Actualités - CHRONOLOGIE
CINÉMA- Récolte abondante pour la 55e cuvée du festival qui s’ouvre aujourd’hui Cannes sous le signe de la diversité(photos)
le 15 mai 2002 à 00h00
Les dégustations de la 55e cuvée du Festival de Cannes débuteront aujourd’hui mercredi, alors que les cépages de la cinématographie offrent une récolte toujours plus abondante et que les pieds de vigne se multiplient sur la planète. C’est avant tout cette diversité régionale dont le festival veut se faire l’écho, du 15 au 26 mai, mais à l’approche de son troisième âge il éprouve également l’envie d’un retour sur ce qui a été accompli. Il s’ouvrira donc sur un film de montage de 26 minutes élaboré par son président, Gilles Jacob, et retraçant les moments saillants d’une vie qui a débuté en 1946, après une première naissance avortée en 1939. Cette dernière ne sera pas oubliée puisque seront aussi montrés durant le festival quelques-uns des films qui devaient concourir cette année-là, dont Le magicien d’Oz, de Victor Fleming. Après quoi, Hollywood Ending ouvrira officiellement les joutes sous l’œil d’un jury de neuf membres présidé par David Lynch. Woody Allen fera le déplacement cannois, ce qui en soi est un événement et a été présenté comme tel par les organisateurs. Comme le festival l’a annoncé en avril, 22 longs métrages sur 939 vus en découdront, témoins d’une sélection où se côtoient comme à l’accoutumée valeurs sûres et petits nouveaux. «Je pense que le festival peut être fier de cette sélection», avait dit Jacob le mois dernier, lors de la présentation des sélections de la compétition et d’«Un Certain regard», qui à eux deux regrouperont 55 longs métrages. Renouvellement géographique Depuis quelques années, le festival est soumis à une véritable inflation de candidatures mais il y voit «le signe le plus patent de la vitalité de la création cinématographique dans le monde», tendance qui s’appuie également sur la rapidité d’exécution et sur l’allègement des coûts que permettent le numérique et la vidéo. Ce mouvement à l’œuvre dans le cinéma recherché sera notamment représenté par 24 Hour Party People, du Britannique Michael Winterbottom. La forte présence «british» en compétition est de fait l’un des traits saillants de cette 55e édition, Mike Leigh, Winterbottom et Ken Loach surtout se retrouvant à nouveau en lice. Surtout, le 55e festival veut rendre compte d’un «renouvellement géographique» de la production et ne pas dérouler le tapis rouge aux seuls longs métrages de fiction. L’an passé, un dessin animé, Shrek, était en lice pour la Palme d’or. Un autre, Spirit, sera vu hors compétition en 2002. La compétition s’ouvre à nouveau au documentaire en la personne du très controversé cinéaste américain Michael Moore et son Bowling for Columbine. Moore s’est rendu célèbre en 1989 avec Roger and Me, document polémique sur la disparition de l’usine General Motors de Flint, dans le Michigan. Un documentaire, Le monde du silence, de Jacques-Yves Cousteau et Louis Malle, avait remporté la Palme d’or en 1956, au grand dam de François Truffaut, alors critique. Un film palestinien, Intervention divine d’Elia Souleïman, et un film israélien, Kedma d’Amos Gitaï, apparaissent dans la compétition mais, soulignent les organisateurs, celle-ci «cède le pas à deux films qui sont des actes de paix». Coups de projecteur Ararat, d’Atom Egoyan, ne concourt pas mais figure tout de même dans la sélection officielle. Ayant pour sujet le génocide arménien, il arrivera sur la Croisette précédé d’une vive polémique et c’est pour cette raison que le cinéaste canadien a souhaité qu’il ne soit pas soumis à un jury. Cette diversité géographique et ce mélange des genres voulus par le festival sont encore plus évidents dans la section non compétitive «Un Certain regard», puisque l’on y trouve des films venant aussi bien de la Mauritanie que du Tadjikistan, de la Syrie que du Liban, dans les séances spéciales et hors compétition. Cannes est aussi le lieu des hommages et des coups de projecteur. Alain Resnais verra Je t’aime, je t’aime enfin projeté à Cannes. Il devait l’être en 1968 mais l’actualité en décida autrement. La «Salle des sables», un lieu de projections publiques, passera des films de Jacques Tati. Le 19 mai, le Palais montrera une copie restaurée de 70 mm de Playtime, que Tati réalisa en 1967 et qui suscita l’incrompréhension totale du public. On peut espérer que cette renaissance lui rende justice. Enfin Bollywood et le cinéma underground américain auront eux aussi leurs journées cannoises. Paul Morrissey et son acteur fétiche Joe d’Allessandro présenteront Flesh (1968), Trash (1970) et Heat (1972), trois films qui furent produits par Andy Warhol. La comédie musicale indienne sera à l’honneur avec Devdas, un long métrage de Sanjay Leela Bhansali, et un hommage rendu au cinéaste de Bombay, Raj Kapour. Enfin, comme l’on s’y attendait, Star Wars II, l’attaque des clones sera projeté demain jeudi. Et George Lucas accompagnera le cinquième volet de la saga sur la Croisette. La Croisette sur ses gardes Le Palais et les palaces de la Croisette seront placés, le temps du 55e Festival de Cannes qui s’ouvre, sous une surveillance accrue en raison de la menace terroriste internationale. «Il y a plus de pression et beaucoup plus de crainte», souligne le commissaire cannois Jean-Claude Suzanne, qui place la sécurité comme «une priorité absolue», y compris en ce qui concerne la petite délinquance. L’an dernier, les vols à la tire ont augmenté de 65 %. Quatre compagnies de CRS, soit plus de 300 hommes, une trentaine de fonctionnaires de la sécurité publique, des démineurs et maîtres-nageurs-sauveteurs seront affectés au service d’honneur, à la circulation et à la sécurisation des abords du «bunker» – le palais des festivals – équipé pour la première fois de la vidéo-surveillance. Dans l’attente d’un arrêté préfectoral, la municipalité qui a prévu, à l’automne, un plan d’envergure avec plus de 80 caméras réparties sur toute la ville, a anticipé sa mise en place sur le site du palais des festivals. «Nous avons obtenu un feu vert oral», précise M. Yves Louaver, conseiller municipal chargé de la sécurité. Cinq caméras, équipées de zoom et installées aux alentours du palais, balayeront côtés mer et ville. Quatre autres, installées sur la Croisette et à la gare maritime, complèteront ce dispositif. Ce dernier est relié par fibres optiques à un ancien PC de circulation, réhabilité pour la circonstance, où une dizaine d’opérateurs se relaieront pour assurer une veille permanente. Gardes du corps Un plan de circulation est également mis en place pour éviter un engorgement des rues, avec des temps de stationnement réduits et une incitation à faire les livraisons de nuit. Les 130 fonctionnaires de la police municipale seront également mobilisés. Depuis deux ans, la SNCF reconduit le «filtrage» dans ses gares et renforce la surveillance dans ses trains qui, en 1999, avaient acheminé des bandes de jeunes gens venus perturber le bon ordonnancement des festivités et autres soirées privées sur la Croisette. La société Diams, dont les vigiles et «bodyguards» assurent la sécurité au Majestic, Carlton, Martinez, Noga et au Gray d’Albion, un souci exprimé par la clientèle de ces palaces, notamment américaine. L’an passé, 350 salariés avaient été déployés, cette année «nous allons doubler la sécurité», indique Patrick Motel, le directeur général de Diams. «Lorsque la prévention est là, la délinquance s’en va», affirme M. Motel, qui annonce la création en septembre d’une école de formation d’agents, jumelée à l’école hôtelière. Avec un vigile devant chaque établissement, chaque boutique, «Cannes sera la ville la plus sûre», prédit-il. «Cette sécurité à outrance a déshumanisé le festival», marmonne un vieil habitué, accroché à ses souvenirs d’acteurs et d’actrices qu’il se plaisait à approcher n’importe où sans l’angoisse d’être repoussé par des «gorilles». «Nous ferons le maximum pour que tout se passe le mieux possible pour tous», rétorque le commissaire Suzanne. « Les grands auteurs font les grands films » «Les grands auteurs font les grands films», déclare Thierry Frémaux, délégué artistique du Festival de Cannes depuis l’an dernier, à propos des 22 candidats à la Palme d’or qui vont concourir pour ce trophée prestigieux. Dans ce club privilégié, plus de la moitié sont des habitués de la compétition, mais le quadragénaire cinéphile et passionné de foot qu’est Thierry Frémaux a la réplique sportive : «L’équipe de France pour la Coupe du monde comprend, globalement, les joueurs auxquels on s’attendait et là il y a un peu de ça», dit-il dans une interview à l’AFP. «Michael Winterbottom ne vient pas pour la première fois, mais il vient avec un film absolument nouveau (“24 Hour Party People”). David Cronenberg, Mike Leigh, Roman Polanski, Manoel de Oliveira, Amos Gitaï, Aki Kaurismaki, Mike Leigh ont fait d’autres films avant de revenir à Cannes». «On fait attention à tout. Parfois un chef-d’œuvre ou un bon film peut se nicher dans une vidéo reçue par courrier. Les films (plus de 900 longs métrages) sont tous arrivés assez tardivement, il a donc fallu qu’on travaille jusqu’au bout». (NDLR : deux films américains ne figuraient pas dans le dossier de presse distribué lors de l’annonce de la sélection). «C’est curieux parce que, en raison de la présidentielle (en France), Cannes est une semaine plus tard mais c’est comme si tout le monde s’était dit : “On a un peu plus de temps”. On avait entre cinq et dix gros titres américains qui arrivaient et on avait décidé de ne donner une réponse qu’après avoir tout vu, comme pour les films français». Moins de films français «On ne savait pas, par exemple, si le film de Michael Moore (“Bowling for Columbine”) serait prêt. Mettre un documentaire très politique en compétition, c’est un choix qu’il faut mesurer, souligne Thierry Frémaux. On ne l’a pas pris pour des raisons politiques mais parce que c’est un bon film de cinéma. Ce n’est pas un documentaire classique. C’est un film plein d’énergie sur la question des armes aux États-Unis, qui nous intéresse, nous concerne, nous fait rire et pleurer». Si le nombre de films des quatre coins du monde a augmenté, il a en revanche diminué côté français. «L’an dernier, on en avait vu plus de 80 et cette année 70. On a respecté la règle qui veut que tous soient vus, de décembre jusqu’à la veille de la conférence de presse. La décision est prise le matin même par un vote démocratique du comité français». Thierry Frémaux constate que «l’an dernier, il y avait beaucoup de films intimistes et même radicaux sur le plan esthétique. Là, c’est un peu plus directement politique. Outre Michael Moore, “Ararat” d’Atom Egoyan est un film sur la mémoire de la question arménienne. Mike Leigh et Ken Loach continuent à parler de l’Angleterre d’aujourd’hui. “L’ora di religione” de Marco Bellocchio est un film politique au sens absolu du terme, un homme dans la cité, face à l’autorité, à la religion, au pouvoir politique. Mais on va s’amuser aussi pas mal», promet le bras droit et successeur de Gilles Jacob, aujourd’hui président du festival. Il souligne que les cinémas méditerranéens vont débarquer en force sur la Côte d’Azur. «Il y avait cette année plus de films de qualité qui venaient de Turquie, de Syrie, d’Algérie, du Liban. “Rachida” de Yamina Bachir pour l’Algérie ou les deux films de Zeki Demirkubuzde pour la Turquie ont été de jolies surprises qui reflètent un frémissement qualitatif du côté de la Méditerranée. Mais c’est une coïncidence d’avoir un film israélien et un film palestinien en compétition», dit-il, démentant toute arrière-pensée diplomatique.
Les dégustations de la 55e cuvée du Festival de Cannes débuteront aujourd’hui mercredi, alors que les cépages de la cinématographie offrent une récolte toujours plus abondante et que les pieds de vigne se multiplient sur la planète. C’est avant tout cette diversité régionale dont le festival veut se faire l’écho, du 15 au 26 mai, mais à l’approche de son troisième âge il...
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