Le président américain George W. Bush en tête, l’Amérique conservatrice a trouvé son credo en terme d’éducation sexuelle pour les jeunes Américains, prônant désormais exclusivement l’abstinence jusqu’au mariage. Pour l’enseigner, les écoles reçoivent chaque année des dizaines de millions de dollars du gouvernement fédéral. À charge pour elles d’enseigner que « l’activité sexuelle en dehors du mariage risque d’avoir des conséquences psychologiques et physiques nuisibles ». Défendant la position de l’Administration Bush lors du récent sommet des enfants de l’Onu, le secrétaire à la Santé, Tommy Thompson, a expliqué : « L’abstinence est la seule façon d’éviter les maladies sexuellement transmissibles, les grossesses précoces, et les difficultés sociales et personnelles liées à une activité sexuelle n’entrant pas dans le cadre du mariage. » En février, le président Bush a proposé d’augmenter de 135 millions de dollars les fonds fédéraux pour prêcher l’abstinence. « Le gouvernement ne devrait pas dévaloriser les enfants en présumant qu’ils sont incapables d’agir de manière responsable, a-t-il expliqué. Nous devons promouvoir les bons choix. » Efficacité douteuse « La seule sexualité sans danger est celle qui entre dans le cadre d’un mariage monogame, explique également Wendy Wright, porte-parole du groupe conservateur Les femmes soucieuses de l’Amérique. Enseigner autre chose aux enfants est dégradant. C’est les traiter comme des animaux en leur disant : “Vous allez le faire de toute façon, vous ne pouvez pas vous contrôler”». Les critiques soulignent que rien n’a encore établi l’efficacité des programmes prônant l’abstinence, lesquels ignorent le fait que près de la moitié des jeunes Américains entre 15 et 19 ans ont une vie sexuelle. « L’abstinence est-elle efficace ? Bien sûr », reconnaît Bill Albert, porte-parole d’une « Campagne nationale pour empêcher les grossesses d’adolescentes ». Mais, dit-il, « la question est de savoir si l’éducation limitée à la seule abstinence marche ». Même s’il a diminué ces dernières années, le taux de grossesses d’adolescentes reste aux États-Unis le plus élevé des pays développés, deux fois plus élevé qu’en Angleterre, quatre fois plus qu’en Allemagne, six fois plus qu’en France et huit fois plus qu’aux Pays-Bas, selon le Planning familial américain. Chaque année, un million d’adolescentes tombent enceintes aux États-Unis. Bill Albert regrette d’autant plus les quelque 135 millions de dollars distribués par le gouvernement fédéral chaque année aux écoles de la quasi-totalité des États qui acceptent d’enseigner l’abstinence en lieu d’éducation sexuelle. La majorité de cette somme entre dans le cadre d’une loi de 1996 sur la réforme de l’aide sociale. La Chambre des représentants a voté il y a quelques jours la prorogation de cette loi et l’augmentation des fonds consacrés aux programmes d’abstinence. La loi doit encore être adoptée au Sénat. L’ACLU, organisme de défense des libertés civiles, dénonce pour sa part comme « lourdement irresponsables » des programmes qui empêchent les enseignants d’aborder les questions de contraception. « Certains adolescents ne vont pas écouter le message d’attendre jusqu’au mariage, explique Catherine Weiff, responsable à l’ACLU. Et nous devons les protéger. C’est plus important que de promouvoir une idéologie, un idéal ou une pureté morale. »