Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGE

Droits de l’homme - Le rapport sur les personnes disparues reporté à une date ultérieure Les parents des détenus veulent rencontrer Bachar el-Assad

La scène était poignante mardi lors de la rencontre entre une délégation de parents des détenus en Syrie et le président de la commission pour les personnes disparues, Fouad es-Saad. Venus s’enquérir au sujet du rapport que devait établir la commission, les parents obtiendront cette réponse décevante de la bouche du responsable : « Pour l’instant, la publication du rapport n’est dans l’intérêt de personne ». Que doivent en conclure les familles qui réclament depuis des années une investigation sur le sort de leurs fils ou frères, détenus en Syrie ? Quelle interprétation donner au silence dans lequel se confine le ministre ? Cela faisait un mois que les parents attendaient la fin de la mission confiée à cette commission dont le mandat vient d’ailleurs d’expirer. Fouad es-Saad avait alors affirmé que cette instance avait pratiquement finalisé son travail et que les conclusions de la commission devaient incessamment être publiées. Ce ne fut pas le cas. « Vous avez intérêt à ce que le rapport ne soit pas publié maintenant. Donnez-nous un peu de temps pour que l’on puisse avancer sur ce dossier, en toute discrétion », a-t-il affirmé aux mères en larmes. Interrompu à plusieurs reprises par les familles déchaînées, M. Saad cherchait ses mots, pour maquiller une vérité que seule la commission d’investigation détient. « Vous avez attendu longtemps jusqu’à présent. Patientez encore un peu pour que l’on puisse traiter cette affaire avec sagesse et loin des pressions médiatiques ». Et M. Saad de faire part de « négociations secrètes » qui doivent être entamées « pour que l’on puisse parvenir à un résultat tangible ». « Il m’est impossible à ce stade de dire toute la vérité », a-t-il ajouté. Là encore, les propos du ministre étaient on ne peut plus flous. De quelles négociations s’agit-il ? Est-ce à dire qu’un espoir quelconque subiste encore pour toutes ces familles qui s’accrochent au moindre indice ? « Nous voulons être fixés une fois pour toute. S’ils sont morts, qu’on nous le dise », crie une mère en brandissant une pancarte réclamant à la Syrie la libération des détenus. « Rendez-nous nos fils, nous vous donnerons la paix », pouvait-on lire sur le calicot. Interrogé sur une information de presse faisant état de « 96 dossiers sérieux » que la commission « suit de près », M. Saad a affirmé ne pas être au courant de ce chiffre. « Nous traitons l’ensemble du dossier, c’est à dire les 750 cas qui nous ont été notifiés et non seulement les cas particuliers », a-t-il répondu. Ce chiffre représente les dossiers de tous les disparus de la guerre au Liban et à l’étranger, y compris ceux qui auraient été détenus en Syrie, c’est-à-dire 196 personnes, dont on ignore toujours le sort. D’après les ONG qui suivent ce dossier de près, plusieurs d’entre eux seraient encore en vie. D’ailleurs, de multiples témoignages viennent corroborer cette thèse – certains de ces détenus ont été vus et reconnus dans les prisons syriennes – continuant d’alimenter l’espoir des familles. Celles-ci réclament inlassablement qu’une enquête sérieuse soit entreprise, pour écarter tout doute à ce sujet. Revenant à la charge, la mère de Dani Mansourati, disparu au début des années 90, fait part du dernier témoignage qui lui est parvenu par téléphone. « J’ai reçu un appel anonyme il y a exactement deux mois, d’un ex-prisonnier qui vient d’être relâché en Syrie. Il m’a transmis un salut de mon fils avec lequel il partageait la même cellule. » Fouad es-Saad prend note et promet de s’enquérir sur le sujet. Comme beaucoup de familles dont le malheur a été exploité par des opportunistes, Mme Mansourati fait état des sommes importantes qu’elle a déjà versées dans l’espoir d’obtenir la moindre information sur son fils. Il y a quelques jours, en réponse à une question lors de sa réunion avec le Rassemblement des dirigeants et chefs d’entreprises du Liban (RDCL), le Premier ministre Rafic Hariri avait pourtant annoncé que ce dossier était clos et qu’il n’y avait plus lieu de le soulever. « Comment peut-il dire une chose pareille alors que c’est lui qui a mis sur pied la commission d’investigation, laquelle n’a même pas encore publié son rapport ? », s’interroge Wadad Halwani, présidente de l’Association des parents de détenus. Brandissant un calicot sur lequel il est inscrit que le gouvernement ferait mieux de démissionner s’il n’est pas capable d’éclaircir ce dossier, le frère d’un détenu crie sa déception au ministre, en lui demandant la raison pour laquelle le pouvoir accorde plus d’importance aux détenus des prisons israéliennes. « Il faut nous le dire si vous êtes incapable de gérer ce dossier », lance cet homme. « Je vous préviendrai le jour où je ne pourrai plus rien faire. Mais jusque-là, je suis encore de très près cette affaire », rétorque le ministre qui n’arrive toujours pas à convaincre les familles de la nécessité du report de la date de publication des résultats des enquêtes entamées il y a un an et demi par la commission. « La mission confiée à cette instance ne pouvait mener à rien, puisqu’elle n’a aucune prérogative pour effectuer les investigations nécessaires et entendre les témoignages », commente Ghazi Aad, président de l’Association de soutien aux Libanais en détention ou en exil (Solid). « Pour pouvoir enquêter dans les prisons syriennes, le gouvernement libanais doit nécessairement obtenir l’autorisation des autorités compétentes. Or, rien de cela n’a été fait », ajoute Georges Haddad, membre de la Fondation pour les droits de l’homme et des droits humanitaires (FDHDH). Interrogé sur l’opportunité d’une visite au président syrien Bachar es-Assad que comptent entreprendre les parents des détenus aujourd’hui, M. Saad a affirmé qu’il craignait que la délégation ne soit refoulée à la frontière en précisant toutefois qu’il était de leur droit de prendre une telle initiative. Une conférence de presse est prévue le même soir par les ONG concernées (Solid, Solida, FDHDH, MDH) et les parents des détenus, déterminés à ne pas lâcher prise avant d’avoir obtenu gain de cause. Jeanine JALKH
La scène était poignante mardi lors de la rencontre entre une délégation de parents des détenus en Syrie et le président de la commission pour les personnes disparues, Fouad es-Saad. Venus s’enquérir au sujet du rapport que devait établir la commission, les parents obtiendront cette réponse décevante de la bouche du responsable : « Pour l’instant, la publication du rapport n’est...