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Éloge de la couleur(PHOTOS)
Par GEBEYLI Claire, le 05 septembre 2002 à 00h00
Après de longues, très longues années de grisaille, la couleur s’affiche, dès le début de ce millénaire, vibrante et présente. Si les créateurs vont de plus en plus vers la technologie, ils se tournent actuellement vers la couleur, ou plutôt «les» couleurs vibrantes. Car de nos jours, chaque tonalité, chaque nuance dans le secteur de la mode, de la beauté, de l’ameublement ou de l’automobile n’est évoquée que par ses effets colorés. Des effets tridimensionnels obtenus grâce à la projection de pigments photochromes. Traités synthétiquement ou associés entre eux, ils donnent des nuances et des mélanges féeriques. La mode, et surtout le manquillage ont énormément profité de ces métissages. Certains pigments varient selon la température ambiante ou celle de l’épiderme. Ils servent aujourd’hui de base aux nouveaux rouges à lèvres évolutifs. Aujourd’hui, ce nouvel intérêt manifesté à la couleur, après de longues années dévouées aux tons sombres et sourds, semble triomphant. Autant dans la mode du vêtement que dans le maquillage, l’ameublement, la décoration. Couleurs et maquillage Entre 1989 et 1990, rien de nouveau ne venait faire bouger la technique du maquillage. «Le noir servait de faire valoir à des aplats de couleur». Chanel fut une des premières maisons de cosmétologie à importer du Japon des pigments-lumière. Leur intégration dans le maquillage a exigé beaucoup d’études et d’élaboration. En particulier dans le givrage du tour de l’œil et le camouflage des fines rides. Depuis 1993, Dominique Moncourtois, directeur de la création maquillage, se dédie à l’étude de ces pigments technologiques qui font vibrer la couleur. D’après Arlette Barré-Despond, professeur à l’Université de la Sorbonne, historienne des arts appliqués et du design, «une couleur peut naître d’une crise, et s’imposer». C’est le cas d’une couleur créée par les Anglais durant la Seconde Guerre mondiale. La pénurie a forcé les Anglais à mélanger tous les fonds de peinture noir, marron, vert et gris, créant ainsi une teinte maronasse qui a longtemps régné dans le royaume, autant dans la mode que dans les intérieurs anglais. La couleur du millénaire Aujourd’hui, la société industrielle impose au siècle une similarité de bon goût. Les jeunes cependant, créatifs et imaginaires, introduisent les couleurs que les générations précédentes n’ont jamais portées. D’où les teintes fluo, les accessoires brodés, la palette imaginative et provoquante des temps actuels. Fatalement, le sage et sobre sportswear en prend un coup... Couleurs du temps Un siècle multicolore Les années 1900 sont peu colorées ou restent dans des tons très doux. Et quand les Fauves imposent la couleur, ils ne font pas l’unanimité. Viennent les années de guerre. Tristesse et non-couleur. Ensuite, on s’étourdit: les Années folles dansent en bleu navy, vert céladon, rouge, souvent brodés de perles de cristal. 1925: les couleurs viennent de l’industrie. Métal, caoutchouc marquent en gris, noir ou beige une volonté de changement. 1930: économiquement tout va bien; apparition de l’ivoire, du galuchat. La mode est chic, décorative. Et à nouveau la période de guerre, sinistre, de 1940 à 1945. Il faut attendre les années 50 et 60 pour assister à une explosion phénoménale de couleurs. On colore dans la masse matière plastique et nouveaux textiles. Le pop art entérine le retour de la couleur, liée à une vision optimiste de la société. Les yé-yé s’inventent une mode et un style toniques. En 1970, la mode psychédélique impose ses couleurs. Le mouvement hippie diffuse à l’ensemble du monde ses jupons de couleur, ses djellabas et ses tuniques indiennes. 1974: les babas s’essoufflent. Le choc pétrolier va interrompre une grosse partie des recherches technologiques issues du pétrole. On se retourne vers les matériaux traditionnels. 1977-1980: les punks sont en cuir, nylon ou caoutchouc noir et préparent une voie royale au grunge, puis au minimalisme des années 90. En 1980, le noir est introduit par les stylistes japonais comme Yohji Yamamoto ou Rei Kawakubo (Comme des garçons) qui, sous un paupérisme apparent, apportent «la» nouveauté. La création mondiale adopte le noir et le sophistiqué. 1990: c’est la récession, le chômage, ce qui génère un sentiment d’insécurité. On s’habille à l’identique, en beige, gris, noir à Tokyo, Paris, New York, Londres, Milan et Madrid. Mais une envie de couleurs vives couvait. Elle explose en ce début de millénaire... (Spécial Mode n° 811 «Madame Figaro», Édition internationale). Nouveaux métiers Dessinateur de lunettes «Dessiner des formes, c’est inventer des personnages et, surtout, aider les autres à trouver leur propre personnalité». Alain Mikli dessine des lunettes. De New York à Tokyo, de Paris à Helsinki, de Scandinavie en Amérique du Nord, des milliers de personnes arborent ses lunettes. «Le plus beau cadeau qu’on puisse me faire, c’est porter mes lunettes.» D’origine arménienne, ce dessinateur peu connu, lui-même myope, est un des premiers à avoir introduit l’esthétique et la mode dans la lunetterie. Né en France au milieu du XXe siècle, il découvre, étant lui-même myope, l’importance des lunettes. Ce qui l’oriente vers l’optique. Une fois son diplôme obtenu, il va se consacrer totalement à cette branche de la mode où seul Lafont, en France, essayait d’introduire un peu de créativité dans la conception des lunettes. Passionné par ce métier dont il est le premier client, Alain Mikli se hasarde à innover, ajoutant un peu de fantaisie à ces «béquilles oculaires». Il se met lui-même à imaginer, puis à dessiner de nouveaux designs. Petit à petit, de nouvelles matières sont mises au point. Ainsi, au métier de l’optique qui concerne uniquement la mise au point des verres correcteurs, s’ajoute l’élaboration de la forme, de la matière, de la couleur de la monture. Renouvelée grâce à des jeux de couleurs, la monture en écaille entraîne l’une après l’autre des transformations et des perfectionnements très appréciés par le public. En 1978, Alain Mikli dessine ses premières montures pour les défilés de Chantal Thomas. Par la suite, Dorothée Bis, Jean-Remy Daumas, Jean-Paul Gaultier, Claude Montana ajoutent des lunettes comme accessoires à leurs défilés. Seize ans plus tard, Alain Mikli réalise un chiffre d’affaires de 90 millions de francs, dont 70% à l’exportation. Aujourd’hui, ce myope qui a su voir très loin vend des lunettes, et surtout à ceux qui n’en ont pas «réellement» besoin. Porter une de ses paires constitue un indice de réussite sociale. «Dessiner des formes, dit Alain Mikli, c’est inventer des personnages et, surtout, aider les autres à trouver leur propre personnalité...» Éloge de la brosse Si la balayeuse permet de débarrasser une pièce ou une rue, en chassant détritus et immondices, la brosse à cheveux, elle, constitue le moyen mécanique le plus efficace pour soigner une chevelure. À l’origine, sa fonction était d’éliminer impuretés et poussières déposées. Cent coups le matin, cent coups le soir étaient supposés permettre «à la plus belle parure de la femme» de briller de tout son éclat... L’hygiène en ces temps-là était un luxe... La manche des brosses était en argent ou en écaille. En ivoire aussi, et même en or pour les élues du sort. Il y en avait même des brosses dont le dos était incrusté de pierres précieuses ou frappé d’armoiries. Les temps ont changé, mais les brosses demeurent toujours des accessoires plus qu’utilitaires. Indispensables à l’hygiène et la santé des cheveux, elles sont moins luxueuses mais de loin plus efficaces. Si le plastique a remplacé l’argent et le bois précieux pour le commun des mortels, une brosse de qualité a toujours le dos en bois, platane, hêtre ou cerisier, et sa fabrication est manuelle. Ses soies sont de sanglier de Chine ou d’Inde, coupées sans angles vifs et calibrées avec soin. Ce n’est qu’ainsi seulement qu’elle appartient à l’aristocratie de son clan, justifiant un prix assez proche de la bijouterie précieuse. Pour les cheveux épais et longs, les spécialistes conseillent des brosses nylon et soie de sanglier. Les deux matières absorbent l’humidité et facilitent la répartition du sébum depuis les racines jusqu’aux pointes. Il faut avouer qu’une brosse de qualité est une alliée précieuse pour la chevelure. Elle coiffe sans agresser, remet les cheveux en place, leur donne souplesse et brillance. Détail amusant: une brosse de qualité est livrée avec sa brosse de nettoyage, son shampooing (à employer deux fois par an uniquement). Le tout dans un conditionnement d’origine où elle devra être gardée... Il va de soi que le prix de l’instrument est à la hauteur de son impérissable utilité: de 190 à 650 euros, selon le modèle choisi et ses performances... Mais il s’agit là, on l’aurait compris, de la Rolls des brosses. Il en existe des plus modestes d’une utilité égale... Vogues Volent, volent, les volants Comme des papillons chassés par un vent trop fort, volent les volants à la cadence de la marche. L’été 2002 frétille par la grâce de cette lubie de la mode... On les croyait passés de mode, car voilà plusieurs décennies que seules les danseuses espagnoles étrennaient ce pêle-mêle mousseux, indispensable élément de leur prestation. Mais la vogue «lingerie drapée dessus» de cet été ramène à la une l’écume froufroutante des volants. Depuis l’été passé, discrètement cachés à demi sous une jupe, chez Prada, les volants annonçaient le retour de flamme pour cette technique de la couture, thème récurrent de l’arsenal couturier. Cet été, les amples plissés soleil chez Dolce et Gabbana, les tulles froissés serrés chez Gucci annoncent la tendance... Paris confirme l’engouement, couronné par la collection Balenciaga, entièrement composée de superposition de volants fous... Ruché, coulissé, drapé, bouillonné, autant de mots qui reviennent dans le vocabulaire technique rappeler qu’au fond, tout n’est qu’un perpétuel recommencement... Rêvons en gris Il s’en va, s’éclipse un peu, pour revenir en force... Couleur contestée, le gris compte aussi des adoratrices ferventes. Chiné, anthracite, souris ou perle, il se conjugue en plusieurs nuances, ce qui permet à chaque personne de trouver le ton à adopter. Le gris, en effet, c’est une lueur métallique et froide. Avec lui, il est rare de s’offrir de griseries. Cela dit, il a le rare avantage de permettre les plus subtiles, les plus originales variations de couleurs. Il faut cependant savoir l’amadouer, car son crime le plus grave c’est de donner au teint une nuance de plomb! À éviter en gris: la jupe stricte ou à mi-mollets. Pire encore: sous le genou, qui vieillit et colle l’étiquette «femme d’affaires». Mieux vaut préférer le pantalon. En gris, le tailleur masculin-féminin, veste pantalon (en lin pour l’été, style rustique) est un bon choix à faire. Par quoi l’animer? À bannir: t-shirts, polos et teintes primaires. Couleurs froides aussi. Tous ces faux amis risqueraient de banaliser l’ensemble, lui donnant une apparence «mamie endimanchée». Les coloristes «in» avertissent: «danger de mort: le rouge et le rose-rose». Pour eux, le gris ne se marie sans dégâts qu’avec les tons inattendus, y compris et surtout les foncés: vert canard, brun chocolat. Une variation inattendue serait le «tout en gris», mais en jouant sur la matière: lin, soie, pailleté, argenté, chiné. Très glamour: le petit jupon qui dépasse (à peine) sous la jupe grise ou la veste portée à même la peau avec bijoux et accessoires «argent». À éviter: le maquillage en rose bonbon. Eye-liner et fard à paupière gris perle. Bouche rouge. Les blondes et les rousses ont tout intérêt de choisir leur gris foncé. Les brunes seront avantagées par le gris satiné, avec des accessoires de teinte acidulée. L’anthracite, ce gris grave, change de vocation porté en ensemble tailleur pantalon et un t-shirt doré assorti au maquillage.
Après de longues, très longues années de grisaille, la couleur s’affiche, dès le début de ce millénaire, vibrante et présente. Si les créateurs vont de plus en plus vers la technologie, ils se tournent actuellement vers la couleur, ou plutôt «les» couleurs vibrantes. Car de nos jours, chaque tonalité, chaque nuance dans le secteur de la mode, de la beauté, de l’ameublement ou de l’automobile n’est évoquée que par ses effets colorés. Des effets tridimensionnels obtenus grâce à la projection de pigments photochromes. Traités synthétiquement ou associés entre eux, ils donnent des nuances et des mélanges féeriques. La mode, et surtout le manquillage ont énormément profité de ces métissages. Certains pigments varient selon la température ambiante ou celle de l’épiderme. Ils servent aujourd’hui de base...