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ENTRETIEN - Berge Sétrakian dresse le bilan de l’association qu’il préside L’Ugab au service de la diaspora arménienne(PHOTO)
Par ELHAGE ANNE MARIE, le 01 janvier 2001 à 00h00
Il est le premier Libanais d’origine arménienne à avoir été élu président de l’Union générale arménienne de bienfaisance (Ugab). Une union qui, forte de sa présence dans 25 pays et 77 grandes villes, est la plus importante association de bienfaisance de la communauté dans le monde. Né au Liban, exerçant son métier d’avocat à New York, où il vit depuis 1976, Berge Sétrakian, aujourd’hui citoyen américain, milite activement, tant en faveur de la conservation par la communauté arménienne de son identité, qu’en faveur de la cause libanaise qui lui est chère. Rencontre avec l’Arménien d’origine, le Libanais de cœur et l’Américain d’adoption. Septième président de l’association depuis février dernier, Berge Sétrakian dresse un bilan des réalisations de l’Ugab ainsi que de ses projets pour les années à venir. Des réalisations qui ont tenu compte des priorités de chaque période, ainsi que des événements qui ont marqué l’ensemble de la communauté arménienne. Avec un budget global de 32 millions de dollars en 2001, l’Ugab, qui fêtera bientôt son centenaire, apporte son soutien, à l’heure actuelle, à près de 500000 personnes, au moyen de bourses scolaires et universitaires, de formations professionnelles, d’aides à l’emploi, ainsi que d’assistance sociale et culturelle. Cela par l’intermédiaire des comités locaux des pays dans lesquels est disséminé l’ensemble de la diaspora arménienne. L’Ugab contribue, par ailleurs, à encourager cette diaspora, estimée à près de 8 millions de personnes, à s’intégrer totalement dans ses pays d’adoption, tout en conservant son identité. Priorité à l’éducation Fondée en 1906 par Boghos Noubar Pacha, mécène égyptien d’origine arménienne, fils du ministre Noubar Pacha, l’Union générale arménienne de bienfaisance avait pour projet initial d’offrir une aide aux agriculteurs arméniens en leur fournissant des équipements agricoles, afin de réduire l’exode rural vers la ville d’Erevan. «C’est en 1909, raconte Berge Sétrakian, dès les premiers massacres d’Arméniens qui se sont déroulés à Adana, que l’organisation a concentré son action sur l’aide humanitaire et sociale d’une diaspora dispersée, dans un premier temps, à travers le Liban, la Syrie, Chypre et la France». Elle a, progressivement, ressenti la nécessité de s’adapter aux nouvelles conditions de vie de la nation arménienne. «Il devenait impératif, ajoute-t-il, d’accorder une place prioritaire à l’éducation de la nouvelle génération issue du génocide.» C’est ainsi, à partir des années 1940, que l’Ugab a fondé, dans les pays d’adoption, de nombreux orphelinats, mais aussi des écoles primaires et techniques. «Au fil des années, poursuit M. Sétrakian, il fallait encourager les membres de la communauté arménienne à s’établir de manière définitive dans leurs secondes patries». Vers les années cinquante, des bourses d’études universitaires ont été délivrées aux étudiants alors qu’une nouvelle organisation de la vie communautaire se dessinait. N’ayant plus lieu d’être, les orphelinats laissaient la place aux loisirs ainsi qu’à des activités intéressant les jeunes, comme le scoutisme, le sport, les associations de jeunesse, les publications, etc. Activités qui les encourageaient à s’intégrer pleinement dans leurs nouvelles patries, tout en conservant la spécificité religieuse, ethnique et culturelle de la communauté arménienne. C’est dans les années soixante que la force de la diaspora arménienne a atteint son paroxysme au Liban, où elle représentait la plaque tournante de la communauté arménienne du monde. «Cette force, note le président de l’Ugab, vient principalement du régime politique communautaire existant au Liban, qui a encouragé et préservé le développement de la vie communautaire arménienne et qui lui a permis de conserver une grande autonomie.» Non moins de sept écoles arméniennes ont ainsi vu le jour au Liban, au même titre que des équipes sportives, des associations de jeunesse, des mouvements scouts et même des publications. C’est d’ailleurs par l’intermédiaire de sa famille, mais aussi et surtout du scoutisme, que Berge Sétrakian a intégré l’Ugab, au Liban, alors qu’il avait grandi et évolué au sein d’une communauté libanaise non arménienne. Une nouvelle philosophie Mais depuis les années de guerre, durant lesquelles un important mouvement démographique de la communauté arménienne a été constaté vers les pays d’Amérique du Nord, notamment les États-Unis et le Canada, «le Liban a perdu son rôle de plaque tournante», constate M. Sétrakian. D’autant plus que, suite à l’éclatement de l’URSS, l’indépendance de l’Arménie en 1991 et l’émergence d’une communauté forte de plusieurs millions de personnes ont atténué l’influence du Liban à ce niveau. La solidarité et les aides de la communauté arménienne se sont alors focalisées sur la patrie mère à travers l’Ugab. Des universités, des hôpitaux et des restaurants du cœur ont ainsi vu le jour en Arménie, alors que les talents artistiques et culturels étaient encouragés. «Notre but, explique le président, était de donner de l’espoir au peuple arménien tout en permettant aux artistes de vivre décemment de leur art en Arménie.» Par ailleurs, ajoute-t-il, la collaboration de l’Ugab avec l’Église d’Arménie a permis l’expansion de la foi chrétienne, après la chute du communisme. Aujourd’hui, poursuit-il, «même si l’organisation traverse une période difficile, vu la récession mondiale et malgré la diminution de la solidarité qui s’est soldée par une baisse des donations de 60 %, les activités de l’association continuent, car les bénévoles ne manquent heureusement pas». D’ailleurs, ajoute-t-il, «nous envisageons sérieusement la possibilité d’intégrer les 27 écoles de l’Ugab dans une seule grande institution et de continuer à renforcer la vie sociale et culturelle de notre communauté». Certes, les priorités de l’Ugab ont changé, de même que son idéal et sa philosophie. «L’intégration de la communauté arménienne dans ses différents pays d’adoption n’est plus un problème, elle est un fait accompli, d’autant plus que nous travaillons avec la quatrième génération d’Arméniens immigrés», remarque Berge Sétrakian. «Certains, observe-t-il, notamment parmi ceux qui vivent aux États-Unis, en France ou au Canada, ne parlent même plus leur langue d’origine.» À la veille du congrès mondial de l’Ugab qui se déroulera à New York au mois d’octobre, et à l’approche du centenaire de l’institution, «un bilan de notre action durant le siècle passé s’impose», conclut Berge Sétrakian. «Bilan qui nous mènera à repenser nos méthodes, à revoir notre rôle, nos buts et nos missions, à savoir quel Arménien nous voulons servir, car notre souci actuel est la survie de l’ethnicité et de l’identité arméniennes.» Anne-Marie EL-HAGE
Il est le premier Libanais d’origine arménienne à avoir été élu président de l’Union générale arménienne de bienfaisance (Ugab). Une union qui, forte de sa présence dans 25 pays et 77 grandes villes, est la plus importante association de bienfaisance de la communauté dans le monde. Né au Liban, exerçant son métier d’avocat à New York, où il vit depuis 1976, Berge Sétrakian, aujourd’hui citoyen américain, milite activement, tant en faveur de la conservation par la communauté arménienne de son identité, qu’en faveur de la cause libanaise qui lui est chère. Rencontre avec l’Arménien d’origine, le Libanais de cœur et l’Américain d’adoption. Septième président de l’association depuis février dernier, Berge Sétrakian dresse un bilan des réalisations de l’Ugab ainsi que de ses projets pour les...