait, pour déterminer le seuil de toxicité, les avis divergent : Les incinérateurs sont soumis à la norme de référence fixée par la communauté européenne et qui est de 0,1 ng/m3. L’agence américaine de protection de l’environnement (USEPA) préconise une valeur inférieure à 0,3 ng/m3. L’OMS (Organisation mondiale de la santé) réalise également, avec le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), des évaluations des risques associés aux polluants organiques persistants, (POPs), dont les dioxines. Elle donne un seuil inférieur à 0,15 ng/m3. Solution à ces problèmes Face à ces problèmes écologiques, il est nécessaire de développer une stratégie écologique durable. Le plus urgent, actuellement, est d’installer des stations de surveillance de la qualité de l’air surtout à Beyrouth, où le volume de pollution est important. Ces stations seront capables de mesurer, d’une façon permanente, la concentration de polluants primaires et secondaires quelle que soit la source de pollution et de déclencher une alerte d’information dans le cas de dépassement du seuil autorisé des polluants gazeux et poussiéreux . Aussi, l’intervention du gouvernement dans le domaine de l’incinération est-elle nécessaire, que ce soit par le contrôle des seuils permis par les normes internationales ou par le contrôle de la conformité des normes appliquées avec les législations nationales. La mise en place d’un organisme, tel qu’un conseil supérieur de l’environnement qui rassemble des experts écologiques et des représentants des ONG, nous paraît nécessaire pour faire face aux problèmes écologiques. Enfin, il est indispensable de faire appel à la prise de conscience et à la responsabilité civique afin de préserver notre environnement, notre santé et celle des générations futures. Dr. Ahmad EL-MOLL , Enseignant à la faculté de santé publique, Université libanaise Chercheur au laboratoire de chimie analytique, Strasbourg, France Références • The Greenpeace report, Human health and incineration, 23 février 2002. • Greenpeace secretly documents toxic ash from hospital incineration dumped in the streets of Ashrafieh, Beirut, 21 mars 2002. • Dr Harth Sleiman, étude sur la pollution de l’air, Beyrouth, avril 2002.
Pesticides dans l’eau de robinet, dioxines dans l’air et métaux lourds dans l’eau de mer. Toutes ces pollutions ont un dénominateur commun: la présence de très faibles doses de substances potentiellement toxiques. La liste de leurs conséquences éventuelles sur la santé humaine est longue, depuis les problèmes d’allergies jusqu’au développement, à long terme, de cancers. C’est malheureusement au quotidien que notre planète fait face à la pollution, des quantités croissantes de gaz et de particules potentiellement nuisibles étant émises dans l’atmosphère et entraînant des dommages à la santé humaine et à l’environnement. Elles endommagent également, à long terme, les ressources nécessaires au développement durable. La pollution de l’air est un problème qui affecte les pays développés aussi bien...
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