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Actualités - CHRONOLOGIE

Médias - Trois mois après, les responsables se souviennent de l’infraction à la loi électorale Suite et fin d’une chronique annoncée : de la cire rouge pour sceller les portes de la MTV

À l’heure où le Liban attend comme une aubaine messianique un Paris II auquel participeraient de nombreux pays ayant en commun le respect de la démocratie, des droits de l’homme et des libertés publiques, à l’heure où Fouad Siniora présente le budget 2003 comme étant celui « de la dernière chance » avant une faillite quasiment annoncée, à l’heure où un soldat de l’armée se fait tuer sur le territoire libanais, en faisant son devoir, par des réfugiés palestiniens surarmés, à l’heure où le gendarme yankee de la planète accuse le Hezbollah, ultracautionné par Damas et donc Beyrouth, de financer le terrorisme avec des narcodollars, à l’heure où le chef de l’État réitère sans se fatiguer sa volonté de parrainer l’indispensable dialogue national, certains pôles du pouvoir ne pensent qu’à fermer définitivement une chaîne de télévision : la MTV de Gabriel Murr. Des soldats et des membres des FSI ont ainsi encerclé les locaux de la télévision, à Achrafieh et à Naccache. C’était hier à 17 heures, sur décision de la chambre de conseil (qui a le droit de condamner sans même avoir écouté la défense de l’organisme incriminé) du tribunal des imprimés. Lequel tribunal (avisé par le parquet, lui-même interpellé par la Sûreté générale) a ordonné la fermeture définitive, « et sans appel », de la chaîne de télévision, ainsi que de Radio-Mont-Liban. Et, comble de l’absurde, l’apposition de scellés à la cire rouge sur les portes des locaux en question. Alors que le procureur de la République, Adnane Addoum, a affirmé que la chaîne pouvait introduire un recours contre la décision de fermeture. Un jugement gracieux, notons-le, qui n’a pas été pris à l’unanimité, la juge Ghada Aoun s’y étant clairement opposée. Tout cela sans oublier l’inadmissible excès de zèle – fermement dénoncé par Ghazi Aridi – des forces armées qui ont bouté, manu militari et sans aucune espèce de considération, l’ensemble des employés de la MTV et de RML hors de leurs bureaux. La MTV est une chaîne de télévision résolument souverainiste, d’opposition et antisyrienne. Son propriétaire, Gabriel Murr, aujourd’hui membre de Kornet Chehwane, a été élu député du Metn le 2 juin dernier (on dit que le Conseil constitutionnel annulerait sa députation), après un décompte électoral d’anthologie, en battant sa nièce, Myrna Murr Aboucharaf, la fille de son frère ennemi, l’ancien « superministre abadaye » Michel Murr. En éliminant donc les ultraloyalistes. La première question qui se pose est évidente : est-ce une décision purement judiciaire ? Ou une volonté foncièrement et éminemment politique ? Le ministre de l’Information, hors de lui devant les locaux de la chaîne de télévision, n’hésite pas. « Je respecte la justice, mais je sais comment les choses se passent dans ce pays, je sais personnellement que cela fait deux mois que l’on veut fermer la MTV pour des raisons politiques. Vous savez pertinemment bien qui est l’homme qui a pris cette décision. Je dis cela en toute conscience, et j’assume chacun de mes mots », a asséné Ghazi Aridi. Qui ignorait tout, jusqu’au dernier moment, de la fermeture de la chaîne de télévision. Certes, le tribunal des imprimés n’a fait qu’appliquer, stricto sensu, l’article 68 de la loi électorale. Sauf que cette décision est totalement sans précédent. En 2000, Télé-Liban, sous l’impulsion du Premier ministre de l’époque, Sélim Hoss, n’a pas été inquiétée une seule seconde lorsqu’elle a enfreint, durant toute la bataille des législatives, ce même article 68. En diffusant à satiété des vidéo-clips foncièrement antihaririens. D’ailleurs, dans quel pays au monde l’Exécutif se prive-t-il d’influencer gentiment le judiciaire, en demandant plus ou moins de clémence, dans un cas ou dans l’autre ? On peut d’ailleurs se demander dans quelle mesure le Conseil des ministres n’est pas, ne serait-ce que passivement, complice de cette fermeture. La décision de Ghazi Aridi (et c’est la moindre des choses que les Libanais sont à même d’attendre de lui) de boycotter, aujourd’hui, le Conseil des ministres est lourde de sens. Quoi qu’il en soit, si le ministre de l’Information, le plus directement concerné, avec son (injoignable) collègue à la Justice Samir Jisr, par ce choc du 4 septembre, ne fait que confirmer ce que toute une population devine, force est de remonter un peu dans le temps pour tenter de comprendre, encore davantage, les dessous, les fils, les nœuds gordiens de cet imbroglio. Qui a fini par se dévoiler sérieusement hier, en un véritable séisme qui a secoué le monde médiatico-politique. Dans une interview accordée dans son édition du 7 août dernier à L’Orient-Le Jour, c’est-à-dire aux lendemains de la tuerie de Mazraa et de l’accusation faite à la LBCI d’avoir sciemment voulu provoquer des dissensions confessionnelles, une source ministérielle affirmait sans ambages que cette même LBCI « n’est qu’un paravent. C’est la MTV qui est réellement visée ». La source en question avait évoqué « ces flagorneurs, ces flatteurs qui gravitent autour de Baabda, qui en veulent à la MTV comme personne et comme jamais, et qui n’ont eu de cesse de convaincre Ghazi Aridi de fermer cette télévision. Mais sans succès, celui-ci refusant catégoriquement les excès de zèle des voyous et des terroristes », a ajouté la source en question. Le « dérapage » de la LBCI était une occasion trop belle pour les contempteurs hyperactifs de la MTV. Le 8 août dernier, le procureur général près la cour d’appel de Beyrouth, Joseph Maamari, engage des poursuites contre la télévision de Gabriel Murr. Sans que Ghazi Aridi, déjà, n’en soit le moins du monde au courant. Poursuites pour deux motifs totalement distincts. Premièrement : une des émissions du programme Sondage (Istifta’), accusée de contenir des séquences qui « troublent les relations du Liban avec un pays frère (la Syrie), qui portent atteinte à la dignité du chef de l’État, qui sont des insultes à l’encontre des services de sécurité et qui troublent l’ordre public ». Deuxièmement – et surtout – : propagande électorale illicite. Dixit, répétons-le, la Sûreté générale. Un haut responsable de la MTV, interrogé par L’Orient-Le Jour (voir notre édition du 10 août), confirme que c’est le second motif qui est « beaucoup plus gros. Ils sont remontés de deux mois pour nous accuser de publicité électorale illicite. C’était donc avant le 11 juillet 2002, lorsque le Conseil des ministres avait décidé d’amnistier toutes les fautes commises avant cette date. Ce qui est très grave, c’est que si la justice décide qu’il s’agit d’une infraction à l’article 68, elle peut décider de suspendre la MTV ou de la fermer définitivement », soulignait déjà ce haut responsable de la chaîne de télévision. « Légalement, ils auraient dû sanctionner la MTV durant la période qui a précédé les élections, c’est-à-dire celle au cours de laquelle “la publicité électorale illicite” a eu lieu. Imaginez ce pouvoir, ces prérogatives que vous donnez à un seul tribunal alors que ni le Conseil national de l’audiovisuel ni le Conseil des ministres n’en disposent. Dans tous les cas, le ministre de l’Information a demandé à la direction de la MTV de patienter. Qu’il allait s’en occuper. Mais je doute qu’il puisse faire quelque chose face à eux... Face à Élias Murr, Jamil Sayyed, etc. », pressentait déjà cette source autorisée à la MTV. Ainsi, au-delà de cette chronique d’une fermeture (presque publiquement) annoncée de la MTV, bien plus acte politique que décision judiciaire, il y a, d’abord, l’inquiétant précédent que constitue la décision du tribunal des imprimés. Les autorités vont-elles s’arrêter à la MTV ? La presse écrite et les médias audiovisuels, tous ou presque solidaires de la MTV, ont toutes les raisons du monde, aujourd’hui encore plus qu’hier, de parler d’une véritable épée de Damoclès. Il y a aussi, mais c’est la énième fois qu’elle prouve sinon sa partialité et sa sélectivité du moins son incohérence, la justice libanaise. Qu’il faudrait, à réécouter Hussein Husseini, réinventer. Il y a enfin, jeté aux yeux du monde par un pays en quête effrénée de crédibilité et de soutiens, une nouvelle et encore plus inadmissible estocade faite sans états d’âme aucuns à la démocratie et aux libertés publiques. Encore une fois, la sottise ne sied jamais à un État. Surtout lorsqu’il est en voie de développement. Ziyad MAKHOUL
À l’heure où le Liban attend comme une aubaine messianique un Paris II auquel participeraient de nombreux pays ayant en commun le respect de la démocratie, des droits de l’homme et des libertés publiques, à l’heure où Fouad Siniora présente le budget 2003 comme étant celui « de la dernière chance » avant une faillite quasiment annoncée, à l’heure où un soldat de l’armée...