Actualités - REPORTAGE
SOCIÉTÉ - Hay el-Aïn, un quartier du Hermel qui a poussé en plein Biyakout Une école qui a un cimetière pour terrain de jeu(PHOTOS)
Par KHODER Patricia, le 14 mai 2002 à 00h00
10 heures 30. C’est l’heure de la récré à l’école publique de Hay el-Aïn, à Biyakout (Metn). Accompagnés de leurs professeurs, les enfants sortent d’un appartement improvisé en salles de classe, traversent une ruelle pour gagner un terrain vague, leur seul espace de jeu. À regarder de près, l’endroit en question est divisé en deux parties : un minuscule terrain de basket donnant sur le cimetière de la région. Depuis quelques années, telle est la situation tragi-comique – voire kafkaïenne – vécue tous les jours de la semaine par une centaine d’élèves âgés de cinq à quinze ans. Même si leurs parents s’indignent de temps à autre, ils se sont résignés à la situation. «Ce sont les adultes qui ont peur des morts et non les enfants, parce ces derniers n’ont jamais été confrontés à l’angoisse de la mort», indique Oum Haytham, dont le fils benjamin, âgé de sept ans, fréquente l’école du quartier. Les professeurs et les surveillants tentent, dans la mesure du possible, d’interdire aux enfants l’accès au cimetière. Mais comment contenir les enfants dans un espace minuscule, sur le terrain bétonné, du moment qu’il est beaucoup plus agréable de jouer dans la verdure où, ici et là, poussent des plaques en marbre ? «Nous sommes des déshérités», lance une enseignante qui se dit très proche du chef du Parlement, Nabih Berry, «qui est le seul à s’enquérir des laissés-pour-compte. D’ailleurs c’est lui qui m’a fait engager ici», indique-t-elle. Hay el-Aïn est un espace qui détonne dans cette zone du Metn. Et cela n’est pas dû uniquement au cimetière transformé en cour de récréation. Avec une superficie d’un peu moins de 3 000 mètres carrés, le quartier entier est peuplé de familles venues du Hermel. Des femmes portant des vêtements aux couleurs éclatantes et la tête recouverte d’un grand foulard se promènent partout. Des banderoles rendant hommage au Hezbollah et des images du chef du Parlement Nabih Berry sont collées ici et là. Le moukhtar, lui aussi originaire du Hermel, Mehdi Dib Obeid, indique que «les premiers venus de la famille-tribu Obeid sont arrivés de leurs lointains villages en 1958». Ils fuyaient la vengeance d’un autre clan. Signalons dans ce cadre que, jusqu’à présent, les habitudes tribales demeurent en vigueur au sein des clans du Hermel. Durant quelques années, ils ont vécu sous des tentes. Et ils ont choisi, par réflexe, de s’installer près de la fontaine de Biyakout, aujourd’hui complètement tarie. Tout au long de la guerre du Liban, les habitants, originaires du Hermel et appartenant tous à la communauté chiite, ont quitté le quartier pour s’établir dans d’autres régions du pays. Ils ne sont revenus qu’avec la fin de la guerre, au début des années quatre-vingt-dix. Vivant initialement de l’agriculture et de l’élevage, les membres du clan Obeid se sont recyclés en arrivant au Metn. Actuellement, ils exercent de petits métiers artisanaux ou bien trouvent à s’engager dans diverses usines. Autour de la mosquée, toujours inachevée du quartier, poussent environ 450 petites maisons. Certaines sont complètement délabrées et insalubres. Au début des années soixante, le clan Obeid et diverses autres familles venues du Hermel et de Wadi Khaled (Akkar) se sont mis à construire des habitations en dur. «L’école, dont le terrain a été acheté à très bas prix, a été construite à cette époque», indique le moukhtar du quartier. C’est bien l’appartement qui a été transformé en école ? «Non, l’établissement que nous avons bâti a été complètement détruit durant la guerre», indique-t-il, en expliquant encore que récemment, «les autorités ont loué une maison pour la convertir en école». Et M. Obeid, qui est père de six enfants, de se demander pourquoi «l’établissement scolaire public construit par son propre clan et cédé ensuite au ministère de l’Éducation n’a pas été restauré». Pour lui, l’école du quartier est très importante dans la vie d’une communauté. Pointant le doigt en direction d’une minuscule maison délabrée, il relève : «Cette habitation abritait un petit garçon qui avait suivi les cours de l’école détruite durant la guerre, il est actuellement employé à la Banque du Liban». «Nous sommes complètement démunis et nous ne parvenons pas à envoyer nos enfants dans d’autres établissements. Nous sommes incapables par exemple de payer la scolarité ou l’autocar d’une école privée», poursuit-il. En attendant donc la reconstruction de l’établissement scolaire, édifié au début des années soixante et démoli durant les années soixante-dix, les élèves de l’école publique de Hay el-Aïn continueront à jouer, insouciants, tout près des cimetières. Patricia KHODER
10 heures 30. C’est l’heure de la récré à l’école publique de Hay el-Aïn, à Biyakout (Metn). Accompagnés de leurs professeurs, les enfants sortent d’un appartement improvisé en salles de classe, traversent une ruelle pour gagner un terrain vague, leur seul espace de jeu. À regarder de près, l’endroit en question est divisé en deux parties : un minuscule terrain de basket...
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