Actualités - CHRONOLOGIE
Parlement - La privatisation de l’électricité votée (55 oui, 19 non et une abstention) Les bus roulant au mazout interdits à partir du 31 octobre
Par ABOU RIZK Tilda, le 15 août 2002 à 00h00
L’interdiction des bus roulant au mazout à partir du 31 octobre prochain a presque éclipsé, hier, place de l’Étoile, le vote du projet de loi sur la privatisation de l’électricité, qui a été approuvé avec deux amendements, l’un préservant les droits des municipalités et l’autre les acquis des employés de l’EDL. On craignait que la Chambre ne se dédise et n’approuve une proposition de loi, présentée la veille par cinq parlementaires et autorisant les chauffeurs de minibus à circuler de nouveau jusqu’à ce que du gazole vert soit importé. Il n’en fut rien et c’est une contre-proposition de loi interdisant de circulation tous les véhicules roulant au mazout qui a été approuvée, en dépit des vives protestations du bloc du Hezbollah et d’un groupe de députés des régions périphériques. Pour sa dernière réunion avant les vacances parlementaires, la Chambre a ainsi défriché le terrain à l’Exécutif qui pourra maintenant passer à la deuxième étape – après la téléphonie mobile – du processus de privatisation, considéré comme étant le pilier du programme de redressement au gouvernement Hariri, et – qui sait ? – peut-être réorganiser dans le même temps le secteur des transports en commun. Zoom sur la privatisation de l’électricité d’abord : le texte recueille, sans surprise, la majorité parlementaire, en dépit d’une dernière et vaine tentative de ses détracteurs de mettre en relief les inconvénients d’une privatisation de l’EDL dans les circonstances internationales et locales actuelles. Dix-neuf députés s’y opposeront et un seul, M. Nassib Lahoud, s’abstiendra. À l’ouverture de la réunion, il est le premier à annoncer qu’il n’a pas l’intention de voter en faveur d’une « privatisation qui intervient à un moment inopportun et qui sera réalisée par une autorité inacapable de la gérer de manière transparente ». M. Lahoud prend soin d’expliquer qu’il ne discute pas de la privatisation en tant que choix stratégique « puisqu’elle peut s’avérer être un succès si elle est réalisée dans de bonnes conditions administratives, financières et politiques ». « Le problème, ajoute-t-il, est que la privatisation est proposée aujourd’hui comme une issue à l’impasse financière dans laquelle le Liban se trouve. N’oublions pas que c’est à cause de cette impasse que Paris II se tient et que la privatisation est l’une des conditions posées pour la tenue de cette conférence, ce qui ne veut pas pour autant dire qu’elle sera réalisée dans les meilleures conditions possibles. » M. Hussein Husseini, qui avait la veille exprimé son opposition au projet de loi, revient à la charge. M. Boutros Harb renouvelle sa proposition d’ajourner la privatisation de l’EDL. Le président de la Chambre, Nabih Berry, est sur le point de s’étrangler. « Mais qu’est-ce qui vous prend ? Vous avez eu suffisamment de temps hier (mardi) pour commenter le texte. Il faut bien qu’on s’y attaque », s’écrie-t-il. Mais les députés hostiles au projet ne l’entendent pas de cette oreille et poursuivent sur leur lancée. Ils s’efforcent d’expliquer au gouvernement qu’il a tout à gagner s’il patiente avant de céder l’électricité au secteur privé et beaucoup à perdre s’il fait preuve de précipitation. M. Hariri n’est pas cependant de cet avis et sa réponse est principalement adressée à M. Lahoud : « Il était bien précisé dans la déclaration ministérielle que la privatisation est un des moyens auxquels il faudra avoir recours pour assainir les finances publiques. Et ce n’est pas vrai que les conditions ne sont pas propices aujourd’hui à une privatisation. Nous avons entendu le même discours et les mêmes mises en garde lorsqu’il a été question de confier la gestion de la téléphonie mobile au secteur privé. Mais je dois vous dire qu’après la publication d’une annonce à ce sujet, nous avons reçu des offres de quinze sociétés arabes et occidentales qui désirent participer aux enchères et à l’adjudication internationales. Notre projet suscite donc l’ intérêt. » M. Harb ironise : « Oui, mais à quels prix » va-t-on vendre ces services ? Le chef du gouvernement s’abstient de répondre. Le ministre de l’Énergie et de l’Eau, Mohammed Abdel-Hamid Beydoun, tente lui aussi d’apaiser les craintes des parlementaires en expliquant qu’il ne s’agit pas de vendre l’électricité puisque le secteur du transport du courant restera la propriété de l’État. La proposition d’ajourner l’examen du texte est soumise au vote. Elle ne passe pas. Le texte est ensuite étudié article par article. Certains articles font l’objet de longues discussions. D’autres sont légèrement amendés, juste pour qu’ils soient plus précis. Et le texte finira par être approuvé (55 voix pour, 19 contre et une abstention) avec deux seuls amendements majeurs : le premier concerne les sommes collectées par l’EDL pour le compte des municipalités : « Lorsque le secteur de l’électricité sera privatisé, c’est le Trésor qui assumera le remboursement des sommes dues par l’EDL et la Kadischa aux municipalités. Dès que le projet de privatisation aura été réalisé, le ministère des Finances entreprendra de les distribuer aux municipalités. » Le deuxième se rapporte aux revendications des employés de l’EDL qui obtiendront leurs indemnités de fin de service au cas où ils seraient classés comme étant surnuméraires, conformément aux dispositions en vigueur jusqu’à aujourd’hui au sein de leur organisme, c’est-à-dire qu’ils obtiendront l’équivalent d’un mois de salaire pour chaque année au cours de la première tranche de 10 ans, deux mois par année pour la deuxième tranche de 20 ans et trois mois par année après 30 ans de service. Chéhayeb : « Il y va de notre dignité » Après le vote du projet de loi, la Chambre approuve trois propositions de loi. La première porte sur l’organisation d’un concours pour nommer des aides-contrôleurs à la douane. La deuxième prévoit la prorogation d’un an du délai qui avait été fixé pour la suppression des atteintes à la loi sur le bâtiment, sans paiement d’amendes, et la troisième supprime les frais d’inscription aux écoles publiques. Elle renverra quatre autres en commissions pour complément d’étude avant de s’attaquer à la proposition de loi concernant les minibus roulant au mazout. Si le texte est laissé pour la fin, c’est en raison du débat qu’il est à même de susciter et qu’il a d’ailleurs suscité. Président de la commission parlementaire de l’Environnement, M. Akram Chéhayeb met en garde contre le retour des minibus roulant au diesel, même si c’est pour un temps déterminé. « Il y va de notre dignité. Nous ne devons pas donner l’impression que nous faisons machine arrière dès que nous sommes soumis à des pressions, comme cela s’est passé avec la loi sur le code de procédure pénale », que la Chambre a votée avant de l’amender moins d’un mois plus tard, s’exclame-t-il, exhortant les députés à approuver une contre-proposition de loi, soumise à la Chambre le matin même par M. Ali Hassan Khalil (membre du bloc Berry) et stipulant un règlement plus général. Celle-ci prévoit l’interdiction des bus roulant au mazout à partir du 31 décembre, l’indemnisation des chauffeurs des véhicules qui ont été obligés de s’arrêter, qu’elle encourage aussi à importer de nouveaux véhicules ou de nouveaux moteurs en les exemptant du paiement des droits de douane et de la taxe d’enregistrement des voitures. Piqué au vif par les propos du député de Aley, M. Berry réplique : « Que personne ne pense que nous légiférons sous pression. (...) Mais il faut reconnaître qu’il y a eu une erreur et une injustice dont je suis peut-être responsable. Nous n’avons pas traité sur un pied d’égalité les bus pouvant transporter 15 passagers et ceux qui peuvent en accueillir 24, mais je ne savais pas que les grands bus pouvaient être dotés de moteurs à essence. » Le chef du gouvernement vole à sa rescousse : « En dépit de la politique d’austérité en vigueur, nous devons assurer les fonds nécessaires à ce projet qui a trait à la santé publique et à l’environnement .» Il est évident que la proposition de loi est le fruit d’un consensus entre les trois principaux blocs parlementaires de MM. Berry, Hariri et Joumblatt. Seuls les députés du Hezbollah et du PSNS continuent de défendre âprement, pour des considérations d’ordre social, disent-ils, le droit des minibus à rouler en attendant l’importation de gazole propre. Des députés des régions périphériques se mêlent aussi de la partie en insistant sur les problèmes de transport qui se posent depuis que les minibus ont dû s’arrêter. Le débat se poursuit, fiévreux, pendant que, dans un coin de l’hémicycle, les ministres des Finances, Fouad Siniora, et de l’Environnement, Michel Moussa, s’attellent avec les députés Hussein Hajj Hassan et Ali Hassan Khalil à trouver une solution qui serait acceptée par tous. M. Boutros Harb s’interroge sur le coût de l’opération d’indemnisation et se dit persuadé que c’est le contribuable qui va l’assumer. Entre-temps, les amendements sont soumis au vote, en même temps que le texte. Le délai fixé pour l’interdiction des bus est ramené au 31 octobre 2002 au lieu du 31 décembre et les taxis peuvent également bénéficier des facilités et des indemnités accordées aux chauffeurs de bus et de minibus à partir du moment où la loi sera mise en vigueur. Si le problème des véhicules roulant au mazout a été ainsi réglé, on ne peut pas en dire autant pour celui des voitures aux moteurs défectueux dégageant de la fumée blanchâtre toxique – et elles sont nombreuses – qui continuent à circuler sur nos routes, en l’absence de contrôle mécanique. M. Chéhayeb tente de sensibiliser ses collègues sur ce point. Sans succès. Tout le monde avait hâte de partir. Les vacances parlementaires commencent demain. Tilda ABOU RIZK
L’interdiction des bus roulant au mazout à partir du 31 octobre prochain a presque éclipsé, hier, place de l’Étoile, le vote du projet de loi sur la privatisation de l’électricité, qui a été approuvé avec deux amendements, l’un préservant les droits des municipalités et l’autre les acquis des employés de l’EDL. On craignait que la Chambre ne se dédise et n’approuve une proposition de loi, présentée la veille par cinq parlementaires et autorisant les chauffeurs de minibus à circuler de nouveau jusqu’à ce que du gazole vert soit importé. Il n’en fut rien et c’est une contre-proposition de loi interdisant de circulation tous les véhicules roulant au mazout qui a été approuvée, en dépit des vives protestations du bloc du Hezbollah et d’un groupe de députés des régions périphériques. Pour sa...